L'économie portugaise est gagnée par le travail au noir. Derrière cette contagion, les mesures d'austérité drastiques imposées à Lisbonne par la « troïka ». En mai dernier, l'Union européenne (UE), la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI) ont accordé un plan de sauvetage de 78 milliards d'euros pour sauver le pays de la faillite.
Depuis, ils sont intransigeants sur leur demande de renflouement de la dette publique : en mettant la pression sur le gouvernement de Pedro Passos Coelho, les autorités portugaises mettent à leur tour la pression sur les citoyens et les entreprises du pays. La hausse des taxes, des prix, des cotisations à la sécurité sociale et du chômage sont les principaux moteurs derrière l'envolée de l'économie souterraine.
Une étude publiée en janvier par la Faculté de sciences économiques de l'Université de Porto chiffre le travail au noir à près de 40 milliards d'euros, soit un quart de l'économie du pays. Si cette économie clandestine avait pu être taxée, le déficit public aurait selon cette étude été réduit à 2,9% du PIB, au lieu des 9,1% affichés. En Europe, seule l'Italie et la Grèce ont une économie souterraine plus conséquente. Et selon les experts cette part devrait augmenter à nouveau en 2012.
Ne pas laisser de trace
Face à l'augmentation des impôts et à la baisse de la consommation, de plus en plus d'entreprises se tournent vers le marché noir pour rester à flot. Les petites et moyennes entreprises (PME) évitent de payer les taxes, en particulier la TVA qui a grimpée de 18 à 23% durant les trois dernières années. Une question de survie pour la plupart d'entre elles.
Malgré les risques d'amendes et de fermeture, elles décident de ne plus payer la TVA ou de déclarer seulement la moitié de la valeur de leurs transactions commerciales. Un mouvement qui s'étend également aux travailleurs indépendants, au bâtiment ou dans les services. Dentistes ou médecins privés n'hésitent plus à se faire payer en liquide pour ne pas laisser de trace.
Un dentiste basé à Estoril, une ville proche de la capitale, confie :
« Les seules personnes qui me demandent une facture sont celles qui payent déjà des primes élevées pour une assurance maladie privée. »
Avec cette pratique, c'est autant d'argent qui disparaît pour renflouer les caisses de l'Etat. Un véritable frein au remboursement du déficit exigé par la « troïka ». A la mi-janvier, l'agence de notation Standard & Poor's a dégradé la note portugaise de deux crans face aux difficultés de Lisbonne à réduire son déficit budgétaire. La note du pays est passée de BBB (qualité moyenne inférieure) à BB (« obligation pourrie »).
Contrôle de police
Face à ce manque à gagner fiscal, l'Etat essaye de récupérer l'argent où il le peut. Sur les routes, les contrôles de police inopinés se multiplient à travers tout le pays. Un petit passage au supermarché se finit ainsi souvent par un barrage de policiers, qui postés à un giratoire vérifient avec zèle, permis de conduire, papiers de circulation et contenu du coffre dans l'espoir de déceler une infraction.
D'ailleurs, c'est avec une grande satisfaction que le ministère de l'Intérieur a annoncé ce mois que la police avait ainsi recueilli près de 80 millions d'euros d'amendes en 2011. Une somme qui peut paraître bien maigre face aux milliards engrangés par l'économie souterraine qui plombent la dette du pays.