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30 octobre 2011 7 30 /10 /octobre /2011 11:48
| Par Edwy Plenel
Chacun l'a compris à l'annonce, mercredi 24 août, des mesures d'austérité gouvernementales : l'aumône demandée à une minorité de très riches n'est que l'alibi d'une rigueur pour le plus grand nombre (lire ici l'article de Laurent Mauduit sur cette austérité aux allures de Grand Guignol). Grossière, la manœuvre a été accompagnée d'une opération de diversion avec l'appel «Taxez-nous!» du Nouvel Observateur. Mais cette entourloupe dit aussi la peur qui habite cette présidence et l'oligarchie qui l'entoure, tant la crise met en évidence leurs impostures. Décryptage en forme de message d'espoir.

Car ce pouvoir qui n'a cessé de jouer sur les peurs, de les susciter et de les alimenter avec les trois « i » qui lui tiennent lieu de politique – identité, immigration, insécurité, autrement dit peur de l'avenir, peur de l'étranger et peur du quotidien –, oui, ce pouvoir est lui-même habité par la peur. Peur d'être dévoilé, confondu et démasqué. Insaisissables, incontrôlables et imprévisibles, les événements le rattrapent et risquent, à tout moment, de l'ébranler. Révolutions arabes, émeutes britanniques, crise financière et récession économique, affaires : sous le calme illusoire qu'offrent les protections présidentielles et les complaisances médiatiques, la météorologie politique est bel et bien menaçante.

Tandis qu'une brochure en forme de slogan ne cesse de donner le ton, avec le succès phénoménal de l'essai de Stéphane Hessel, Indignez-vous!, le réveil soudain des peuples arabes est une onde de choc souterraine qui fait vaciller toutes les certitudes. Elle rappelle brutalement la précarité de son sort et l'instabilité de sa condition à cette infime minorité aujourd'hui installée à demeure au cœur de la République, au croisement de l'avoir et du pouvoir, dans la confusion des intérêts privés et du bien commun. Ce pouvoir est le mieux placé pour en prendre la mesure tant il avait parié sur ces régimes déchus ou menacés, leur stabilité et leur clientèle.

L'Union pour la Méditerranée, ce grand œuvre géopolitique du quinquennat avec MM. Ben Ali, Moubarak, El-Assad et Kadhafi en alliés vedettes, voire en amis fidèles, n'était-ce pas hier, à peine ? Et les documents Takieddine dévoilés par Mediapart ne donnent-ils pas un aperçu sidérant des corruptions occultes qu'abritaient ces compromissions tapageuses ? Seuls les amnésiques peuvent croire à la fable humanitaire du zèle guerrier de Nicolas Sarkozy en Libye. Il s'agit d'abord d'effacer sous la mitraille les traces de l'idylle nouée depuis 2005 par le clan Sarkozy avec le despote de Tripoli. D'en effacer jusqu'au souvenir.

Il en va de même avec la crise qui, en s'accélérant et s'approfondissant, met en évidence les inconséquences d'un pouvoir aussi imprévoyant qu'incompétent. Des déficits creusés, des inégalités renforcées, une croissance enrayée, un chômage aggravé : tel est son bilan, sans appel. Mais, surtout, ce bilan désastreux s'accompagne du prix à payer pour l'arrogance initiale et jamais démentie, de la soirée du Fouquet's couplée au yacht de Bolloré jusqu'aux spectaculaires affaires Bettencourt et Tapie : celle du «président des riches», selon l'heureuse formule des sociologues Pinçon-Charlot (voir Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Le Président des riches, Zones, 2010). Mieux, des très riches. D'un chef de l'Etat devenu chef de bande, fondé de pouvoir d'un clan oligarchique.

Là encore, l'urgence du pouvoir est de brouiller les pistes, de conjurer le souvenir afin de devancer la révolte. Devenue l'incarnation même de l'injustice et de l'aveuglement, cette présidence cherche son grand roque sur l'échiquier de la campagne présidentielle à venir. Il lui faut fabriquer une nouvelle fiction politique qui puisse lui tenir lieu d'échappée belle ou de contre-pied tactique.

