C’est une « Note de conjoncture » en forme d’alerte que publie l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), ce jeudi 20 décembre en fin de soirée. Croissance zéro, effondrement du pouvoir d’achat, atonie de la consommation : tout indique que l’économie française est toujours au bord de la récession et que le pays en paye un tribut social de plus en plus lourd. Mais ce sont surtout les prévisions sur le front du chômage qui sont les plus alarmantes : le taux de chômage pourrait atteindre 10,9 % en juin 2013 (Dom-Tom compris), soit l’un des niveaux les plus élevés jamais atteints dans notre pays au cours de la période contemporaine.
Cette étude de l’Institut constitue donc une alarmante radiographie d’une politique économique qui est en train d’échouer. Une politique économique qui ne parvient pas à redresser la situation économique du pays et qui menace même de l’aggraver.
Le gouvernement se doutait certes que cette « Note de conjoncture », qui dessine les prévisions économiques possibles pour le 1er semestre de 2013, serait détestable. En vérité, le scénario de l’Institut est encore plus dégradé que prévu.
La première mauvaise surprise a trait à la croissance. Comme le révèle le tableau ci-dessous, qui présente la synthèse de prévisions de l’Insee, la France est en situation de quasi-croissance zéro depuis la fin du premier trimestre de 2011, avec des taux d’activité oscillant en permanence autour de zéro, tantôt légèrement au-dessus, tantôt légèrement en dessous. Et la tendance va rester strictement identique au premier semestre 2013, avec une croissance de + 0,1 % au cours de chacun des deux trimestres.
Le gouvernement est donc en train de perdre son premier pari, celui sur la croissance. Pour 2012, il avait adossé sa politique économique à une hypothèse économique de 0,3 % de croissance. Chiffre déjà très bas et qui pourtant ne sera même pas atteint ! Selon l’Insee, la croissance sur l’ensemble de l’année ne devrait pas dépasser 0,1 %.
Et pour l’année 2013, les perspectives sont aussi mauvaises. Le scénario de l’Insee aboutit à ce que « l’acquis de croissance » (ici la définition) ne dépasse pas 0,1 % à la fin du mois de juin. Or, le gouvernement a construit tout son budget de 2013 sur une hypothèse de croissance de 0,8 %. Pour que cet objectif soit tenu, il faudrait donc que la croissance accélère brutalement et atteigne des chiffres de l’ordre de 0,8 % au troisième trimestre et de 1,2 % au quatrième trimestre. Ce qui est proprement impensable.
Et c’est en cela que la prévision de l’Insee constitue, en creux, un double réquisitoire de la politique économique du gouvernement. Un réquisitoire parce que les chiffres de l’institut établissent que l’horizon économique ne s’améliore en rien et même que, en bien des aspects, il se dégrade, du fait de la politique d’austérité. Rien que de très logique ! Imposer de l’austérité renforcée (pour la politique budgétaire comme pour la politique salariale) à un pays en stagnation produit, de fait, un résultat qui n’a rien de surprenant : logiquement le pays se porte encore plus mal.
Mais du même coup, le gouvernement risque de se trouver pris au piège de sa propre politique. Car si la croissance stagne encore plus que prévu, les recettes fiscales vont encore plus se tarir et les objectifs annoncés de réduction des déficits publics (sous les 3 % du PIB pour 2013) et de dette publique ne seront pas atteints. Donc, il faudra encore un nouveau plan d’austérité. C’est, en somme, l’engrenage sans fin : encore et toujours plus d’austérité pour atteindre un objectif de réduction des déficits qui deviendra, de ce fait, de plus en plus… inaccessible !
Et dans ce scénario catastrophe, c’est la demande intérieure qui s’avère totalement déprimée. Comment pourrait-il en aller autrement ? L’Insee révèle en effet que le pouvoir d’achat des ménages enregistre l’une de ses chutes les plus spectaculaires de ces dernières années.
Les chiffres de l’Insee méritent d’être décryptés pour bien mesurer leur gravité. Selon le tableau synthétique de l’Insee que nous avons consulté plus haut, la tendance est mauvaise, mais pas dramatique. En baisse de – 0,2 % en 2012, le pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages, qui est l’indicateur le plus souvent évoqué dans le débat public, afficherait un acquis de croissance de + 0,1 % à la fin du premier semestre de 2013. En somme, on serait sur 18 mois sur une pente de croissance zéro du pouvoir d’achat.
Mais en fait, la tendance est autrement plus grave, car ces chiffres prennent en compte des évolutions démographiques qui contribuent à augmenter le nombre des ménages. Pour bien mesurer le « ressenti » des ménages, l’Insee fait donc d’autres mesures, qui neutralisent ces évolutions démographiques. Or, ces autres mesures sont autrement plus alarmistes. Le pouvoir d’achat par unité de consommation accuse ainsi en 2012 une baisse de non plus – 0,2 % mais de… – 0,8 % ! Par habitant, la baisse serait de – 0,7 % en 2013 et par ménage elle serait de – 1,2 %, précise encore l’Insee.
Au travers de ces chiffres, on mesure donc que le gouvernement socialiste a fait le choix d’une stratégie économique de traversée de crise très particulière : c’est le social qui sert de variable d’ajustement. La récente décision de ne pas accorder de « coup de pouce » au Smic au 1er juillet vient de le confirmer.
L’ajustement n’est d’ailleurs pas que salarial. La principale variable, c’est celle du chômage. Car, c’est sur ce front que les perspectives de l’Insee pour les six prochains mois sont dramatiques.
D’abord, l’Insee relève que « malgré le léger regain d’activité au troisième trimestre 2012, l’emploi dans les secteurs marchands non agricoles a nettement reculé (– 42 000) » pendant l’année en cours. Et il ajoute : « Avec la faiblesse de l’activité, la situation sur le marché de l’emploi continuerait de se détériorer d’ici mi-2013 : en moyenne, 40 000 postes par trimestre seraient supprimés à l’horizon de la prévision. »
Du même coup, le chômage enregistrerait une envolée toujours plus spectaculaire. Chiffres terribles ! Après une hausse de 226 000 du nombre des chômeurs en 2012 (au sens du Bureau international du travail), la déferlante se poursuivrait aussi violemment au cours du premier semestre de 2013, avec 109 000 nouveaux chômeurs.
Comme le met en évidence le tableau ci-dessus, la France est en passe de battre le record historique du taux chômage de 11,2 % de la population active qu’elle avait atteint dans le courant de l’année 1997. Après avoir atteint un point bas à 7,7 % au deuxième trimestre de 2008, ce taux de chômage (y compris Dom-Tom) est reparti vertigineusement à la hausse. Et selon l’Insee, il pourrait culminer à 10,5 % fin décembre 2012 avant d’atteindre 10,9 % à fin juin 2013. Soit tout près du sinistre record de 1997.
Et que fait le gouvernement pour amortir ce séisme social ? Rien. Il y a eu un « choc de compétitivité » en faveur des entreprises, mais pas de... « choc social » ! Et le gouvernement aura beau dire que les 20 milliards d’euros apportés aux entreprises auront de bénéfiques retombées, il n’est pas interdit d’en douter : comme le crédit d’impôt ne sera assorti d’aucune condition, ces sommes fabuleuses pourront tout autant venir gonfler les dividendes des actionnaires.
Pour ceux qui veulent prolonger cette lecture, voici ci-dessous cette « Note de conjoncture » dans sa version intégrale :