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15 mai 2012 2 15 /05 /mai /2012 11:11
| Par Louise Fessard

Gémenos, de notre envoyée spéciale

Si certains attendent avec impatience l'installation du gouvernement de gauche, ce sont bien les salariés de Fralib à Gémenos (Bouches-du-Rhône). En lutte depuis près de 600 jours contre la fermeture de leur usine, qui produit les sachets de thé Lipton et d’infusion Eléphant pour la multinationale Unilever, ils ont repris son occupation le 11 mai, après avoir été avertis que la direction locale comptait déménager les machines.

 

L'usine Fralib, le 14 mai. 
L'usine Fralib, le 14 mai.© LF

Le 14 mai, la direction a saisi la justice en référé expulsion, l'audience étant prévue ce mardi à 14 heures au tribunal correctionnel de Marseille. « De toute évidence, la multinationale ne voulait pas laisser au prochain gouvernement le temps de se saisir de ce dossier », estime Olivier Leberquier, délégué syndical CGT.

« L'essentiel aujourd'hui est qu'on ne nous prenne pas nos machines, parce que sans nos machines le projet alternatif (de reprise par les salariés - ndlr) n'existe pas », dit Pierrette Beuriot, 58 ans, entrée à 20 ans chez Fralib. « 38 ans de travail pour en arriver là », soupire-t-elle. Pour le secrétaire général de la fédération agroalimentaire CGT, Jean-Luc Bindel, présent le 11 mai, « le combat des Fralib est devenu, par la détermination (des salariés - ndlr) et les enjeux industriels qu’il pose, un symbole de la résistance des travailleurs face à la politique de Sarkozy et du Medef ».

Depuis la reprise de l’usine, les salariés se vivent en état de « légitime défense », se relayant toutes les quatre heures, surveillant les allées et venues des voitures devant le portail de l'usine, guettant les passages des vigiles qu'ils ont délogés vendredi. « Des mercenaires de la société Escort sécurité, auxquels la direction a fait appel en violation du code du travail, lâche avec mépris Gérard Carzola, représentant CGT au Comité d'entreprise. Depuis des semaines, cette milice patronale gérait l'accès pour les salariés, contrôlait nos cartes d'identité, ils nous coupaient l'électricité dans les locaux syndicaux le soir et provoquaient en permanence. »

Vers 10 heures lundi matin, mouvement de repli des salariés et des renforts CGT venus de tout le département des Bouches-du-Rône, qui courent se dissimuler derrière un mur. « Qu'est-ce qu'il faut pas faire pour bosser ! » lance l'un d'eux, mi-rigolard mi-consterné. « Ils viennent avec leur huissier pour nous filmer, nous prendre en photo, bref nous identifier, comme ils l'avaient déjà fait, afin qu'ils puissent nous considérer en grève pour nous sucrer notre salaire », explique Marie Ange Diaz, entrée à Fralib en 1976 et membre du comité d'hygiène et de sécurité.

Car la lutte se poursuit devant le tribunal de grand instance de Marseille, où les Fralib sont régulièrement assignés. Le président d'Unilever France, Bruno Witvoët, qui a dénoncé dimanche « un coup de force avec des individus cagoulés, armés de battes de base-ball et de matraques », a déposé plainte pour menaces physiques.

 

© LF

Le 20 avril, le tribunal de grand instance de Marseille avait débouté le comité d'entreprise de sa demande d'annulation du plan social concernant les 103 salariés encore en lutte (sur 182 à l'origine). Quelque 80 d'entre eux (les salariés non protégés) ont depuis reçu leur lettre de licenciement et leur offre de reclassement. Et la direction tentait depuis quelques jours de précipiter la fermeture du site, pratiquant selon les représentants CGT « une politique de la terre brûlée pour décrédibiliser le projet alternatif ». Après avoir annoncé début avril la vente du terrain (dont Unilever n’est que le locataire) à un industriel voisin, Angel Llovera, le directeur de Fralib, a envoyé le 10 mai un courrier aux représentants du personnel les prévenant du démontage imminent des machines, tandis qu'une entreprise de déménagement industriel venait sur le site effectuer un devis.
L'intervention de Xavier Bertrand en faveur d'Unilever

L'élection de François Hollande, qui avait rencontré les Fralib au moins cinq fois et leur avait promis en août 2011 « une table ronde avec l'Etat, les salariés et les collectivités locales pour faire pression sur Unilever », n'est sans doute pas étrangère à cette précipitation. Alors candidat aux primaires socialistes, François Hollande, interviewé par La Provence, avait pris des engagements précis, qu'il a depuis répétés : « Les convaincre de céder la marque Eléphant, les machines et le savoir-faire, puis d'assurer un fonds de roulement pour faire redémarrer l'activité. » Pour Gérard Carzola, « ce sont des portes nouvelles qui doivent s'ouvrir, alors que dans l'ancien gouvernement, elles étaient toutes fermées ».