C'est ici qu'intervient l'appel lancé par Le Nouvel Observateur qui est à la fois une manœuvre de diversion et un symptôme d'inquiétude. Mais c'est aussi, à travers l'indécente complaisance d'un hebdomadaire supposé de gauche, une leçon de choses sur les pièges médiatiques qui ne cesseront de nous être tendus à mesure qu'approchera l'échéance électorale.

Le Nouvel Observateur diffuse une fiction sarkozyste

Mardi 23 août, à la veille de la communication gouvernementale, le site du Nouvel Observateur mettait donc en ligne, sous le bandeau «Exclusif» un «appel de très riches Français» intitulé «Taxez-nous !» (à retrouver intégralement ici). Tout en précisant que ce «texte minimal (...) ne reflète pas la position de l'Obs, mais celle de ces hauts dirigeants», le directeur de l'hebdomadaire, Laurent Joffrin, saluait ce «geste» par lequel «un groupe significatif de grands patrons acceptent un effort supplémentaire». «L'important est que la classe dirigeante française commence à évoluer», ajoutait-il, tout en concédant que c'est à pas d'escargot : après tout, ce geste n'est que «prudent» et «symbolique», selon Joffrin lui-même.

 

Maurice Lévy.
Maurice Lévy.© (dr)

Ces précautions signaient une capitulation. Le journalisme, du moins son indépendance et son exigence, n'avait en effet rien à faire dans cette pure opération de communication. Organisée par le patron de Publicis, groupe dont le métier est la publicité, Maurice Lévy, elle avait été annoncée le 16 août par une tribune de ce dernier dans Le Monde (dont Publicis est l'actionnaire historique de la régie publicitaire, ce que le quotidien ne précisait pas). Au nom de l'Association française des entreprises privées, l'AFEP qu'il préside, M. Lévy y déclinait sans la moindre retenue ou distance les objectifs du pouvoir (retrouver le texte intégral ici), un pouvoir dont il avait été déjà l'entremetteur sur le front du numérique lors du récent G8.

Oubliant le tour de passe-passe de 2008 où des dettes privées sont venues alourdir la dette publique, l'Etat volant au secours des banques sans contrepartie, auquel s'ajoute l'abyssal manque à gagner d'une politique fiscale favorable aux plus riches, Maurice Lévy s'en prenait vertement à l'Etat providence et à «l'assistanat» qui serait sa résultante, concluant, avec un nous bien mal approprié : «Pendant toutes ces décennies, nous avons vécu au-dessus de nos moyens.»

Suivait un ordre du jour digne des plus belles heures du reaganisme américain ou du thatchérisme britannique : sacralisation de la «règle d'or» budgétaire car «il y va de l'avenir de notre pays», assaut radical contre le déficit public («une réduction brutale, immédiate (...), sans attendre une seule seconde»), guerre drastique aux coûts «de nos structures administratives et de nos systèmes sociaux», réduction sensible «des charges qui pèsent sur les salaires».

De ce programme en forme de déclaration de guerre aux salariés, Le Nouvel Observateur n'a soufflé mot à ses lecteurs, et d'autant moins que son propriétaire, l'industriel Claude Perdriel, est l'un des signataires de l'appel fabriqué par Maurice Lévy. Il suffisait pourtant d'avoir lu la tribune du patron de Publicis dans Le Monde pour comprendre que cette «contribution exceptionnelle des plus riches, des plus favorisés, des nantis» n'était que le pâté d'alouette destiné à faire passer la potion de cheval. Non seulement une contribution «exceptionnelle», mais, insistera ensuite l'appel, «dans des proportions raisonnables» qui, de plus, doit «s'inscrire dans un effort plus global de réforme», lequel «demande à tous un effort de solidarité».

