LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 03.03.12 | 09h23 • Mis à jour le 03.03.12 | 19h13
La Chine demande au gouvernement et aux rebelles syriens de mettre immédiatement fin à tous les actes de violences, en particulier contre les civils, a fait savoir samedi 3 mars le ministère des affaires étrangères dans un communiqué cité par l'agence Chine nouvelle.
"Le gouvernement syrien et toutes les parties concernées devraient immédiatement, totalement et inconditionnellement mettre fin à tous les actes de violence, en particulier la violence contre des civils innocents", écrit le ministère. Le communiqué appelle également à l'ouverture d'un dialogue "sans condition préalable" sous la médiation de l'émissaire des Nations unies et de la Ligue arabe, l'ancien secrétaire général de l'Onu Kofi Annan.
HOMS SOUS LES BOMBES
Les forces du président Bachar Al-Assad ont bombardé samedi le quartier résidentiel de Djobar, dans les faubourgs de Homs, où des milliers de civils ont trouvé refuge, indique, un communiqué diffusé par le Réseau syrien pour les droits de l'homme. Djobar jouxte le quartier de Bab Amro. Toujours selon des sources de l'opposition, des tirs de mitrailleuse ont été entendus dans les quartiers de Al Khalidiya et Al Koussor, toujours à Homs. Les images satellite révèlent l'ampleur de la répression :
Les équipes du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et du Croissant rouge arabe syrien (CRAS) ne sont pas entrées vendredi à Baba Amro, quartier rebelle de Homs repris par l'armée syrienne, a indiqué samedi le porte-parole du CICR à Damas, Saleh Dabbakeh. "Aucune équipe n'est entrée vendredi à Baba Amro et [les autorités] n'ont pas autorisé l'entrée de l'aide. Nous sommes toujours en négociation", a-t-il affirmé. Vendredi, le président du CICR Jakob Kellenberger avait jugé "inacceptable que des gens qui attendent de l'aide d'urgence depuis des semaines n'aient toujours reçu aucun soutien". Il avait ajouté que le convoi allait "rester cette nuit à Homs dans l'espoir de pouvoir entrer très prochainement à Baba Amro".
MASSACRE ET EXÉCUTIONS SOMMAIRES
Le ministre des affaires étrangères turc, Ahmet Davutoglu, accuse le régime de Bachar Al-Assad de commettre des crimes de guerre et contre l'humanité dans la répression du soulèvement qui dure depuis près d'un an en Syrie. "Le régime syrien commet chaque jour un crime contre l'humanité", a-t-il dit, samedi, lors d'une conférence de presse à Istanbul avec son homologue italien Giulio Terzi. "Je le dis clairement : après tous ces massacres et ces crimes, qui présentent les caractéristiques de crimes de guerre, le régime syrien ferme toutes les portes au dialogue", a ajouté le chef de la diplomatie turque.
Le photographe britannique Paul Conroy, évacué cette semaine de Baba Amro, a dénoncé sur Sky News "un massacre aveugle". "C'était presque une attaque psychologique. J'ai travaillé dans plusieurs zones de guerre. Je n'ai jamais vu ou vécu des bombardements comme ceux-là. C'était systématique", a-t-il dit, évoquant "des munitions utilisées sur les champs de bataille".
Signe de l'intensité de ce pilonnage, l'organisation Human Rights Watch a annoncé vendredi avoir analysé une photo satellite de Baba Amro prise le 25 février et avoir dénombré au moins 950 cratères dans les rues et les champs, ainsi que 640 bâtiments dont les dommages étaient visibles d'au-dessus. HRW fournit aussi la vidéo d'habitants de Baba Amro montrant des projectiles de 120, 122 et 240 mm utilisés pour bombarder le quartier.
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a appelé Damas à laisser entrer l'aide humanitaire "sans condition" et le Haut commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme s'est inquiété d'éventuelles "représailles" à Baba Amr, après avoir reçu des informations non confirmées de 17 exécutions sommaires.
Vendredi, 10 personnes ont encore été tuées à Baba Amro et 37 autres dans le reste du pays, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Une roquette tirée par l'armée sur une manifestation à Rastane, dans la province de Homs, a ainsi fait au moins 12 morts, dont cinq enfants, selon l'OSDH. Dans une vidéo diffusée par des militants, on entend une forte explosion, puis on voit les manifestants se précipiter vers des corps déchiquetés en criant "Venez voir les crimes de Bachar Al-Assad".
LE RÉCIT D'EDITH BOUVIER ET WILLIAM DANIELS
Edith Bouvier et William Daniels, bloqués à Baba Amro depuis un bombardement qui a tué deux de leurs confrères le 22 février, sont arrivés en France après avoir été exfiltrés par l'ASL, et ont été accueillis par le président Nicolas Sarkozy. Dans des déclarations publiées samedi par Le Figaro, les deuxs journalistes font part de leur sentiment d'avoir été "directement visés" par les bombardements de l'armée syrienne. "Il y a eu au moins cinq explosions successives, très proches. On avait vraiment l'impression que nous étions directement visés", ont expliqué les deux journalistes à propos du bombardement de la maison de Baba Amro qui servait de centre de presse.
Dans la soirée de vendredi, les dépouilles de l'Américaine Marie Colvin et du Français Rémi Ochlick ont été identifiées à Damas. Elles doivent désormais être remises à leurs pays.
MANŒUVRES DIPLOMATIQUES
Réunis à Bruxelles, les dirigeants européens ont haussé le ton, souhaitant "que les responsables des atrocités syriennes répondent de leurs actes" devant la justice internationale. Cela nécessite cependant un feu vert du Conseil de sécurité de l'ONU, où Damas bénéficie du soutien de la Russie et de la Chine. Moscou a toutefois pris ses distances vendredi, les Etats-Unis saluant un "mieux". "Les réformes proposées [par le régime] auraient évidemment dû être menées depuis longtemps", a estimé le premier ministre Vladimir Poutine.
La Maison Blanche a qualifié les violences à Homs de "scandaleuses" et "horribles", estimant que "quiconque a vu une seule minute de vidéo de l'attaque brutale perpétrée par le régime Assad comprend qu'il n'y a que d'un côté que l'on a la gâchette facile".