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L'homme politique préféré de la bien-pensance n'est ni François Fillon, ni Jean-François Copé, ni Jean-Louis Borloo, ni Nicolas Sarkozy. Non, celui qui est devenu la référence obligée, c'est Gerhard Schröder, l'ex-chancelier social-démocrate d'Allemagne.
Franz-Olivier Giesbert, le patron du Point, s'en inspire chaque semaine pour affirmer que François Hollande, au mieux, n'en sera que la pâle copie. Dans les Echos, Bruno Le Maire, ancien ministre UMP, dit du pacte de compétitivité : «Le compte n'y est pas... François Hollande ne sera pas le Gerhard Schröder français.»
Un autre ex-ministre, le député UMP Pierre Lellouche, affirme dans la Croix : «François Hollande pourrait être le Schröder français, celui qui poursuit les réformes structurelles partiellement engagées par la droite, et, finalement, réalise enfin l'aggiornamento idéologique de la gauche française.» Quant à Christophe Barbier, directeur de la rédaction de l'Express, il a trouvé un autre héros en la personne de... Tony Blair, dont il rapporte cette docte pensée : «La gestion de l'économie n'est ni de gauche ni de droite. Ce qui compte, c'est ce qui marche.» Pour ceux qui l'auraient oublié, cette complainte était déjà en vogue à l'époque du sarkozysme triomphant.
Tony Blair ou Gerhard Schröder, c'est rose bonnet et bonnet rose. Nonobstant leurs différences, tous les deux viennent de la gauche sociale-démocrate ; tous les deux ont mis en place des politiques inspirées de l'orthodoxie néolibérale ; tous les deux ont mené leurs partis respectifs à la déroute électorale ; enfin, tous les deux ont été récompensés de leurs louables efforts en se recyclant, l'un (Blair) dans le conseil aux grands de la finance et les conférences à prix d'or, l'autre (Schröder), en entrant à la direction du groupe Gazprom, qui est à la transparence ce que Vladimir Poutine est à l'éthique.
Ces itinéraires postpolitiques devraient prémunir contre tout hommage appuyé à ces deux astres perdus de la social-démocratie européenne. Mais ceux qui les encensent ne font pas dans le détail moral. L'important, à leurs yeux, est que les deux hommes aient fait le «sale boulot» en achevant ce que les conservateurs dorés sur tranche avaient initié.
En ces temps de crise systémique et de chamboule-tout idéologique, il est logique de s'inspirer de personnages ayant marqué l'histoire de leur empreinte. On pourrait, par exemple, se réclamer d'un Roosevelt, qui sut affronter les puissances de l'argent pour initier le New Deal, ou du général de Gaulle, qui sut dire non quand l'élite de l'époque sombrait dans le «lâche soulagement» évoqué par Léon Blum après la signature des accords de Munich.
Il est significatif qu'à ces deux noms on préfère désormais un Schröder qui symbolise la prééminence du surmoi néolibéral imprimant l'inconscient social-démocrate. Que les petits télégraphistes de la droite en fassent leur nouveau dieu, cela peut se comprendre. Que certains, à gauche, aillent parfois jusqu'à s'en réclamer, c'est plus étrange, sauf à penser que la tactique suprême consiste à crier victoire après avoir marqué un but contre son camp.