L’UFC-Que Choisir a prévenu mardi que 15 millions de foyers risquaient d’être pénalisés par le déploiement programmé d’ici à 2020 du compteur électrique «intelligent» Linky, en les obligeant à souscrire un abonnement généralement plus cher, et à payer de lourds frais à ERDF, qui conteste avec vigueur.
«L’arrivée du compteur Linky va faire disjoncter le portefeuille des consommateurs», a lancé le président de l’association de consommateurs Alain Bazot, en présentant à la presse les conclusions d’une étude menée pendant un an auprès d’un panel représentatif de 201 foyers.
Il en ressort que plus de la moitié (55%) des ménages français souffriraient d’un «mal-abonnement»: 5 millions payent un abonnement d’une puissance supérieure à leurs besoins, et à l’inverse, 10 millions ont souscrit une puissance inférieure à celle réellement utilisée. «C’est possible du fait de la tolérance des compteurs actuels, qui ne disjonctent pas systématiquement lorsque la puissance appelée dépasse celle de l’abonnement», explique Alain Bazot.
Or le compteur Linky devrait mettre fin à cette situation. D’un côté, grâce aux informations transmises par ce compteur innovant, les 5 millions de foyers sur-tarifés pourront enfin connaître la puissance maximale qu’ils utilisent et en prendre un abonnement moins cher, leur faisant économiser 35 millions d’euros par an.
Mais à l’inverse les 10 millions de ménages «sous-tarifés» seront poussés selon l’UFC à souscrire des abonnements plus puissants et donc plus cher, car Linky, beaucoup plus sensible à la puissance utilisée, disjoncte quasi-systématiquement lorsqu’elle dépasse le niveau souscrit. L’association chiffre le surcoût annuel pour ces ménages à 308 millions d’euros.
Le distributeur d’électricité ERDF (filiale d’EDF), à l’origine de Linky, a contesté vigoureusement les calculs de l’UFC auprès de l’AFP, en soulignant que l’expérimentation à grande échelle, menée auprès de 300 000 foyers à Lyon et en Indre-et-Loire, avait montré des cas de changements de puissance très inférieurs.
«Au total, nous avons observé moins de 1% (0,88% exactement) de demandes de changement de puissance effectuées suite à la pose de Linky», a déclaré Marc Boillot, directeur de la stratégie et des grands projets d’ERDF. En outre il juge légitime que le changement de compteur soit l’occasion d’adapter l’abonnement à la puissance du disjoncteur, lorsque les deux ne correspondent pas, s’agissant selon lui d’une «anomalie contractuelle».
En outre, chaque changement de puissance est facturé 36 euros par le distributeur d’électricité, ERDF (filiale d’EDF), une «double peine» pour l’UFC qui estime que le gestionnaire de réseau, à l’origine de projet de compteur intelligent, va ainsi empocher 545 millions d’euros...
Selon l’association, il est injuste de facturer de tels frais aux consommateurs alors que la loi oblige les fournisseurs à leur conseiller un abonnement adapté. «Les ménages devraient faire l’objet d’un choix éclairé et conseillé. Mais le conseil tarifaire est aux abonnés absents», dénonce Alain Bazot.
L’UFC propose deux mesures : affiner les grilles d’abonnement en instaurant des niveaux de puissance intermédiaires (pour facturer chaque foyer au plus près), et rendre le changement de puissance gratuit durant les 2 ans qui suivront l’installation de Linky.
Sur ce point, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) avait elle-même recommandé, à la lumière de l’expérimentation menée par ERDF, que le distributeur effectue gratuitement les changements de puissance entraînés par la pose de Linky. De son côté, ERDF souligne qu’il respectera le barème de prestations décidé par la CRE et que cette question pourra être abordée dans le cadre de discussions auxquelles participe le régulateur.
En France, les consommateurs d’électricité doivent payer en plus de leur consommation de courant proprement dite un abonnement dont le montant dépend de la puissance souscrite (le plus souvent de 6, 9 ou 12 kilovoltampères kVa).
Cet été, le gouvernement avait confirmé que tous les logements seraient équipés du compteur Linky d’ici à 2020, soit 35 millions de boîtiers à poser, et annoncé le lancement d’un premier appel d’offres portant sur 3 millions de compteurs à installer d’ici 2016.
L’UFC-Que Choisir, qui juge que Linky a été conçu exclusivement dans l’intérêt d’ERDF, avait déjà tenté sans succès un recours auprès du Conseil d’Etat contre sa généralisation.