Médiapart - 10 novembre 2011 |
Chaque jour, une nouvelle victime est désignée sur les marchés financiers. Après l'Italie toujours en pleine tourmente, la France est à son tour dans la ligne de mire. Les taux français commencent à monter dangereusement. Jeudi, les rendements sur les obligations à 10 ans ont atteint 3,47%.
« C'était une erreur de penser que la crise de la dette se limitait juste à une petit nombre de pays européens », a déclaré Andrew Balls, directeur du trading obligataire dans le fonds d'investissement Pimco. « Il n'y a jamais eu juste un problème pour les pays périphériques de la zone euro, juste un problème pour la Grèce. Il y a un problème pour tous les membres de la zone euro », a-t-il expliqué.
Jamais l'écart (le spread) entre les taux français et allemands n'a été aussi élevé depuis la création de la zone euro. Il faut remonter à 1992, au moment de la dernière grave crise monétaire européenne, marquée par la sortie de la lire et de la livre, du système monétaire européen, pour retrouver une telle divergence.
Sans attendre le verdict des agences de notation, les marchés ont acté que la France avait déjà perdu son triple A. Les agences de notation entérineront par la suite ce que les marchés ont acté. Des analystes mettent en avant pour justifier l'envolée des taux français les faibles perspectives de l'économie française. Alors que le gouvernement français table sur une croissance de 1% l'an prochain, l'Union européenne pense que 0,6% sera un grand maximum. Les banques américaines Citibank et JPMorgan parient elles sur une récession, de l'ordre respectivement de –0,2% et –0,6% .
D'autres s'inquiètent de l'effet de contagion de la crise de l'euro, et surtout italienne. Les banques françaises sont les premières créancières étrangères de l'Italie : à fin juin, elles détenaient 416 milliards d'euros de dettes publiques et privées italiennes. Cette surexposition des banques françaises effraie le système financier. Beaucoup redoutent qu'elles ne puissent faire face à une détérioration de la situation en Italie. Les trois premières banques françaises – BNP Paribas, Société générale et Crédit agricole – sont considérées comme des banques présentant des risques systémiques pour l'ensemble du système financier international.
L'Etat français serait donc dans l'obligation de voler à leur secours et de les nationaliser, afin d'éviter un écroulement du système financier. Mais ce sauvetage se traduirait par une augmentation de l'endettement français, une perspective épouvantable, pour les mêmes analystes qui ne sont pas à une contradiction près.
Quoi qu'il en soit, la hausse des taux français et leur décrochage par rapport aux taux allemands paraissent des phénomènes durables. Toute hausse de 1% des taux se traduit par une augmentation d'une dizaine de milliards d'intérêts supplémentaires.