Pour répondre à l'article de médiapart intitulé "OGM : une étude fait beaucoup de bruit pour presque rien " voici un article du site "Basta !".
Par Sophie Chapelle (21 septembre 2012)
La contre-attaque de Monsanto à l’étude sur les OGM de Gilles-Eric Séralini et du Criigen ne s’est pas faite attendre. C’est un courriel envoyé par un dirigeant de Monsanto, Jaime Costa, ingénieur agronome et directeur technique de Monsanto en Espagne. Il conseille à ses interlocuteurs d’aller consulter plusieurs réactions de scientifiques critiquant l’étude. Des scientifiques loin d’être indépendants...
Traduction de l’espagnol : « Objet : Au sujet des recherches indépendantes sur les OGM.
Sur cette page (lien), vous pouvez lire l’opinion de quelques scientifiques indépendants sur cette nouvelle publication qui n’a pas été revue par l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA) » [1].
Le courriel a été révélé par l’Observatoire européen des entreprises (CEO). Le lien préconisé par le cadre de Monsanto renvoie vers le site du Science Media Centre, basé à Londres et présenté comme une source d’informations indépendante. Le centre publie huit réactions de scientifiques. Tous rejettent l’étude du Criigen.
Se présentant comme une entreprise indépendante « qui travaille à promouvoir les opinions de la communauté scientifique au Royaume-Uni pour les médias », le Science Media Center est en réalité financé à 70 % par les grands noms de l’industrie de la biotechnologie. BASF, Bayer, Novartis, CropLife International sont autant de bailleurs de fonds de cette entreprise.
Malgré le conflit d’intérêt évident, l’opération semble bien fonctionner. Trois des huit experts mentionnés sur le Science Media Center ont été repris par l’agence de presse Reuters. C’est le cas de Tom Sanders, directeur du département des sciences nutritionnelles au King’s College de Londres, qui note que « cette race de rat est particulièrement sujette aux tumeurs mammaires lorsque les ingestions de nourriture ne sont pas contrôlées ».
Mais aussi de Mark Tester, professeur à l’université d’Adelaïde en Australie qui s’est étonné que les précédentes études n’aient pas soulevé les mêmes inquiétudes. « Si les effets sont aussi importants que rapporté et que l’étude est vraiment pertinente concernant l’homme, pourquoi les Nord-Américains ne tombent-ils pas comme des mouches ? » interroge t-il. « Les OGM font partie de la chaîne alimentaire depuis une décennie là-bas et la longévité continue de s’accroître inexorablement ».
Le groupe de lobby des biotechnologies Europabio a également publié un communiqué de presse citant ces mêmes experts et énumérant un ensemble d’arguments pour tenter de discréditer la recherche. Pour le CEO, ce n’est « probablement que le début des tentatives de l’industrie des biotechnologies pour miner la crédibilité de cette nouvelle étude ». L’équipe du Criigen répond à ces critiques sur le site du Nouvel Observateur.
Notes
[1] Le CEO précise avoir changé des éléments pour protéger la source.
Nous nous permettrons d'ajouter notre article (peut-être encore un peu préliminaire), dont voici le résumé en l'état :
OGM, résultats de Séralini et al., intérêts privés...
