On n’imaginait pas qu’une ministre de l’économie pût écrire au Président de la République : « Utilise-moi pendant le temps qui te convient et convient à ton action et à ton casting ». De la part d’une « copine » de DSK invitée d’une soirée au Carlton de Lille, cela passe encore. Mais d'une future directrice générale du FMI, non, cela dépasse l’entendement.
Mais dans une démocratie acquise depuis longtemps à des us et coutumes conformes aux républicains, comment est-ce possible ? Comment expliquer qu’une ministre d’Etat se comporte de manière plus servile qu’une Nadine Morano ? Comment comprendre qu’une dame de l’élite, formée dans le sérail, aujourd’hui à la tête d’une institution qui édicte le Bien et le Mal aux quatre coins du monde, ose étaler un avachissement éthique digne de l’une des femmes du roi d’Arabie Saoudite ?
En vérité, il est impossible de comprendre ce mystère sans en revenir à l’un des fondements de l’ère Sarkozyste : le culte du chef suprême. Tous, à des degrés divers, ont dû s’y plier, quitte à y perdre leur âme. Tous, de François Fillon, ex « collaborateur » de prestige, au dernier secrétaire d’Etat, ont dû accepter de se comporter comme des soldats de 14-18 face à leur gradé. Tous y ont laissé au passage le sens des responsabilités, la liberté de penser, le droit à l’initiative, et le pouvoir de contester.
A quelques exceptions près (dont Alain Juppé, sans doute, mais c’était déjà l’époque de la défaite annoncée), les ministres de Nicolas Sarkozy n’étaient pas des ministres mais les membres d’une bande, d’un clan, ayant juré fidélité au chef. Quoi que dise et fasse l’ex Président, ils devaient obtempérer. Certains l’ont reconnu, comme Roselyne Bachelot. D’autres ont avancé une critique a posteriori, comme Bruno Lemaire. Quant à François Fillon, il esquisse un autoportrait d’autant plus flatteur qu’il se rêve Vizir à la place de l’ex Vizir.
Mais quand ils exerçaient leurs fonctions ministérielles, tous ont agi en clones politiques de Christine Lagarde. Sommés de se soumettre ou de se démettre, ils ont préféré le déshonneur de l’humiliation au courage de la sécession. La seule différence entre la directrice du FMI et ses ex compagnons de mésaventure sadomaso, c’est qu’elle l’a écrit noir sur blanc. La faute est impardonnable. « Christine L. » portera à jamais le chapeau de la honte que les autres ont enfoui au fond de leur malle à souvenirs.