Il en aura fallu de la ténacité à Didier Girard pour mener à bien son projet ! Pendant des années, le responsable du service restauration du centre hospitalier du Mans s’est battu pour rendre possible sa belle idée de restaurant social.
Tout part d’un constat dans cet hôpital qui sert plus de 1,3 millions de repas par an : le gaspillage. Insupportable de voir toute cette nourriture, tous ces plats, ces fruits, ces laitages non entamés et en parfait état de consommation, partir à la benne, dans une ville où 18% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté.
Jeter toute cette nourriture avait aussi bien évidemment un coût : 4 200 Kg de déchets par an, qui depuis janvier 2013 sont considérés comme des bio-déchets et ne peuvent plus être incinérés, mais soit compostés, soit dirigés vers une usine de méthanisation. Donc l’idée, simple a priori mais complexe à mettre en œuvre, est de donner ces surplus à ceux qui en ont besoin et de nourrir des personnes en situation de précarité.
Après moult réunions, une organisation est trouvée : l’hôpital met ses surplus alimentaires à disposition tous les jours, l’Ordre de Malte assure la logistique, et une association ouvre le restaurant social. La formule a été testée pendant plusieurs mois dans un premier restaurant, puis est passée à une vitesse supérieure en s’installant à proximité immédiate d’un foyer d’hébergement.
Résultat : ces surplus permettent à vingt-cinq personnes de faire un bon repas, gratuitement, cinq soirs par semaine. Au bout d’un an, 7 000 repas seront servis.
Cette belle réalisation me ravit. Comment justifier aujourd’hui de jeter tant de nourriture parfaitement consommable (on parle là des surplus alimentaires, pas des restes de plateaux qui eux ne peuvent pas être donnés et sont jetés) ? Et pourtant le restaurant social hospitalier a été compliqué à monter : réglementation, habitudes, craintes, les freins ont été nombreux. C’est beaucoup d’énergie pour (seulement) 25 repas par jour diront certains, mais c’est déjà beaucoup. Et le modèle est parfaitement reproductible, l’auteur du projet partageant bien volontiers son expérience.
Alors je me pose une question. Pourquoi ce qui est possible dans un hôpital ne l’est pas dans une école ? Pourquoi ne fait-on rien – ou presque – pour réduire le gaspillage dans les cantines scolaires, trouver une 2ème vie à certains produits, donner à ceux qui n’ont rien des produits non consommés, en parfait état mais qui sont jetés ?
Dans l’école de ma fille à Lyon, ce sujet est évoqué à chaque conseil d’école et on nous oppose toujours « la réglementation ». C’est choquant, c’est grotesque. Et si on parlait d’éducation, de sensibilisation, de lutte contre le gaspillage dès le plus jeune âge ? Comment justifier auprès d’un enfant qu’à la cantine de l’école le yaourt non ouvert, la pomme entière, le morceau de camembert emballé qu’il a pris sur son plateau mais qu’il n’a pas mangé DOIT finir à la poubelle ? C’est la semaine de lutte contre le gaspillage non ?