La direction de Deutsche Bank est plus que jamais dans la tourmente. Selon des informations du quotidien Süddeutsche Zeitung, jeudi, les perquisitions réalisées la semaine dernière dans les locaux du siège de la première banque allemande, à Franfort, ont été décidées parce que celle-ci n'avait pas collaboré avec le parquet dans le cadre d'une enquête en cours sur une supposée fraude fiscale. L'établissement n'avait pas fourni les documents exigés par la justice qui l'avait donc prévenu d'une possible razzia.
Mercredi 12 décembre à Francfort, 500 policiers avaient pénétré dans les locaux de Deutsche Bank, armés, accompagnés de chiens, tandis qu'un hélicoptère tournoyait au-dessus du bâtiment. Dans le collimateur de la justice : 25 salariés au total, accusés de fraude fiscale. Le parquet de Francfort leur reproche d'avoir aidé des entrepreneurs à frauder le fisc, par le biais d'un trafic sur les droits d'émissions de CO2 en Europe.
Cette affaire a donné lieu à un intense matraquage médiatique en Allemagne après que Jürgen Fitschen, qui assure depuis juin la codirection de la première banque allemande avec Anshu Jain, s'est plaint – par téléphone – au ministre président du Land de la Hesse, Volker Bouffier (CDU), de ces perquisitions musclées.
Jürgen Fitschen et son directeur financier, Stefan Krause, sont visés pour avoir signé une déclaration sur le chiffre d'affaires de 2009, comportant des incorrections liées à ce trafic. M. Fitschen a trouvé l'opération de police "exagérée" ; il a fait part de sa "stupeur" au ministre président de la région, face aux images de "razzia" qui ont fait le tour du monde et altéré, selon lui, l'image de sa banque à l'étranger.
"LE DROIT PASSE AVANT LE POUVOIR"
Mal lui en a pris. Le patron censé incarner, avec Anshu Jain, une nouvelle culture d'entreprise à Deutsche Bank après l'ère Ackermann est devenu la cible de toutes les attaques. "Le droit passe avant le pouvoir", a sèchement commenté le ministre de la justice de la Hesse.
"Un homme politique aurait déjà perdu son job s'il avait tenté ainsi d'empêcher le travail d'un parquet et de policiers", a estimé de son côté le président du SPD, Sigmar Gabriel, faisant allusion à la démission, en début d'année, du président de la République allemande, Christian Wulff.
Celui-ci avait cherché à joindre par téléphone le rédacteur en chef du quotidien Bild pour empêcher la parution de révélations le concernant. Selon M. Gabriel, le comportement de M. Fitschen donne l'impression que les banquiers se sentent au-dessus des lois - un thème de campagne électorale idéal pour le parti social démocrate.
M. Fitschen a donc dû faire marche arrière, s'excuser et souligner que l'indépendance de la justice constituait "un bien précieux". Mais c'est une épreuve supplémentaire pour Deutsche Bank.
Ainsi, on attend toujours outre-Rhin, le rapport du régulateur bancaire allemand BaFin sur le scandale du Libor. Cette fois, l'autre directeur, Anshu Jain, est concerné. Il dirigeait la banque d'investissement du groupe, au sein de laquelle les manipulations se sont déroulées.