Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes

L'Islande juge son ancien premier ministre

LEMONDE | 07.03.12 | 14h07  

 
 

 

En 2008, Geir Haarde – ancien premier ministre de l'Islande – n'a pas su éviter la faillite des banques et l'effondrement de l'économie.

En 2008, Geir Haarde – ancien premier ministre de l'Islande – n'a pas su éviter la faillite des banques et l'effondrement de l'économie.AFP


Reykjavik Correspondance - Dans le Musée de la culture islandaise, en haut d'une colline du centre-ville d'où l'on voit la banque centrale, la Haute Cour de justice et les bureaux du chef du gouvernement, l'Islande juge son ancien premier ministre.

Geir Haarde occupait cette fonction en 2008 quand son pays, sidéré, vit ses banques faire faillite et son économie s'effondrer. C'est un tribunal spécial, seul apte à juger un ministre et interpellé pour la première fois, qui a été saisi. Et la mise en scène est spectaculaire : si elle n'est pas transmise en direct, les Islandais en suivent heure par heure le déroulement sur Internet. Plus de 60 témoins sont appelés à témoigner, dont une brochette de ministres présents et passés.

Mais quel est l'enjeu, plus de trois ans et demi après l'effondrement ? Sans doute pas de punir un homme, vieilli et grossi, qui se remet d'un cancer de l'oesophage et dont la carrière politique, à 64 ans, est terminée. Il ne risque d'ailleurs que deux ans de prison. Et ne peut être tenu seul responsable de l'effondrement de son pays.

Non, l'enjeu, au travers des témoignages des principaux acteurs, est de faire la lumière sur ce qui s'est passé. Et aussi de savoir pourquoi l'Islande s'en est finalement si bien tirée.

Geir Haarde ne devrait pas être seul sur le banc des accusés. Trois autres ministres, dont deux socialistes, le ministre du commerce et celui des affaires étrangères devraient être à ses côtés. Mais l'actuelle première ministre, Johanna Sigurdardottir, a voulu éviter cette humiliation à ses camarades.

De quoi Geir Haarde est-il accusé ? De ne rien avoir fait pour arrêter la débandade des établissements financiers. Et de ne pas avoir œuvré pour donner à la banque en ligne Icesave le statut de filiale britannique, ce qui aurait permis de transférer la douloureuse ardoise à Londres. Et évité au pays deux référendums et deux refus de payer. L'affaire est désormais devant la Cour de justice européenne.

 

INCAPACITÉ À GÉRER SON PAYS

Que dit Geir Haarde à ses juges ? Qu'il était impuissant. Et ses anciens ministres de droite et de gauche reprennent en choeur le même couplet. Les juges ne devraient pas limiter leurs questions à 2008. Car, dans l'effondrement du pays, il ne faut pas oublier des causes plus anciennes.

La privatisation des quotas de pêche a accordé aux armateurs des fortunes insensées et un délire d'investissement à l'étranger presque toujours catastrophique. Il y eut ensuite une privatisation calamiteuse des banques accordées à des copains coquins qui n'en étaient pas dignes. Puis des établissements bancaires qui accordaient n'importe quel crédit à n'importe qui, anesthésiant permettant à la population de rester sage.

Paradoxalement, l'incapacité du premier ministre à gérer son pays a été une chance extraordinaire pour l'Islande. Paralysé par l'inaction, il n'a rien fait d'autre en 2008 qu'endormir ceux qui avaient des doutes.

Quand les agences de notation retirèrent leur triple A, l'Islande ne pouvait plus lever de fonds. Le gouvernement de Geir Haarde déclara la faillite des banques.

Sauver des banques qui avaient prêté onze fois le produit intérieur brut du pays était ingérable. Les banques étrangères, honteuses de s'être fait avoir, ont refilé leurs créances à des "junk funds" qui sont aujourd'hui les vrais propriétaires de deux des banques islandaises, la troisième étant nationalisée.

L'Islande, avec le soutien du Fonds monétaire international, remonte la pente. L'Etat-providence a été sauvé. La consommation s'est effondrée. Mais le chômage ne dépasse pas 7 % : il a souvent suffi aux entreprises de supprimer les heures supplémentaires pour éviter les licenciements. Beaucoup d'étrangers sont repartis, les Islandais se sont expatriés.

La colère des manifestations a fait place à l'amertume. Les Islandais de gauche ne sont pas enthousiasmés par la politique d'austérité du gouvernement qu'ils ont élu, tandis que ceux de droite rêvent d'un nouveau boom économique.

Coup de chance : le maquereau, poussé par le réchauffement climatique, est arrivé dans les eaux islandaises et les quotas de pêche ont été sensiblement augmentés.

Gérard Lemarquis

 


Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article