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23 janvier 2014 4 23 /01 /janvier /2014 17:00

 

Source : www.mediapart.fr

 

Kiev s'embrase après la mort de plusieurs manifestants

|  Par François Bonnet

 

 

Plusieurs manifestants ont trouvé la mort et des centaines ont été blessés mercredi, lorsque les forces spéciales ont donné l'assaut. Cette escalade du régime dans la répression a provoqué de nombreux affrontements dans la capitale. L'Europe assiste, impuissante et quasi muette, à une deuxième révolution en Ukraine.

Comme redouté, l'Ukraine a basculé dans la violence mercredi. Dès le matin, les forces spéciales ont donné l'assaut en plusieurs lieux de Kiev, la capitale, occupés pour certains d'entre eux depuis deux mois par les manifestants. Au moins deux manifestants venaient d'être tués par balles lors d'affrontements dans la nuit de mardi à mercredi. Mais le bilan devait ensuite s'alourdir vu la violence des affrontements. Mercredi soir, le centre médical du mouvement EuroMaïdan livrait un bilan de la journée: cinq personnes tuées et au moins trois cents blessées. Il s'agit des premiers morts depuis le début des mouvements de protestation, en novembre dernier, et même depuis l'indépendance de l'Ukraine en 1991. La révolution orange, en 2004, n'avait fait aucune victime.

Cette escalade dans la répression a été voulue par le régime de Viktor Ianoukovitch. La veille, le président ukrainien avait fait publier au Journal officiel des lois adoptées le 16 janvier et qui limitent drastiquement le droit à manifester, tout en menaçant de peines de prison ferme les participants à des rassemblements interdits. Dans le même temps, le ministère de l'intérieur donnait l'ordre aux forces spéciales de riposter « avec fermeté » à toute « atteinte à la sécurité de l'État ».

C'est en s'appuyant sur ces nouvelles lois que le ministère de l'intérieur a justifié les assauts lancés contre les manifestants et visant à démanteler les barricades qui entourent la place de l'Indépendance. « Vous commettez une grave violation de la loi » ; « Le ministère de l'intérieur vous demande de cesser vos actions» : ces deux messages étaient diffusés par haut-parleurs dans le centre-ville, tandis qu'ils étaient également envoyés par texto aux manifestants, laissant penser que le régime en avait donné l'ordre aux opérateurs téléphoniques. Police et forces spéciales, qui utilisaient jusqu'alors des balles en caoutchouc, des gaz et des grenades assourdissantes, auraient cette fois tiré à balles réelles, selon les témoignages de plusieurs manifestants, ce que le ministère de l'intérieur dément.

Le coordonnateur du centre médical d'EuroMaïdan, Oleg Mousii, a assuré qu'il était « impossible » que les deux manifestants aient été tués par des balles en caoutchouc, signifiant qu'il s'agissait bien de tirs à balles réelles. Selon le quotidien Ukrainska Pravda, quatre des cinq personnes tuées avaient des blessures par balles. Le premier manifestant qui a été tué a été identifié : il s'agit de Sergueï Nigoyan, 20 ans, figure connue du mouvement EuroMaïdan. Depuis le 8 décembre, il campait et participait à l'occupation de la place de l'Indépendance à Kiev. Dans la vidéo ci-dessous, il s'expliquait sur les raisons de son activisme : 

 

 

Les assauts des forces de l'ordre ont visé les principales barricades érigées près du stade Dynamo et dans les rues proches de la place de l'Indépendance, en particulier la rue Grouchevski qui mène aux bâtiments du gouvernement et du Parlement. Dès mercredi matin, apprenant le bilan des affrontements de la nuit, plusieurs milliers de personnes ont afflué dans le centre-ville et les affrontements ont repris de plus belle. Ils se poursuivaient en début de soirée, transformant une partie du centre de la capitale en champ de bataille, alors que les blessés seraient au nombre de 300 pour cette seule journée de mercredi. Ci-dessous, une vidéo des affrontements, mercredi:

 

 

 

Près de la place de l'Indépendance, des manifestants attaquent au cocktail Molotov les forces spéciales. 
Près de la place de l'Indépendance, des manifestants attaquent au cocktail Molotov les forces spéciales. © (dr)

Dans le centre de Kiev, mercredi après-midi. 
Dans le centre de Kiev, mercredi après-midi. © (dr)

Dans la journée, des comités locaux EuroMaïdan ont organisé des rassemblements dans plusieurs villes du pays, en particulier à Lviv, dans l'ouest du pays, où les locaux du parti de Ianoukovitch auraient été pris d'assaut. L'annonce de la mort de plusieurs manifestants n'a pas seulement fait redoubler les violences à Kiev. Le président Viktor Ianoukovitch s'est décidé à recevoir les dirigeants des trois principaux partis d'opposition, ce qu'il refusait de faire la veille ayant seulement nommé un comité chargé de rencontrer l'opposition. La réunion a duré plus de trois heures sans être suivie d'annonces, la présidence se contentant d'un communiqué de quelques lignes (le communiqué de la présidence).

En revanche, les leaders de l'opposition ont appelé à de nouvelles mobilisations. Si Ianoukovitch ne fait pas de concessions, «nous allons passer à l'offensive», a ainsi affirmé Vitali Klitschko, cet ancien champion du monde de boxe poids lourd qui dirige la parti Udar. Il estime que Ianoukovitch pourrait mettre fin à la crise s'il acceptait de provoquer des élections anticipées, l'élection présidentielle étant prévue en 2015. Arseni Iatseniouk, proche de l’ancienne première ministre emprisonnée Ioulia Timochenko, a donné «vingt-quatre heures» au pouvoir pour éviter un «bain de sang». «Il y a deux solutions : faire cesser le bain de sang et maintenir en vie tous ceux qui sont sur Maïdan», a-t-il déclaré.

