Source : aptgchronique.overblog.com
L’euro se lézarde…
5 Février 2014
Les informations internationales font de plus en plus état d’un mouvement anti-euro, et ce, malgré la pression de la presse mainstream et l’argumentation des experts de la doxa, en dépit des politiques traditionnels qui brandissent l’anathème du populisme, qui amalgament extrême droite et extrême gauche, qui mentent sur l’impossibilité technique d’un changement de cap.
Ce mardi 4 février, Philippe Cohen invitait sur France Inter Philippe Villin, énarque, ex-PDG du Figaro, conseiller auprès de grands patrons (photo ci-contre). Le propos de cet économiste que l’on ne peut taxer ni de fantaisie ni d’outrance révolutionnaire, est clair : ce qui arrive aujourd’hui avec l’euro était prévisible depuis le début. L’Allemagne pille le reste de l’Europe comme cela s’est toujours passé lorsque l’on a imposé une monnaie unique dans une zone composée de régions de niveaux différents. Il cite le cas de l’Italie où Naples était une ville prospère avant l’unification et qui a été ruinée par l’industrie du Nord.
Au prétexte de prospérité et de paix, l’Europe s’est construite sur le profond traumatisme de l’Allemagne qui ne s’est jamais remise de l’hyperinflation de 1936. Avec intelligence, elle a construit son intégration sur la base d’un euro qui fonctionne comme un mark fort. Si nous sortions de l’euro, nous aurions un franc à 1,10 dollar environ, alors que le mark serait à 1,70. Nous crevons d’un euro surévalué et l’Allemagne profite d’un euro sous-évalué par rapport au mark. Emmanuel Todd déclarait dans un de ses ouvrages : « L’euro est une monnaie sacrificielle portée par une charge religieuse, une croyance collective : le rêve européen. »
Les Allemands ayant une peur panique de l’inflation, nous entrainent vers une déflation tout aussi dangereuse dont on peut prévoir aisément les conséquences en observant la situation grecque qui voit sa demande intérieure ruinée par des salaires et revenus historiquement bas, des importations impossibles, une dette insoluble (les Grecs sont dans la situation d’un individu recevant un salaire de 1000 euros et qui devrait payer sur un prêt, 1200 euros d’intérêts mensuels.
Contrairement à ce que l’on veut nous faire croire avec une propagande éhontée, les traités européens permettent une sortie de l’euro (voir l’article 50 de la constitution). L’inflation qui s’en suivrait n’obligerait pas à rembourser en monnaie locale une dette en euro. Les monnaies nationales ne seraient pas plus attaquées par les fonds spéculatifs internationaux que ne l’est l’euro actuel. Jamais les politiques de rigueur imposées par la Troïka ne permettront l’émergence d’une quelconque solution à la misère, au chômage, au démantèlement des services publics.
Il n’y a pas que sur France Inter que la contestation de l’euro se fait jour. C’est identique dans tous les pays européens :

Portugal : Un livre anti-euro fait un carton : Porque devemos sair do euro (Pourquoi nous devons quitter l’euro, de l’économiste Joao Ferreira do Amaral). Le retour à l’escudo pour pouvoir enfin dévaluer y paraît la seule solution contre les politiques d’austérité, la perte de compétitivité, le chômage. Sorti en avril, le livre a déjà été réimprimé quatre fois !
Grèce : Le chef du parti du Plan-B, Alekos Alavanos, ancien dirigeant de SYRIZA, (phto ci-contre) déclare à la presse que seule une sortie de l’euro est vraisemblable : « …tout ce rituel macabre du budget contrôlé par la Troïka et par le Conseil européen au moyen de nombreuses inspections sur place, ou sinon par les avertissements et les pénalités, toute cette surveillance donc accrue, FMI compris, devient désormais une caractéristique perpétuelle de l’ensemble de la zone euro. Donc, il faut plutôt confronter nos propositions avec la réalité et non pas à la lumière des fantasmes de SYRIZA”, quotidien “Eleftheros Typos” du 2 février.
Au sein même de SYRIZA, l’économiste Yannis Tolios de la Mouvance Plateforme de gauche, vient de déclarer lundi 3 février que “le moment arrivera où il va falloir refuser unilatéralement le paiement de la dette et que de toute manière, mourir pour l'euro n'est plus un objectif en soi pour notre pays. Le peuple le sait déjà, les mentalités sont mûres…” (radio REAL-FM).
