Source : www.reporterre.net
Paul Ariès
jeudi 16 octobre 2014
Et si la gratuité était le premier pas pour une transition écologique et une société de justice sociale ? Face à un système productiviste qui est « parvenu à délégitimer toute idée de gratuité », il faut reposer les bases d’un principe général s’opposant au « croissancisme » et permettant de « transformer la société de façon écologiquement, socialement et politiquement responsable. »
Nous sommes face à une crise systémique qui touche tous les domaines de l’existence : crise écologique, sociale, économique, politique, anthropologique. Nous devons donc avoir une réponse qui soit aussi globale que cette crise. Dire cela ne signifie pas qu’une seule solution pourrait avoir réponse à tout.
La transition écologique, tout comme la construction d’une société de justice sociale, ne se fera pas en un jour, ni sans frayer de nombreux chemins que l’on commence à bien connaitre.
Mais de la même façon que le productivisme et le capitalisme font feu de tout bois pour généraliser la marchandisation, condition de tous les mauvais coups, nous devons aussi disposer d’un principe général, qui permette non seulement de nous opposer au croissancisme (cette idée folle qu’un retour à la croissance économique serait non seulement possible mais salutaire) mais de commencer à transformer la société de façon écologiquement, socialement et politiquement responsable.
Un "déjà-là" alternatif
Nous sommes de plus en plus nombreux, tant en France qu’ailleurs, à penser que la défense et l’extension de la sphère de la gratuité est le bon combat, un combat qui n’interdit pas les autres mais les conditionne, les rend plausibles.
Cette volonté de marcher vers une société de la gratuité ne s’enracine pas dans le ciel des idées (même si nous avons besoin d’utopies) mais dans une multitude de pratiques de gratuité et d’expérimentations qui se développent et forment un « déjà-là ».
Cette conviction d’un déjà-là alternatif est importante au moment où Manuel Valls retrouve les accents de Thatcher pour dire qu’un autre monde n’est pas possible. Toutes les villes qui expérimentent la gratuité du service public prouvent au contraire que non seulement « c’est possible », mais que « ça marche ». Quel que soit le choix des citoyens : ici, on commence par la gratuité de l’eau vitale, ailleurs c’est celle des transports en commun urbains, des services culturels, de la restauration scolaire, des services funéraires, etc. La liste est illimitée car il n’y a pas de biens communs par nature et d’autres services voués à rester dans le secteur marchand.
Une gratuité construite politiquement
J’entends déjà certains lecteurs dirent que la gratuité n’existe pas… La gratuité, ce n’est pas le produit ou le service débarrassé du coût, mais libéré du prix. L’école publique est gratuite mais payée par nos impôts et tant mieux ! Lorsque nous parlons de gratuité, nous parlons toujours d’une gratuité construite, économiquement construite, culturellement construite, politiquement construite.
J’aime ces maires qui interpellent la population et disent : « Préférez-vous maintenir la gratuité du stationnement ou choisir celle de l’eau vitale ou d’un bouclier énergétique ? » C’est là que les choses commencent à devenir intéressantes du point de vue écologique, car il ne s’agit pas de rendre tout gratuit mais de bien choisir. Pourquoi paye-t-on son eau le même prix pour faire son ménage et remplir sa piscine privée ? Ce qui vaut pour l’eau vaut pour l’ensemble des besoins humains !
Nous prônons donc la gratuité du bon usage face au renchérissement du mésusage. Bon usage/mésusage ? Il n’y a pas de définition scientifique et encore moins moralisatrice, la seule définition est politique : ce que les citoyens choisissent. Je fais confiance ici à la « décence ordinaire » au « bon sens populaire » : les gens ordinaires n’ont pas pour objectif de vivre comme des riches mais de vivre bien...
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