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Nos chats et chiens errants, restent les plus imperturbables...
Les adeptes du... structuralisme systémique (ou en tout cas, ceux qui s'accrochent comme ils peuvent à cette étiquette sans trop y croire), sont en train de perdre leurs dernières certitudes, le bank run permanent des derniers jours en devient le catalyseur. Les classes moyennes encore possédantes, ankylosées du Pasokisme (pour ne pas dire « possédées »), tout autant que de la facilité illusoire, font preuve de suffisamment de connaissances et de sens d'analyse, pour comprendre l'impasse, la leur et celle de leur modélisme comportemental, sauf que pour la vraie fuite en avant, ils en sont incapables, donc pas de révolution à l'horizon :
- « Nous nous trouvons dans l'impasse, nous avons toujours voté Pasok, sauf que maintenant c'est cuit. Nous deviendrons pauvres, il va falloir se serrer la ceinture, ne plus importer certains produits ou sinon les taxer, mais tout de même, ce Tsipras est dangereux. On est bien d'accord, nous restons attachés à l'euro, nous voulons garder cette monnaie, c'est le Mémorandum que nous condamnons sans réserve, point. Pourtant, pensez-vous qu'un jour, nous irons prendre nos repas à la soupe populaire ? »
- « Eh, vous savez quoi, j'ai reçu un mail d'info, c'est une liste de tous les lieux de distribution de soupe populaire, finalement au lieu de l'effacer, je l'ai archivé, qui sait ? » Rires.
- « Mais Mina, il faut s'attendre à tout, nos retraites peuvent ne pas être versées comme d'habitude, aux alentours du 22 mai, et là, plus rien ne sera drôle. » « Oui Yannis, mais avouons-le, durant le règne du Pasok, est-ce que les belles années que nous avons vécues sont équivalentes à un âge d'or ? Eh... sauf que sur sa fin, le navire est en train de couler, le pays entier, rien que les suicides, c'est atroce, on ne peut pas le, pardonner au Pasok. »
- « Et notre propre responsabilité Mina ? »
- « Je ne sais plus pour qui voter, Tsipras est dangereux, je crois que je voterai Kouvelis, sa Gauche Démocratique me semble sérieuse et surtout européenne, qu'en pensez-vous ?»
Conversation, samedi, entre trois retraités de fraiche date, craignant leur déclassement social... en cours. Ils déjeunaient dans une brasserie, seuls parmi les clients, à commander un repas complet, tous les autres se contentèrent d'un café. Ils sont partis en 4x4, aussi récent que leurs retraites.
«Avant, j'étais quelqu'un...»
Mon cousin Costas a changé d'avis également, il ne s'était pas déplacé aux urnes le 6 mai : « Rien ne changera, les deux grands éternels, Pasok et Nouvelle démocratie, gouverneront ensemble pour poursuivre une politique issue du Mémorandum, à quoi bon... puis tu sais, je vote au village, j'ai déjà perdu la moitié de mes revenus, le déplacement me coûtera plus de 100 euros, impossible », voilà son raisonnement (désormais dépassé), à la veille du 6 mai. Costas, d'habitude prudent, et relativement apolitique, se découvre brusquement, comme emporté par un torrent : « Je vais voter au village, tant pis pour l'essence. Je voterai Tsipras, Syriza est notre dernier espoir, de toute façon, les autres nous ont trahi, nous les supportons déjà assez depuis 30 ans, terminons-les... à présent ».
