LE MONDE | 17.08.2012 à 11h11
Par Francine Aizicovici
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Les salariés de Fralib, qui occupent toujours leur usine de Gémenos (Bouches-du-Rhône), dont le groupe Unilever a décidé la fermeture, ont enregistré leur deuxième victoire d'étape depuis début août. L'inspection du travail vient de refuser le licenciement des 14 représentants du personnel de ce site de production de thé Lipton et d'infusions Eléphant, à l'arrêt depuis juillet 2011. Elle estime que "la réalité du motif économique invoqué par l'employeur pour justifier la fermeture du site de Gémenos n'est pas établie".
Déjà, le 2 août, la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole (MPM) avait donné un sacré coup de pouce aux salariés en annonçant son achat du terrain, des bâtiments et des machines de Fralib, permettant ainsi la poursuite de la recherche d'une solution de reconversion industrielle du site (Le Monde du 4 août).
Lire : Le dossier Fralib en meilleure voie
NOUVEAU REBONDISSEMENT
La décision de l'inspecteur du travail constitue un nouveau rebondissement dans ce dossier. Après l'annulation, en 2011, par la justice, de deux plans de sauvegarde de l'emploi (PSE, équivalent du plan social), Unilever en avait engagé un troisième, le 7 mars 2012, validé cette fois par le tribunal de grande instance (TGI) de Marseille, le 20 avril 2012. Le comité d'entreprise (CE) a fait appel et l'audience doit se tenir mi-octobre. Le document signé par l'inspecteur du travail figurera en bonne place dans le dossier du CE.
Il relève en effet une série d'irrégularités dans la procédure. Par exemple, l'effectif concerné par le PSE n'est pas l'effectif initial, en raison de départs négociés après l'annulation du deuxième PSE, le 17 novembre 2011, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Or, dans ce contexte, ces transactions n'étaient pas légales, selon l'inspecteur. En outre, le CE n'a été ni consulté ni informé à ce sujet. Ces éléments constituent "un vice substantiel de nature à invalider la procédure de PSE sur laquelle s'appuient les demandes de licenciement des salariés protégés", écrit l'inspecteur du travail. Il note aussi que pour le troisième PSE, les données économiques transmises au CE datent de mars2011, voire de 2010. Le CE ne pouvait donc pas se prononcer "en connaissance de cause sur le projet de fermeture du site", souligne encore l'inspecteur.
Ces éléments avaient été mis en avant par les Fralib devant le TGI en avril 2012, qui ne les avait pas retenus. "Ils figuraient aussi dans la lettre d'observation de la direction régionale du travail que Xavier Bertrand a bloquée", pointe Olivier Leberquier, délégué syndical de Fralib. L'absence d'une telle lettre d'observation avait été l'un des arguments sur lesquels le TGI s'est appuyé pour valider le troisième PSE.
Le point le plus spectaculaire de la décision de l'inspecteur porte sur l'analyse du motif économique de la procédure. Le groupe avait justifié la fermeture par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de sa branche d'activité "thés et infusions Europe de l'Ouest". Il invoquait la dégradation de ses parts de marché et des surcapacités. Toutefois, le groupe "demeure largement leader mondial" dans cette branche, constate l'inspecteur. En outre, les éléments comptables font apparaître que l'usine "dégage, au 31 décembre 2011, un résultat net après impôt de 2 444 751 euros et une trésorerie de 138 330 00 euros". Au final, Fralib "n'apporte pas la démonstration de la nécessité de procéder aux suppressions de postes", conclut l'inspecteur.
Interrogée, la direction d'Unilever indique qu'elle "va mettre en œuvre toutes les voies de recours" contre cette décision, auprès du ministère du travail ou du tribunal administratif.
Lire : Le dossier de la reprise de Fralib n'est toujours pas bouclé (lien Abonnés)
Francine Aizicovici