Le 22 septembre 2012, un an après l'annonce par la collaboration OPERA d'un prétendu neutrino supraluminal très médiatisé par la suite mais que des études ultérieures ont démenti, Hervé Kempf interroge dans Le Monde « OGM, qu'a fait l'Etat ? ». C'est de toute évidence la bonne question, après la publication dans la revue d'Elsevier Food and Chemical Toxicology de l'article de Gilles-Eric Séralini et sept autres auteurs Long term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize présentant des effets sur les rats du maïs génétiquement modifié. A propos de l'article de Séralini et al., CinéObs emploie le titre « "Tous cobayes?" : le plaidoyer anti-OGM qui fait mouche », se référant à la parution prochaine d'un film de Jean-Paul Jaud basé sur cette étude scientifique. 20 minutes souligne « Les OGM inquiètent huit Français sur dix, selon un sondage », et L'Express : « Huit Français sur dix inquiets de de la présence d'OGM dans les aliments ». Serait-ce là que le bât blesse ? Alors que le résultat erroné d'OPERA avait été relayé par les médias français avec un incroyable suivisme, les critiques ne manquent pas à l'égard l'article récent de Séralini et al. Le blog Sciences2 de Libération (Sylvestre Huet) va jusqu'à poser en exemple l'annonce d'OPERA d'il y a un an par rapport à la publication récente de Séralini et de ses sept collaborateurs. Quel rapport avec la réalité, si on pense qu'un responsable d'OPERA est devenu le scientifique le plus médiatisé de l'année écoulée sur la base de ce résultat erroné ? Le 22 septembre également, un blog de l'Agence Science-Presse écrit « L'étude anti-OGM : comment s'assurer des médias favorables », reprochant à l'équipe de Gilles-Eric Séralini d'avoir « imposé aux journalistes français et britanniques "choisis" une interdiction de parler à d’autres experts ». Mais les choses sont-elles si simples, si on pense à l'influence des lobbies des OGM, aux crises récentes des expertises, à la prolifération des conflits d'intérêts dans le monde scientifique et à la dépendance croissante de la recherche par rapport aux sponsors privés ? Et quelles sont les garanties d'impartialité des auteurs des critiques adressées à Gilles-Eric Séralini et à ses collaborateurs ? Même le travail de Séralini et al., sur lequel Notre Temps relève « La grande distribution a participé au financement de l'étude sur les OGM », a été financé avec des fonds privés. Malheureusement, lorsque Hervé Kempf soulève la question de savoir « pourquoi, donc, les autorités publiques n'ont pas demandé à des chercheurs publics des études approfondies et neutres sur la nocivité des OGM », ayant en vue des organismes publics comme le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) ou l'INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), la réponse n'est guère compliquée. Depuis trois décennies, et de plus en plus ouvertement après l'accession de Jacques Delors à la présidence européenne en janvier 1985, tous les gouvernements français de « droite » comme de « gauche » ont progressivement poussé les chercheurs à dépendre du secteur privé pour financer leurs recherches. Une tendance qui risque de s'aggraver encore avec les actuelles Assises de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, où la « territorialisation » de la consultation ne pourra qu'affaiblir le rôle du CNRS, de l'INRA et des autres établissements publics nationaux.
[la suite, sur le lien http://science21.blogs.courrierinternational.com/archive/2012/09/22/ogm-resultats-de-seralini-et-al-interets-prives.html ]
Cordialement
Le Collectif Indépendance des Chercheurs
http://science21.blogs.courrierinternational.com/
http://www.mediapart.fr/club/blog/Scientia
Dans une version de ce soir de son article cité plus haut, Hervé Kempf semble avoir repris en partie cette idée de base de notre résumé :
Malheureusement, lorsque Hervé Kempf soulève la question de savoir « pourquoi, donc, les autorités publiques n'ont pas demandé à des chercheurs publics des études approfondies et neutres sur la nocivité des OGM », ayant en vue des organismes publics comme le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) ou l'INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), la réponse n'est guère compliquée. Depuis trois décennies, et de plus en plus ouvertement après l'accession de Jacques Delors à la présidence européenne en janvier 1985, tous les gouvernements français de « droite » comme de « gauche » ont progressivement poussé les chercheurs à dépendre du secteur privé pour financer leurs recherches.
(fin de l'extrait de notre résumé)
Nous ne pouvons que l'en remercier. Malheureusement, il ne semble pas que l'actuel gouvernement ait l'intention d'inverser cette tendance.
Ce "démolissage" était malheureusement prévisible... Mais c'est pas grave, les germes du doute sont plantés et la vérité sortira...Nul mensonge ne peut être tenu secret à jamais.