Décidément, la ficelle était un grossier cordage. C'est tout le risque d'une politique réduite à la communication : son habillage la dévoile plutôt qu'il ne réussit à la masquer. Contrairement à ce qu'écrit Laurent Joffrin, l'appel « Taxez-nous ! » ne propose pas un geste des très riches, mais tente d'initier une pédagogie de l'effort et du sacrifice, de la souffrance et de la contrainte pour tous ceux qui ne le sont pas. «Payer une contribution exceptionnelle est le moyen pour les riches de se légitimer», commente à juste titre Monique Pinçon-Charlot qui souligne combien «la classe dominante sent les dangers explosifs de la situation actuelle» (lire ici son commentaire intégral).

C’est une révolution fiscale qu’il nous faut

Ce qui est explosif, c'est tout simplement la somme d'injustice sociale propre à la France et gravement alourdie depuis 2007. L'équipe de l'économiste Thomas Piketty a démontré sans appel que notre système fiscal est régressif, et non pas progressif, c'est-à-dire que les plus fortunés y payent proportionnellement beaucoup moins d'impôt que la plus grande masse des contribuables. Quand, tous prélèvements obligatoires confondus, les taux effectifs d'imposition sont en moyenne de 45% pour les 50% des Français les plus modestes et se situent entre 48 et 50% pour les 40% suivants de la pyramide des revenus, ils ne cessent de décliner pour les 5% de revenus les plus élevés, ne dépassant guère les 35% pour les 0,1% des Français les plus aisés (soit 50.000 personnes sur 50 millions).

 

Incontestable, cette démonstration savante s'est accompagnée d'un appel citoyen à une «révolution fiscale» dont un site Internet détaille les enjeux et les modalités (à consulter ici). Oui, «une révolution», insiste Thomas Piketty, tant est intenable, invivable et insupportable, une situation où «les revenus du capital, tout comme les patrimoines dont ils sont issus, ont retrouvé en ce début du XXIe siècle une prospérité que l'on n'avait pas observé depuis la Belle Epoque», soit le tout début du XXe siècle.

En opposant au coup de bluff de «Taxez-nous!» l'argumentation serrée de Pour une révolution fiscale, l'ouvrage de Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez qui soutient ce débat essentiel (Seuil, 2011), on retrouve cette nécessité (rappelée dans un précédent article, à lire ici) de prendre les problèmes à la racine, autrement dit d'être réaliste en étant radical, pragmatique parce que radical.

«Le patrimoine privé, lit-on ainsi sous leur plume paisible, représente actuellement l'équivalent de près de six années de revenu national, contre moins de quatre années dans les années 1980, et moins de trois années dans les années 1950. Il faut remonter à la Belle Epoque (1900-1910) pour retrouver une telle prospérité des fortunes françaises, avec des patrimoines privés atteignant l'équivalent de six, voire sept années de revenu national. (...) Nous sommes dans une période historique où les patrimoines (et les revenus qui en sont issus) se portent très bien et ont beaucoup progressé ces dernières décennies, alors que la production et les revenus du travail croissent à un rythme relativement faible. (...) Cela implique à tout le moins qu'un système fiscal taxant davantage le travail que le capital n'est guère adapté à notre époque et peut assez légitimement susciter de forts soupçons d'iniquité de la part de tous ceux qui n'ont que leur travail pour vivre.»

Le propos est aussi modéré qu'est implacable la réalité dont il rend compte et qu'aucune «contribution exceptionnelle» ne suffira à masquer. C'est un signe des temps que cette nouvelle exigence radicale venue de cercles intellectuels réformistes ou modérés. N'est-ce pas Pierre Rosanvallon qui, tournant résolument le dos à ses mésaventures dans la défunte Fondation Saint-Simon, évoque désormais une nécessaire «société des égaux» où l'on retrouve l'écho de Gracchus Babeuf, fidèle jusqu'au sacrifice à la constitution de 1793, celle de l'An I de la République, d'une république radicalement démocratique et sociale ?