Autre opinion exprimée ce lundi matin, celle de Pavlos, commerçant enrichi par son travail et par celui des autres, car il a toujours déclaré le quart de ses revenus réels auprès du fisc de l'Etat-Pasok. En adepte historique du pasokisme payant, et en tant que « supporteur » acharné et contributeur discret d'un député Pasok du sud de la Grèce, il a « validé» l'embauche au... mérite, de ses deux enfants, respectivement au sein de la régie des transports athéniens et à la poste, sauf que Pavlos, sait qu'il faut quitter à l'heure, un navire qui coule : « Je voterai Syriza, le Pasok et la Nouvelle démocratie c'est une catastrophe, j'ai voté KKE [parti communiste] le 6 mai, c'était aussi pour faire plaisir à mon père, un vieux partisan, il vit toujours sa Guerre civile. Non, cette fois-ci je suis conscient des enjeux, et je n'ai pas peur de Merkel et des autres sur l'euro, je n'ai plus peur, leurs menaces, la sortie de l’euro, c’est du bluff, Tsipras a raison. Notre situation certes, elle est grave, moi, j'ai perdu 70% de mes clients, ah tu sais quoi, Christofis à Tripoli, un bon client jadis, non seulement il a fait faillite, mais il n'a même plus de quoi manger, le lui ai acheté ses courses la semaine dernière, c'est grave... ».
Alors Christofis souffre aussi, bonne blague. Ce fils de cafetier, directement « graissé » à travers les engrenages du Pasok historique et hystérique, écrivait il y a vingt ans, de jolis discours par le compte d'une ancienne député du mouvement, devenue secretaire d'Etat depuis. C'est par ce biais que Christofis a été mis au parfum des fonds structurels européens... dans toute leur priorité nationale. Ia monté une « entreprise » de tourisme en moyenne montagne, dans hôtellerie de luxe, il s'est toujours vanté de sa dernière montre suisse, de sa prochaine grosse cylindrée allemande, du parfum parisien de Noël, et de son récent voyage à Londres. Voyage ultime aussi pour tous ces gens aussi : la saisie, mais les banques ne savent plus que faire de toute cette richesse vidée de sens, « bon débarras, qu'il crève Christofis et le Pasok avec, je ne lui donnerai même pas un seul verre d'eau, espèce de vermine », telle est l'opinion exprimé par certains dans sa région et sans aucune retenue désormais, les masques tombent. On dirait que nous vivons dans un pamphlet permanent, comme chez Evelyn Waugh, à travers ses « Bagages enregistrés » par exemple. Mais à présent, vers quelle destination ? Peu importe, c'est qui compte, c'est de partir. Nous voulons tous partir, mais sans quitter le pays.
Unité 2012
Nous agissons aussi, ayant le vent bien en face. Notre mouvement : « Unité 2012 », a organisé sa première soirée repas-débat, dans une taverne du centre historique d'Athènes. Pour une participation de dix euros par personne (c'est désormais la règle du « coût soutenable »), la musique et l'optimisme en plus (et l'électricité pour l'instant). C'est un mouvement anti-mémorandum, créé il y a quelques mois, avant tout, un forum de discussion. Parmi les initiateurs du mouvement, l'écrivain Fondas Ladis et le musicologue Panagiotis Kounadis (spécialiste du genre musical de Rebetiko), présents évidemment, joyeux et fiers. Il y a de quoi pour ses anciens compagnons de route de Mikis Theodorakis, ayant participé aux luttes de cette génération durant les années 60. Ils ont aussi affronté la dictature des colonels, ainsi ils ne se laissent pas impressionner par les intimidations des nouveaux maîtres. Voilà comment l'expérience du fait politique, de surcroit dans un moment rare et pour tout dire opportun, est transmise entre les générations à travers l'action, les idées et les perspectives qui circulent librement. Ceux qui parmi nous, appartiennent en plus à un parti, deviennent ainsi les porteurs de l'osmose et des mutations du temps présent partagé. « Ré-culturer » et « ré-signifier » le présent (et le futur), est une tâche de longue haleine, dépassant, notre opposition à la « région civilisationelle » (cultural area) du Mémorandum et du « Monstre doux », nous savons donc que nous en avons pour trente ans !
