Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes
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Jusqu’en 2008, Hervé était un doux rêveur qui pensait qu’en « jouant du rock’n roll on était en action contre le système. Mais je me suis trompé », reconnait-il. La crise l’a poussé à « changer radicalement [s]on existence » et à se lancer « dans l’action concrète ».
C’est par l’assiette que ce musicien de profession est rentré dans la sphère militante. « Il m’a semblé que l’alimentation était un point central de l’action possible. On peut vivre sans musique, on ne peut pas vivre sans manger », résume-t-il. Alors, avec quelques amis, ils décident de « faire quelque chose ensemble ». Très vite émerge l’idée d’une épicerie coopérative inspirée du Groupement d’achat service épicerie de Rochefort-en-Terre (reportage à venir). Une réunion publique est donc organisée en septembre 2011 et plus de cinquante personnes répondent à l’appel.
« On a senti que l’on touchait à une certaine aspiration réelle d’un certain nombre de personnes », raconte Hervé. En quelques semaines, ils engrangent une trentaine d’adhésions et deux mois plus tard, L’indépendante voit le jour.
« L’idée était de sortir du supermarché, de ne plus approvisionner les comptes de multinationales qui détruisent la planète », rappelle Hervé. Beaucoup d’entre nous étaient déjà dans une Amap mais il n’existait rien pour les produits secs. Nous cherchions une option pour satisfaire 100% de nos besoins ».
Chaque adhérent ce sert librement dans ces deux placards et note ensuite ses achats sur le site internet MoneyCoop.
À L’indépendante, inutile de chercher les salariés, les membres sont eux-mêmes devenus leur propres épiciers. Pour débuter, ils ont tous mis sur la table une cinquantaine d’euros afin d’acheter les premiers produits qu’ils stockent dans des placards mis à disposition par une maison de quartier. Ici, pas de chef, l’épicerie est totalement autogérée. Ensemble, les membres décident des produits commandés. Les critères de sélection sont simples : « pas d’empoisonnement des produits ni de la terre et le plus de vrac possible pour limiter les emballages », détaille Hervé. Ils se fournissent auprès de centrales d’achats responsables comme Terra Libra et passent par des producteurs locaux qu’ils ont tous rencontré. Le but n’est pas de faire du profit, seulement d’accéder à des produits sains à prix coutant.
Une fois par semaine, ils vont « faire leur marché » dans les placards. Sur MoneyCoop, un site internet réservé aux adhérents, ils mentionnent les produits achetés qui sont décomptés de leur solde. Une fois leur crédit épuisé, ils remettent de l’argent et de nouveaux produits sont commandés afin de remplir à nouveau les placards. Le système est basé sur la confiance entre les membres. « Mais personne ne triche ? », est-on tenté de demander. Une question qui fait rire Hervé : « C’est un truc qui appartient à tous, donc si tu voles, tu te voles toi-même ! » D’ailleurs c’est même l’inverse qui se passe. Il y a bien des erreurs, mais il ne manque pas d’argent, au contraire, lors du dernier inventaire, les coopérateurs ont comptabilisé un surplus de 200 €.
Plus de détails sur le fonctionnement dans la vidéo ci-dessous :
Pour mener à bien le projet, ils auraient pu constituer un simple groupement d’achat tel que le propose La Ruche qui dit oui, « mais ce n’est pas très rigolo », fait remarquer Hervé. Au-delà de l’alimentation, c’est l’aspect humain qui l’intéressait dans ce projet. Loin d’être un problème, l’autogestion est, selon lui, une vraie opportunité. L’indépendante fonctionne de manière totalement horizontale, au consensus et sans avoir recours au vote.
« Quand tu écoutes l’opinion de 30 personnes, la tienne n’est pas radicalement transformée, mais elle évolue. C’est une grande richesse de travailler comme ça car ton point de vue est forcement limité. Les décisions prises reflètent l’intérêt de tout le monde. On est la preuve vivante que la démocratie ce n’est pas forcement une pyramide et du vote, qu’on peut fonctionner d’une autre façon », argumente Hervé.
Il n’a pas de mot assez élogieux pour louer l’intelligence collective qui tourne à plein régime pendant leurs réunions hebdomadaires. « Sans investissement de départ, on a réussi à faire marcher L’indépendante. Un truc qu’on a inventé en réfléchissant ensemble ! », s’enthousiasme Hervé.
Mutualisation de matière grise qui a permis d’inventer un système de solidarité permettant aux adhérents les plus démunis de pouvoir effectuer leurs achats gratuitement. Chaque coopérateur peut alimenter anonymement le compte de Mr L’indépendant, un profil fictif que les membres peuvent utiliser pour régler leurs achats en cas de disette. Le compte de Mr L’indépendant est également abondé par une partie des adhésions (à prix libre entre 2 et 10€ par mois). Vu que tout repose sur la confiance entre les membres, les achats se font de manière totalement anonyme.
Et là encore, les coopérateurs n’ont pas à déplorer d’abus. Malgré ce succès, L’indépendante « ne veut pas grossir mais plutôt favoriser l’émergence de nouvelles coopératives un peu partout », assure Hervé qui est persuadé que ce modèle est tout à fait transposable autre part. D’ailleurs, plusieurs collectifs de différentes régions sont déjà venus à la rencontre de L’indépendante avec le but de s’en inspirer. Et Hervé ne doute pas que la multiplication d’initiatives de ce genre arrivera à faire bouger les lignes. « Cela ne revient pas seulement à changer sa vie, c’est changer sa vie à l’intérieur d’un groupe. C’est poser les fondements d’une autre façon de vivre« .
Emmanuel Daniel
Cette initiative vous intéresse ? Alors précipitez-vous sur cet entretien d’une heure avec Hervé diffusé avec son accord. Il revient sur l’origine du projet, sa concrétisation, son fonctionnement actuel avant de le replacer dans un cadre plus large. Passionnant :