Présentant récemment dans Libération son nouvel ouvrage (lire ici son entretien), le professeur au Collège de France citait deux chiffres, eux aussi sans appel. Alors qu'avant l'arrivée de la gauche au pouvoir, le taux marginal de l'impôt sur le revenu (soit le niveau de taxation de la tranche d'imposition la plus haute) était de 65%, il est aujourd'hui de 41%. Quant à l'échelle des rémunérations, alors que dans les années 1970 les gourous du management conseillaient aux grandes entreprises de ne pas dépasser des écarts allant de 1 à 20 (il est de 1 à 3 dans l'entreprise Mediapart), les entreprises du CAC40 présentent aujourd'hui des écarts allant de 1 à 400 !

Il faudrait encore ajouter la somme des cadeaux fiscaux offerts aux plus riches, dont on évalue le manque à gagner pour les finances publiques à 150 milliards d'euros ces dix dernières années, qui se cumulent avec le chiffre noir de la fraude et de l'évasion fiscales. N'estime-t-on pas, au bas mot, à 80 milliards d'euros les avoirs français dissimulés en Suisse ? Autant d'éclairages introuvables dans la mise en scène du Nouvel Observateur qui lançait cet appel à la manière d'une fable, sans autre élément de contexte que cet « Il était une fois » (des très riches qui veulent payer plus d'impôt) avec lequel on endort les enfants. Mais, à lire la liste des signataires, on comprend mieux cette fainéantise : elle est tellement caricaturale qu'elle s'effondre comme un château de cartes à la première curiosité.

Une liste de signataires exemplaire des abus oligarchiques

Entre indécence et inconscience, les noms rassemblés par Maurice Lévy sous la bannière d'un effort national inégalement partagé ne sont pas inconnus aux lecteurs de Mediapart. A vrai dire, on y trouve presque tous nos «clients», si l'on entend par là tous ces cas d'espèce qui, un jour ou l'autre, ont nourri nos curiosités, révélations et investigations sur les abus oligarchiques. En d'autres termes, notre publicitaire ne pouvait choisir liste plus désastreuse : la plupart de ces seize signataires sont les moins bien placés pour donner l'exemple, sinon de la vertu, du moins du sacrifice.

 

Liliane Bettencourt.
Liliane Bettencourt.© (dr)

Par un hasard malin de l'ordre alphabétique, le PDG de L'Oréal, Jean-Paul Agon, et sa principale actionnaire, Liliane Bettencourt, ouvrent le bal. Nos lecteurs se souviennent suffisamment de notre feuilleton de l'été 2010 pour n'avoir pas oublié que Mme Bettencourt cumulait une évasion fiscale massive dans des paradis fiscaux, un taux d'imposition ridiculement bas par rapport à sa fortune et une remise annuelle d'impôt de 30 millions au titre du bouclier fiscal. Le Nouvel Observateur n'a pas eu la curiosité de connaître le montant du redressement fiscal qu'auront permis nos révélations ni de savoir qui a signé à la place de la vieille dame dont la tutelle est toujours un enjeu judiciaire.

PDG d'Orange, Stéphane Richard est également signataire. Or si l'on se rappelle l'affaire Tapie, cet autre feuilleton chroniqué depuis 2008 sur Mediapart, il fut au cœur de l'action concertée au sommet de l'Etat aux seules fins d'enrichir Bernard Tapie. A l'époque directeur de cabinet de Christine Lagarde au ministère de l'économie, cet énarque et ancien conseiller de Dominique Strauss-Kahn au même ministère fit fortune au détour de son passage chez Vivendi. Réussite qui lui vaudra, en 2006, quand le ministre Nicolas Sarkozy lui remit sa Légion d'honneur, un éloge envieux de sa richesse par le futur chef de l'Etat, conclu par cette double promesse : «Un jour, nous travaillerons ensemble (...). Un jour, je serai aussi riche que toi!» (voir le livre de Renaud Dély et Didier Hassoux, Sarkozy et l'argent roi, Calmann-Lévy, 2008).

