Est-ce aussi leur fin ? Dimanche dans l'après-midi, le message d'un auditeur a été lu sans commentaire, par l'animateur sur Real-FM, un journaliste connu : « Je suis au chômage, mon épouse aussi. Nous avons trois enfants, nous prenons nos repas à la soupe populaire. Un de nos enfants ne va plus à l'école, il a honte, nous ne pouvons plus lui offrir de quoi se vêtir et se chausser correctement. Nous n'en avons plus rien à battre de l'euro, qu'il crève, les politiciens avec, avant l'euro je travaillais, j'avais de quoi vivre, j'avais mon commerce, je sortais, j'étais quelqu'un... ». Autre tranche de la classe moyenne, autres craintes, ou plus aucune crainte ?
Mon cousin Costas a changé d'avis également, il ne s'était pas déplacé aux urnes le 6 mai : « Rien ne changera, les deux grands éternels, Pasok et Nouvelle démocratie, gouverneront ensemble pour poursuivre une politique issue du Mémorandum, à quoi bon... puis tu sais, je vote au village, j'ai déjà perdu la moitié de mes revenus, le déplacement me coûtera plus de 100 euros, impossible », voilà son raisonnement (désormais dépassé), à la veille du 6 mai. Costas, d'habitude prudent, et relativement apolitique, se découvre brusquement, comme emporté par un torrent : « Je vais voter au village, tant pis pour l'essence. Je voterai Tsipras, Syriza est notre dernier espoir, de toute façon, les autres nous ont trahi, nous les supportons déjà assez depuis 30 ans, terminons-les... à présent ».
Autre opinion exprimée ce lundi matin, celle de Pavlos, commerçant enrichi par son travail et par celui des autres, car il a toujours déclaré le quart de ses revenus réels auprès du fisc de l'Etat-Pasok. En adepte historique du pasokisme payant, et en tant que « supporteur » acharné et contributeur discret d'un député Pasok du sud de la Grèce, il a « validé» l'embauche au... mérite, de ses deux enfants, respectivement au sein de la régie des transports athéniens et à la poste, sauf que Pavlos, sait qu'il faut quitter à l'heure, un navire qui coule : « Je voterai Syriza, le Pasok et la Nouvelle démocratie c'est une catastrophe, j'ai voté KKE [parti communiste] le 6 mai, c'était aussi pour faire plaisir à mon père, un vieux partisan, il vit toujours sa Guerre civile. Non, cette fois-ci je suis conscient des enjeux, et je n'ai pas peur de Merkel et des autres sur l'euro, je n'ai plus peur, leurs menaces, la sortie de l’euro, c’est du bluff, Tsipras a raison. Notre situation certes, elle est grave, moi, j'ai perdu 70% de mes clients, ah tu sais quoi, Christofis à Tripoli, un bon client jadis, non seulement il a fait faillite, mais il n'a même plus de quoi manger, le lui ai acheté ses courses la semaine dernière, c'est grave... ».
Alors Christofis souffre aussi, bonne blague. Ce fils de cafetier, directement « graissé » à travers les engrenages du Pasok historique et hystérique, écrivait il y a vingt ans, de jolis discours par le compte d'une ancienne député du mouvement, devenue secretaire d'Etat depuis. C'est par ce biais que Christofis a été mis au parfum des fonds structurels européens... dans toute leur priorité nationale. Ia monté une « entreprise » de tourisme en moyenne montagne, dans hôtellerie de luxe, il s'est toujours vanté de sa dernière montre suisse, de sa prochaine grosse cylindrée allemande, du parfum parisien de Noël, et de son récent voyage à Londres. Voyage ultime aussi pour tous ces gens aussi : la saisie, mais les banques ne savent plus que faire de toute cette richesse vidée de sens, « bon débarras, qu'il crève Christofis et le Pasok avec, je ne lui donnerai même pas un seul verre d'eau, espèce de vermine », telle est l'opinion exprimé par certains dans sa région et sans aucune retenue désormais, les masques tombent. On dirait que nous vivons dans un pamphlet permanent, comme chez Evelyn Waugh, à travers ses « Bagages enregistrés » par exemple. Mais à présent, vers quelle destination ? Peu importe, c'est qui compte, c'est de partir. Nous voulons tous partir, mais sans quitter le pays.