Toutes nos nouvelles ne sont pourtant pas bonnes, mais au moins, elles sont... authentiquement de saison. Comme celles, concernant Georges M., dont l'attitude arriviste saute désormais aux yeux de tous. Il a voulu devenir candidat sous l'étiquette Syriza (en « soutien externe »), aux élections du 6 mai, et il a cru que les cadres de ce Front de gauche à la grecque, lui laisseraient toute la place, eux qui ont lutté au sein des mécanismes internes si bien connus en politique durant des années, et maintenant comme par magie, ils devraient s'éclipser en faveur de monsieur M., donc Georges a été remercié rapidement, preuve que jamais, le nouveau n'émerge vraiment, sans l'ancien.
Qu'en pense la France?
La crainte de Laurent Fabius rejoint quelque part celle de nos retraités récents rencontrés au bistrot, (discussion citée plus haut). Nous savons pertinemment que la diplomatie a ses règles, ses conventions et ses convenances habituelles, compréhensibles et légitimées par la géopolitique et les rapports de force depuis Thucydide, sauf qu'en ce moment en Grèce, il s'opère quelque chose d'intéressant, entre la clef du passé, et la serrure du futur. Et cette clef, ne se réduirait-elle pas qu'à l'euro, en tout cas, pas autant que l'on veut nous faire croire. Nous réalisons ainsi aussi, qu'en réalité, l'euro n'est pas tant « notre problème », mais celui des rapports de force qui dépassent la portée économiquement objective du cas grec, sa symbolique mise à part pourtant.
Cette toute dernière doxa, gagne progressivement les esprits chez nous, mais dans une proportion que personne ne pourra estimer avec certitude avant les élections, et encore. Certains Grecs, lient leur sort à celui de l'euro, c'est compréhensible, ces concitoyens iront voter la peur entre les doigts, tandis que bien d'autres, délivrés des craintes inutiles, ou sinon, adeptes... consciencieux du chaos, voteront aussi en conséquence. Advienne que pourra, Alexis Tsipras a le vent en poupe et... l'archipel Égéen derrière lui. Car on sait désormais que même si, Syriza n'accède pas au pouvoir en ce moment, le Mémorandum est inapplicable en Grèce, et potentiellement ailleurs en Europe. Si l'Allemagne, si bien régalienne dans ses prérogatives supranationales car « détentrice » de la zone euro, insiste sur le « lien incontournable » entre la monnaie et l'austérité, « alors, nous ne pourrons plus rien garantir, nous disons oui à l'euro, mais pas au point de subir une catastrophe humanitaire, de surcroît dans l'indignité et la déshumanisation », selon ce que l'on entend dire, ici ou là ces derniers jours en Grèce. Surtout que le récent chantage de la Chancelière (referendum sur l'euro) a été vécu comme relevant de l'ultime humiliation, obligeant même les partis du memorandum à réagir vivement ; permettant à Tsipras de passer ainsi à l'offensive par ses nouvelles propositions : vote au Parlement ou peut-être referendum, sur le Mémorandum et seulement sur le Mémorandum.
Voilà que la politique revient par la grande porte dans ce pays et peut être bien en Europe. Loin de Bruxelles et des lobbys, Commissions et autres « déficits structurels démocratiques », en réalité semble-t-il incurables. « Et si nous refusons le Mémorandum par referendum, sans se prononcer sur l'euro, que va-t-il se passer ? Nous avons le droit souverain du questionnement choisi par referendum ou non ? Après tout, les contradictions de l'euro ne sont pas les nôtres, nous ne l'avons pas créé, et ses véritables enjeux n'ont jamais été expliqués aux peuples de l'U.E., faisons adopter la drachme par toute l'Europe », voilà ce qu'on peut entendre désormais chez nous, paroles parfois légères, mélangeant le tragique au comique, la désinvolture à la douleur.
« L'autre » nouvelle, nous a aussi frappé ce matin, car on en parle entre nous sous un ton tristement familier : « un homme, au chômage, a poussé ses deux enfants par la fenêtre avant de se suicider en Italie » (quotidien Kathimerini, 21 mai), en plus du séisme qui vient de frapper notre pays voisin. Nouvelles de la zone euro, avenir en somme consolidé... leçons à donner.
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