Plus discrets, Franck Riboud, PDG de Danone, et Philippe Varin, président du directoire de PSA Peugeot Citroën, sont aussi signataires. Ce sont pourtant les archives récentes du Nouvel Observateur qui témoignent de l'habileté du premier à payer le moins d'impôt possible : en janvier dernier (à lire ici), l'hebdomadaire dévoilait que ce patron parmi les dirigeants les mieux payés de France utilisait la niche fiscale des investissements outre-mer pour réduire son imposition de plusieurs centaines de milliers d'euros. Quant au second, la CGT du site de Sochaux s'est empressée de rafraîchir la mémoire des journalistes oublieux : M. Varin a multiplié sa rémunération par quatre en 2010, percevant de PSA 3,251 millions d'euros, soit 8.900 euros par jour, samedis et dimanches compris.

Quoique dans des proportions moindres, les rémunérations d'autres signataires se sont elles aussi envolées, malgré l'ombre de la crise survenue en 2008 : +10% pour le PDG de L'Oréal déjà cité et +12% pour Christophe de Margerie, PDG de Total. En faisant cette autre recrue, Maurice Lévy a sans doute oublié que Total, plus grosse capitalisation du CAC40, a réussi ces dernières années à ne pas payer d'impôt sur les sociétés en France, grâce à une heureuse disposition instaurée en 2005 par un ministre de l'économie nommé Nicolas Sarkozy. Sans doute les agences de notation ne trouvent-elles rien à redire à cette habileté qui permet de ne guère contribuer à la richesse nationale...

Ces mêmes agences, qui sanctionnent les Etats au mépris de leur souveraineté et appellent à l'austérité pour les peuples, figurent parmi les signataires en la personne de Marc Ladreit de Lacharrière, président de Fimalac et principal actionnaire depuis la fin des années 1990 de Fitch Ratings, l'une des trois agences de notation qui, avec Standard&Poors et Moody's, forment une sorte d'oligopole, fermé à la concurrence et contrôlant le marché à plus de 80%. Proche de Nicolas Sarkozy, comme il le fut de Jacques Chirac, M. Ladreit de Lacharrière, ironie de l'histoire, appartient à la promotion «Robespierre» de l'ENA (1968-1970). Formé au service public sous l'égide de l'Incorruptible mais ayant offert illico ses talents au privé via le groupe L'Oréal, il a été élevé, le 31 décembre 2010, à la dignité de grand-croix de la Légion d'honneur...

Le capitalisme financier est également représenté dans cette liste par un banquier, et non des moindres, Frédéric Oudéa, PDG de la Société générale, établissement le plus exposé sans doute aux jeux spéculatifs. Lequel PDG a vu, malgré les risques pris par sa banque – on se souvient des sommes folles de l'affaire Kerviel, survenue début 2008 –, suivis de son sauvetage par l'argent public, sa rémunération grimper de +152% en 2010... L'autre grand monstre financier français, BNP Paribas, a répondu à l'appel en la personne de son président, Michel Pébereau, qui soutient l'initiative mais ne signe pas. Peut-être est-ce une insigne réserve liée à son rôle de conseiller officieux du président : M. Pébereau a été adoubé par Jean-René Fourtou, président de Vivendi, dans un groupe secret, mais qui ne l'est plus, d'aide au futur candidat Nicolas Sarkozy (c'est à lire ici).

Et si la peur changeait enfin de camp ?

Bref, cet appel indécent est en quelque sorte un lapsus politique : la bonne action supposée contient l'aveu de ses turpitudes. De bout en bout, de l'initiative imaginée par Maurice Lévy jusqu'à la petite cohorte rassemblée derrière son panache, cet appel met à nu les mécanismes oligarchiques, entre mensonges partagés, privilèges cachés et liens obligés. A mille lieues du libéralisme idéologiquement professé par ces signataires, de liberté individuelle et de libre arbitre, nous les découvrons bons petits soldats d'une opération politicienne, sagement rangés au service d'un président en future campagne.

