LE MONDE | 05.05.2012 à 13h40 • Mis à jour le 05.05.2012 à 15h09
Par Claire Gatinois
En novembre 2011, le parlementaire Volker Kauder (CDU, conservateur) avait un peu maladroitement affirmé : "Maintenant, l'Europe parle allemand." Sous-entendu, les pays dépensiers de l'Union monétaire se mettent au pas adoptant - enfin - la rigueur nécessaire à l'assainissement de leurs comptes publics.
Six mois plus tard, après un trimestre de croissance négative en fin d'année dernière et des indicateurs en déclin, l'Allemagne semble au contraire parler un peu plus "européen". Les politiques d'austérité et les dégâts qu'elles provoquent sur la croissance commencent, de fait, à se ressentir sur l'économie d'outre-Rhin.
Il y a notamment eu ce chiffre surprenant et décevant de 19 000 nouveaux demandeurs d'emploi enregistrés en avril. Si le taux de chômage en Allemagne, à 6,8 % de la population active, reste extrêmement enviable pour l'Europe du Sud, cet indicateur a envoyé un mauvais signal.
Et il n'est ni le seul, ni le premier. Le moral des consommateurs flanche, les exportations stagnent et le niveau d'activité industrielle a des accès de faiblesse. Mercredi 2 mai, l'indice PMI des directeurs d'achat permettant de mesurer le niveau de la production a reculé. En cause, "la demande, plus faible, des clients d'Europe du Sud", selon Markit, l'institut qui publie cette donnée.
Pour Christian Ott, économiste chez Natixis à Francfort, ce ralentissement n'est pas très étonnant. Il reflète, une fois de plus, la vulnérabilité du modèle économique allemand, focalisé sur le commerce extérieur : 40 % de ses exportations sont, rappelle-t-il, destinées aux pays de la zone euro. "Ce qui est finalement surprenant, c'est que l'Allemagne ait résisté si longtemps", estime M. Ott.
Reste à savoir s'il s'agit d'un simple trou d'air ou des prémices d'une dégradation plus profonde. Après le recul du produit intérieur brut (PIB) de 0,2 % au quatrième trimestre 2011, la plupart des experts s'attendent à une croissance zéro pour les trois premiers mois de 2012. Mais, si le PIB est négatif, même légèrement, le pays sera techniquement en récession.
Un choc pour la première économie européenne érigée, depuis le début de la crise des dettes souveraines, en modèle absolu.
D'autant que les choses pourraient s'aggraver encore si la situation des Dix-Sept se compliquait. Dans un scénario pessimiste, l'institut économique allemand Diw redoute 200 000 pertes d'emploi en 2012. Les experts de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) calculent, eux, que l'Allemagne perdra 1,2 point de croissance cette année à cause des restrictions budgétaires en Europe.
De quoi inciter Berlin à se soucier davantage de la croissance et un peu moins d'austérité ? Rien n'est impossible. Angela Merkel, la chancelière allemande, a déjà signalé qu'elle préparait un "agenda de croissance pour le sommet européen de juin".
Il ne faut pas se faire trop d'illusions, pondère toutefois Ferdinand Fichtner, économiste à l'institut Diw à Berlin. "Malheureusement", soupire-t-il. A ses yeux, le pays, aux finances exemplaires, reste attaché au respect des règles d'orthodoxie budgétaire inscrites dans le traité européen signé en mars.
"DONNANT-DONNANT"
La population semble, d'ailleurs, soutenir ce point de vue : selon un sondage Infratest Dimap, publié vendredi 4 mai par le quotidien Die Welt, 55 % des Allemands se disent favorables à la discipline défendue par Mme Merkel. "S'il se décide quelque chose, ce sera donnant-donnant", conclut M. Fichtner.
C'est que l'Allemagne a encore des ressources pour s'éviter une grave crise, avec ou sans le retour rapide de la croissance en zone euro. Grâce à son industrie ultra-compétitive, elle profitera du rebond des Etats-Unis et de la croissance toujours tonique de la Chine et de pays d'Europe de l'Est pour doper ses exportations, pensent les économistes.
Surtout, après quinze années d'austérité et de modération salariale, le pays peut lâcher du lest sur les rémunérations et la fiscalité des ménages. Assez pour faire grossir la demande intérieure et rendre le pays moins dépendant de ses "clients". Déjà les syndicats bataillent en faveur de hausses de plus de 6 % dans certains secteurs.
Une bonne nouvelle pour l'Allemagne, juge Thomas Harjes chez Barclays, puisque cela permettra de mieux équilibrer l'économie du pays. Mais aussi un soulagement pour l'Europe du Sud en dépression, qui pourrait ainsi trouver un nouveau débouché pour ses exportations.
Claire Gatinois
Un groupe familial qui ne publie pas ses comptes
Aldi Société à responsabilité limitée, Aldi n'est pas tenu de publier des chiffres détaillés.
Le groupe familial réalise dans le monde un chiffre d'affaires estimé par les experts de l'institut Planet Retail à 57,2 milliards d'euros. Il emploierait environ 100 000 salariés dans le monde.
Le secteur du hard discount L'institut GfK estime qu'Aldi et les autres hard discounters allemands comme Lidl, Netto ou Penny détiennent 43,4 % du marché de la distribution en Allemagne. Un chiffre en baisse, alors que, selon les experts, le modèle est en perte de vitesse.