Le projet alternatif des salariés voudrait en revenir à des circuits courts et des échanges solidaires avec des producteurs étrangers. «On voudrait privilégier des producteurs locaux, comme le tilleul de Carpentras, au lieu d'aller chercher les plantes en Roumanie pour les infusions, et reconstruire un circuit d'achat des thés passant par le port de Marseille, au lieu de les faire venir d'Allemagne», nous décrivait Gérard Cazorla en août dernier. Un projet jugé suffisamment cohérent pour avoir reçu le soutien des collectivités locales (PS), notamment de la communauté urbaine de Marseille qui pourrait préempter le terrain. Un rapport d'étape, financé par le Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur et rendu public le 26 juillet, concluait à la viabilité du site.

Les attentes sont donc très fortes parmi les salariés de Fralib, et les syndicalistes CGT venus de toute la France le 11 mai, afin de les soutenir. Certains sont également en lutte comme les salariés de Continental Nutrition dans le Vaucluse, qui depuis fin janvier 2012 surveillent leur usine d'alimentation animale 24 heures sur 24 pour éviter son démantèlement et la perte d'une centaine d'emplois directs.

D'autres, comme les syndicalistes de Spie, une société spécialisée dans la maintenance industrielle, venus de Lavéra, craignent eux pour l'avenir, et notamment le départ de l'industrie pétrochimique dont dépendent de nombreux sous-traitants au bord de l'étang de Berre. Qu'ils viennent du Puy-de-Dôme, du Nord ou des Bouches-du-Rhône, tous font le même constat de « désertification » de leurs territoires et demandent que « l'emploi industriel soit placé au cœur des politiques publiques ».

Le 11 mai, rassemblement à Fralib (11 minutes)

Les salariés comptent également sur le nouveau gouvernement pour faire la lumière sur ce qui représente, selon eux, « un scandale d'Etat ». Comme l'avait révélé Le Monde et comme Mediapart a pu le vérifier, le gouvernement de François Fillon est intervenu directement dans le conflit, non pour aider les salariés, mais pour donner un coup de pouce à la multinationale Unilever.

Fin février 2012, le cabinet du ministre du travail, Xavier Bertrand, a en effet bloqué l'envoi à la direction de Fralib d'une lettre d'observation préparée par les fonctionnaires de la Direccte (l'ancienne direction du travail). Cette lettre de « sept pages », selon les représentants CGT, relevait les irrégularités de la troisième version du plan social et aurait pu jouer en leur faveur lors de l'audience devant le TGI de Marseille, qui, le 20 avril, a donné raison à la direction de Fralib.

 

 
© LF

Alors que le deuxième plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) avait été invalidé mi-novembre 2011 par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Fralib avait en effet négocié, en dehors de tout plan social, le départ de 77 des salariés, moyennant une surprime de 90 000 euros. Début décembre 2011, la Direccte avait rappelé à la direction de Fralib qu’il ne pouvait y avoir « de protocole transactionnel » et que « les suppressions d'emploi envisagées ne pourraient être opérées que dans le cadre d'un nouveau PSE ». 

« Sous prétexte qu'ils avaient négocié des départs avec 77 d'entre eux, sans aucune consultation du comité d'entreprise, ce qui est irrégulier, Fralib a présenté un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) pour seulement 103 salariés, alors que les salariés sont 182 », explique Me Amine Ghenim, l'avocat du CE. Il a fait appel de la décision du TGI, mais cet appel n’est pas suspensif. Xavier Bertrand n’a, de son côté, jamais démenti l’intervention de son cabinet en faveur du géant anglo-néerlandais.

Les salariés et syndicalistes rencontrés vendredi comptent donc maintenir la pression sur le futur gouvernement. « Nous n’arrêterons le conflit qu’à partir du moment où on recommencera à faire des sachets de thé », prévient Olivier Leberquier, délégué syndical CGT.

 

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