 

Warren Buffet.  
Warren Buffet.© (dr)

Devant le spectacle de ce petit monde hexagonal qui fait corps et clan dans l'âpre souci de ses intérêts, on trouverait presque subversif l'appel autrement entier du milliardaire américain Warren Buffett dont Maurice Lévy a prétendu s'inspirer. Dans une libre opinion au New York Times parue le 14 août, le financier d'Omaha (Nebraska) s'en est tenu à ses propres privilèges, sans lancer d'appel au sacrifice général (à lire intégralement ici). Déjà, en 2010, Warren Buffett, plus conséquent, avait invité les grands milliardaires américains à léguer plus de la moitié de leur fortune à une fondation philanthropique. De l'ancien patron de Microsoft au jeune PDG de Facebook, il avait reçu l'engagement ferme de soixante-neuf de ses collègues en richesse. Aucun Français sur la liste, et certainement pas Bernard Arnault, plus grande fortune non seulement de France mais d'Europe.

Intitulée « Arrêtez de couver les super-riches » (Stop Coddling the Super-Rich), la tribune de Warren Buffett ne se contentait pas de généralités, mais donnait des chiffres, les siens : expliquant avoir payé 6.938.744 dollars d'impôts sur le revenu l'an dernier, il précisait que ce n'est que 17,4% de son revenu imposable alors que les taux d'imposition des dirigeants de son groupe s'établissent en moyenne à 36%. «Si vous faites de l'argent avec de l'argent, comme le font certains de mes amis super-riches, poursuivait Warren Buffett avec une franchise rafraîchissante, votre taux d'imposition sera sans doute un peu inférieur au mien. Mais si vous tirez votre revenu d'un emploi, votre taux d'imposition dépassera sûrement le mien.» Et d'ajouter, en guise de conclusion : «Mes amis et moi avons longtemps été couvés par un Congrès bienveillant envers les milliardaires. Il est temps, pour le gouvernement, de se montrer sérieux en matière de sacrifices partagés.»

Face à la crise dont les ravages sont encore largement devant nous, la question décisive n'est donc pas celle d'un « effort », exceptionnel ou non, mais bien d'un partage : d'un nouveau partage et d'une nouvelle redistribution des richesses dont l'une des armes principales est l'impôt. Le peuple, dans sa diversité, le sait aussi bien d'instinct que d'expérience. Et il le dit déjà : bien mieux que des sondages, en témoignent le vote à gauche manifesté chez les écologistes par le choix d'Eva Joly, tout comme la dynamique rassembleuse du Front de gauche autour de Jean-Luc Mélenchon ou encore l'expression sensible d'un changement plus radical dans les rangs socialistes à travers les voix d'Arnaud Montebourg ou de Ségolène Royal à l'orée d'une primaire plus incertaine que ne le croient les pronostics médiatiques.

Leur actuel favori dans cette compétition, François Hollande, semble en avoir pris un peu conscience, alors qu'il jouait jusqu'alors une partition située à droite de la gauche plutôt que d'une gauche exigeante avec elle-même. On l'a ainsi entendu, à La Rochelle, samedi 27 août, brocarder l'appel du Nouvel Observateur et lancer, à l'attention de ses très riches signataires : « Ils prient pour être taxés enfin... Mais qu'ils nous attendent, nous arrivons ! » (à lire ici). Une petite phrase ne fait pas une grande révolution, et il faudra bien plus que cette saillie pour obtenir l'avènement d'une gauche résolue, ambitieuse et déterminée.

D'une gauche qui, après avoir subi la contrainte d'un pouvoir exploitant des peurs dont il est le premier fauteur, réussisse à redonner courage au peuple par sa dynamique rassembleuse et sa politique audacieuse. Car il faudra bien qu'un jour, la peur change de camp. Et si, par une ironique ruse de l'histoire, cet appel aussi grotesque qu'indécent était le premier signe annonciateur de ce souhaitable renversement ?

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