Panagiotis Lafazanis, mène le combat anti-euro également au sein de Syriza : « Il devient impératif de quitter la zone euro et ainsi de redéfinir nos relations avec l'UE, d'autant plus, que cette dernière est devenue un véhicule irréparable et irréformable de la seule volonté des banques et du néo-impérialisme de l'Allemagne […] La sortie prévue de la Grèce de la zone euro permettra la mise en œuvre d’un programme de redressement progressif, elle n'est en aucun cas un choix catastrophique, c’est plutôt la réponse positive et crédible face à la crise.
Le 1er décembre 2013 lors d’une réunion internationale organisée par EPAM (Front unitaire populaire), on a pu entendre : « Quitter l’euro et rétablir les monnaies nationales est une condition de base pour reconquérir l’indépendance et mener des politiques de plein-emploi. Il faut quitter l’Union européenne dans les conditions précisées par l’article 50 du traité sur l’Union européenne. »

Le voilier, emblème choisi pour représenter la présidence grecque du Conseil européen en ce début 2014 n’a visiblement pas le vent en poupe.
France : Opposés au parti de Mélenchon, le M'PEP de Jacques Nikonoff (Mouvement Politique d’Émancipation Populaire) ainsi que l'UPR (Union Populaire Républicaine), préconisent la sortie de l’euro. Ces deux partis montrent bien que ce choix politique est, chez nous comme partout ailleurs, complètement transversal par rapport aux clivages classiques. Des intellectuels de droite tels que Philippe Villin rejoignent des intellectuels de gauche tels que Jacques Sapir sur bien des points.
Allemagne: Nous commençons à voir de curieuses conversions s’afficher, telle que celle de Hans-Olaf Henkel. Ancien président de la puissante fédération de l'industrie allemande, jadis défenseur de l’institution européenne, il déclarait récemment: « Soutenir le projet de l'euro a été la plus grosse erreur de toute ma carrière professionnelle » !...
L’AFD, parti eurosceptique (Alternative pour l’Allemagne dirigé par Bernd Lucke, photo ci-contre), n’a fait que 3% des voix au Bundestag mais progresse : « Nous exigeons un démantèlement ordonné de la zone euro. L’Allemagne n’a pas besoin de l’euro. L’euro nuit aux autres pays. »
Espagne: Un nouveau Font Civique créé par Julio Anguita (personnalité issue de la gauche unifiée, photo ci-contre) a été lancé en mai dernier avec un "manifeste pour une reprise économique et la souveraineté monétaire" intitulé "Quittons l'euro!"
"...Il nous semble évident, à nous signataires de ce Manifeste, que l’Europe de Maastricht ne peut pas survivre dans sa présente configuration, après les désastres et souffrances qu’elle a causé. (…) Nous affirmons également que notre pays ne peut pas sortir de la crise dans le cadre de l’euro. Sans notre propre monnaie et notre autonomie monétaire, il est impossible de confronter l’actuel drame économique et social. (…) Nous estimons que la société espagnole, qui est entrée dans une agonie prolongée et sans espoir de s’en sortir, n’a pas d’autre option que de quitter l’euro, afin d’empêcher l’effondrement final de notre pays..."
Pourtant, le blocus des européanistes forcenés est patent. Il suffit de tenter une recherche sur Internet pour y chercher quelques articles sur ces anti-euros pour s’apercevoir que cette lame de fond qui traverse l’Europe y est largement sous représentée. A part la toute nouvelle éclosion de l’AfD allemand qui fait du bruit, il faut vraiment fouiller pour trouver quelques entrefilets expliquant ce qui se passe en Irlande, en Pologne, en Hongrie et ailleurs…
Chaque pays de l’euro zone a pourtant son (ou ses) parti europhobe qui se développe en opposition aux souverainismes et nationalismes d’extrême droite (considérant que c’est la misère engendrée par l’euro qui suscite ces replis identitaires dangereux) et à de l’ambiguïté des partis d’extrême gauche qui hésitent à s’opposer de front à l’Europe pour des raisons électoralistes. (En Italie, l’EPIC, Economia Per I Cittadini, en Finlande, l’IPU, Parti de l’indépendance, etc.). Combien de temps faudra-t-il pour que le crime contre l’humanité que l’euro a provoqué, principalement dans les pays du Sud qui lui payent encore un lourd tribut, soit reconnu ? Combien de temps de plus faudra-t-il à l’humanité pour comprendre qu’il n’y a pas de bon système monétaire, qu’une société sans argent est techniquement possible aujourd'hui et que c’est la seule solution radicale pour réaliser les vœux de Liberté, d’Égalité et de Fraternité de 1789 !....
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