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le 17 Avril 2013
(Easybourse.com) Ce mercredi 17 avril, Xavier Timbeau, directeur du département analyse et prévision de l'Observatoire Français des Conjonctures Economiques (OFCE) et Eric Heyer , directeur adjoint du département analyse et prévision organisaient une conférence de presse afin de rendre compte de leurs perspectives économiques 2013-2014 dans le monde.
Sans surprise, les perspectives restent sombres pour la zone euro. L’année 2013 sera caractérisée par une récession. En 2014, la croissance sera légèrement positive mais s’accompagnera d’une montée du chômage. Plusieurs raisons à cela : la crise de la dette souveraine, la difficile transmission de la politique monétaire de la Banque centrale européenne, et surtout l’important ajustement budgétaire opéré depuis 2011.
Cela va faire cinq années que les pays de la zone euro se serrent drastiquement la ceinture.
Entre 2011 et 2013, le durcissement budgétaire de l’Espagne s’élève à 8% de son PIB. 60% de ces économies ont déjà été réalisées. «Pour donner un ordre de grandeur, cela équivaudrait à la privatisation de l’ensemble des dépenses de santé en France. Jamais un gouvernement démocratique n’était parvenu à opérer une telle contraction de son budget » commente Xavier Timbeau.
Entre 2011 et 2012, l’effort budgétaire de la Grèce s’élève à 10% de son PIB. Le pays a terminé 2012 avec une croissance négative de 6,3%. Cela fait cinq ans que la péninsule connaitra en 213 une récession. « La Grèce est en train de s’effondrer a proprement parler. Cette dégradation n’avait jamais été observée auparavant dans un pays développé » constate M Timbeau.
En 2011, un pays comme la France a réduit son budget à hauteur de 1,9% du PIB. C’est un effort encore plus important que celui fait à la suite de la récession de 1993 (1,5% du PIB). En 2013, une contraction de 1,8% du PIB a été décidée, ce qui est considérable. «Certains prétendent que les leviers utilisés ne sont pas durables. Certaines mesures s’inscrivent au contraire dans le temps, telle que la hausse des prélèvements obligatoires » signale le directeur du département analyse de l’OFCE.
Résultat des courses, la détérioration du marché du travail dans la zone euro est exceptionnelle. L’Espagne compte à elle seule 6 millions de chômeurs. Le taux de chômage de la quatrième économie de la zone euro avoisinera bientôt les 30%, un niveau comparable à celui des Etats-Unis dans les années 1930.
Il est encore temps d’agir
D’aucuns aiment à se présenter comme des oiseaux de mauvaise augure et affirmer que la zone euro est condamnée à rester embourbée dans cette détresse économique. Les experts de l’OFCE ne sont pas de cet avis. Selon ces derniers, le potentiel de croissance de la zone euro est encore élevé, entre 2% et 4%.
« Nous ne sommes pas face à une fatale issue défavorable. Si l’on ne peut pas refaire l’histoire, il est encore possible d’inverser la tendance à condition que les dirigeants européens décident de changer leur politique budgétaire » indique Xavier Timbeau.
Les sacrifices qui auront été faits n’auront pas servi à rien. La situation budgétaire des pays de la zone euro est globalement plus saine. Toutefois, maintenant que la soutenabilité des finances publiques s’est améliorée, il est temps pour les dirigeants européens de faire une pause.
« L’idée n’est pas de cesser le processus d’ajustement mais de l’interrompre dans un premier temps jusqu’à ce que les choses aillent mieux sur le front de l’emploi, puis de le ralentir, autrement dit d’étaler dans le temps la mise en œuvre des mesures budgétaires et structurelles restantes » explique M Timbeau.
Le risque de déflation
Si les pays européens s’entêtent à poursuivre leur politique actuelle, le risque de déflation qui plane à l’horizon pour les pays de la périphérie, en particulier l’Espagne, le Portugal, l’Irlande, l’Italie, pourrait bien se matérialiser. Dans ce cas, la zone euro s’enfermerait dans un « piège phénoménal ».
Présentement, les pays de la périphérie ont gagné en compétitivité après avoir réduit leur coût salarial. La diminution de ce coût n’a pas qu’un effet positif. Il conduit à une diminution des revenus des ménages et de ce fait à un accroissement de leur niveau de dette en terme réel. Un pays comme l’Espagne qui connait une dette privée importante pourrait alors grandement souffrir de cette baisse salariale. Une hausse du taux de défaut de créances pourrait se dessiner, mettant davantage les banques espagnoles en difficulté et contraignant les pouvoirs publics à intervenir d’autant plus. « Il n’est pas du tout certain que le gain découlant de l’amélioration de la compétitivité de l’Espagne puisse compenser les dégâts occasionnés » précise Xavier Timbeau.
Cette déflation généralisée empêchera alors la zone euro de sortir de la crise. Un pays comme l’Allemagne en profitera pour reporter à une date indéterminée une mesure phare attendue que constitue le SMIC allemand. « La mise en place de ce SMIC-motivé par la volonté de redistribuer plus équitablement la prospérité en l’Allemagne - aurait comme répercussion d’amoindrir la compétitivité relative de la première puissance européenne qui sera déjà mise à mal par la déflation que connaitront les pays du Sud » déclare M Timbeau.
L’obstacle des taux d’intérêts
La hausse des taux d’intérêt est mise en exergue par beaucoup comme un obstacle au desserrement budgétaire des pays de la zone euro.
Le comportement des investisseurs vis-à-vis de l’union monétaire est ambigu. D’un coté ces derniers réclament une baisse du déficit public pour certains pays. De l’autre coté ils ne peuvent éviter de se porter acquéreurs de titres de dette d’autres pays, perçus comme des placements sûrs dans un environnement incertain.
La solution à cette ambigüité est à recherchée du coté de la mutualisation de la dette publique entre les pays de la zone euro, selon Xavier Timbeau. « Celle-ci suppose une construction institutionnelle l’engagement de chaque pays à se tenir à une discipline budgétaire sur le long terme ; un transfert d’une certaine souveraineté budgétaire ; un peu plus d’Europe. C’est une chose qui peut paraitre difficile à envisager actuellement. Les élections européennes qui se dérouleront en 2014 pourraient même donner un signal contradictoire. Si tel est le cas, si les dirigeants de la zone refusent d’avancer dans une autre direction, au lieu de durer 10 ans, la crise durera 15 à 20 ans. Les tensions sociales pourraient alors conduire à une catastrophe majeure ».
La réticence de la Commission européenne
La Commission européenne pense que du fait du rétablissement des marchés financiers, du redressement du secteur bancaire, et de l’affaiblissement des niveaux d’endettement, les pays européens sont en mesure de poursuivre leur rigueur budgétaire. Selon cette dernière, en réalité aucune autre alternative n’est possible.
Pour les experts de l’OFCE, il est dans l’intérêt des pays européens de s’opposer à la vue psychorigide de la Commission. « C’est ce qu’ont fait les Pays-Bas dernièrement. Le pays a considéré que le programme d’austérité auquel il était assujetti, tel qu’il était conçu, n’était plus acceptable et est revenu en arrière. L’Espagne et l’Italie doivent agir de manière similaire. C’est dans ces pays qu’un changement de la politique budgétaire peut avoir un impact sur le reste de la zone euro. La forteresse a commencé à vaciller, des failles dans l’armure ont pu être faites. Il y a lieu à présent de frapper plus fort » conclut Xavier Timbeau.
Publié le 17 Avril 2013
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