«La raison première de ce qui s’est passé mercredi, c’est l’abandon du chemin vers l’Europe et l’adoption de lois répressives», a déclaré le ministre polonais des affaires étrangères Radoslaw Sikorski, qui a dénoncé «la kleptocratie et la répression». La Pologne avait été en pointe dans la négociation du projet de partenariat entre l'Ukraine et l'Europe, projet rejeté en novembre par le président Ianoukovitch. De son côté, la Russie a dénoncé des «ingérences étrangères» et une opposition «extrémiste» qui viole, selon elle, la Constitution.

Ci-dessous, une vidéo faite mercredi par le journaliste polonais Pavel Bobolowicz derrière la barricade de la rue Grouchevski:

 

 

Ci-dessous, une vidéo montrant les humiliations et violences que les forces spéciales font subier à certains manifestants arrêtés:

 

 

Dès lundi, l'appel à l'Europe

« Nous avons besoin de votre aide ! » Lundi soir, après presque deux jours d’affrontements avec la police, quelques centaines de manifestants s'étaient rendus devant l’immeuble de la délégation de l’Union européenne, à Kiev. Appels à l'aide, banderoles, slogans. « Pas de sanctions, pas de paix ! » criaient les manifestants demandant aux gouvernements européens de prendre des mesures de rétorsion contre le régime ukrainien : par exemple, geler les avoirs bancaires et priver de visas un certain nombre de dirigeants et les oligarques/hommes d'affaires qui les soutiennent.

 

Lundi 20 janvier, une manifestante devant la représentation de l'Union européenne à Kiev. 
Lundi 20 janvier, une manifestante devant la représentation de l'Union européenne à Kiev. © (dr)

Depuis deux mois, date de la première immense manifestation à Kiev (le 21 novembre 2013), l'Europe assiste, impuissante et presque muette, à la deuxième révolution ukrainienne depuis l'effondrement de l'URSS. Car c'est bien d'une révolution qu'il s'agit tant son issue peut déterminer pour longtemps l'avenir du pays. C'est ce que résume Valérii Chalii, l'un des responsables du centre d'études Razoumkov, interrogé par Associated Press : « La réaction de la communauté internationale est inadéquate. C'est de l'indépendance de l'Ukraine dont il s'agit. Si on ne comprend pas cela aujourd'hui, demain il sera trop tard. »

Depuis novembre, une large partie de la population ukrainienne en appelle à l'Europe. Et pas seulement dans les régions de l'ouest, traditionnellement ouvertes à l'Europe centrale et qui avaient soutenu la révolution orange en 2004. Mais aussi dans cette Ukraine de l'est, beaucoup plus russophone et qui avait voté en masse pour le président Viktor Ianoukovitch lors de son élection en 2010. Cette fois, des manifestations se sont tenues dans tout le pays et les fiefs électoraux du régime ne sont plus épargnés par les protestations.

Le choix soudain de Ianoukovitch de tourner le dos à l'Europe en refusant de signer un accord d'association et de libre-échange avec l'Europe, pourtant négocié depuis des années, a fait brutalement basculer l'Ukraine dans un autre univers : le pays est désormais sous tutelle russe. D'abord parce que les dirigeants de Kiev reconnaissent aujourd'hui  que leur revirement européen a été le fruit de très fortes pressions faites par Moscou. Ensuite parce que ce revirement s'est accompagné d'un alignement jusqu'à la caricature sur les méthodes utilisées par Vladimir Poutine.

 

Capture d'écran de la télévision Espresso qui suit les événements de Kiev sous le titre « Révolution ». 
Capture d'écran de la télévision Espresso qui suit les événements de Kiev sous le titre « Révolution ».

Il n'y a pas eu seulement les 15 milliards de dollars aussitôt débloqués par Moscou ainsi qu'une baisse immédiate des prix du gaz russe livré à Kiev, dans des proportions jamais obtenues précédemment par l'Ukraine. Viktor Ianoukovitch, au terme de plusieurs rencontres avec Vladimir Poutine – et d'échanges entre services de sécurité des deux pays –, a fait adopter en urgence un « paquet législatif », dénoncé comme liberticide par toutes les ONG et la totalité des responsables européens. C'est l'adoption de ces lois, le 16 janvier, leur promulgation et leur entrée en vigueur ce mardi 21 janvier, qui ont provoqué les nouvelles manifestations de dimanche, à Kiev et dans plusieurs villes du pays, manifestations qui ont depuis dégénéré en de très violents affrontements dans le centre de la capitale ukrainienne.

Comme en Russie, les associations et ONG bénéficiant de financements étrangers (ce qui est le cas de l'immense majorité) devront se faire enregistrer comme « agents de l'étranger ». Comme en Russie, la participation à des manifestations interdites sera passible de peines de prison ferme pouvant atteindre 5 à 10 ans. Comme en Russie, les poursuites contre les médias seront plus faciles, les notions de « crimes contre l'État » ou « troubles à l'ordre public » fortement élargies. Enfin, les policiers sont autorisés à intervenir contre tout groupe de personnes ou cortège de « plus de cinq voitures ». Cela a d'abord beaucoup fait rire à Kiev, où les cortèges de mariés aiment sillonner la ville. Puis, près de deux cent mille personnes ont à nouveau occupé la place de l'Indépendance, dimanche, demandant la démission du gouvernement, celle du président Ianoukovitch et de nouvelles élections.

Des violences prévisibles

Dès lundi, devant l'ampleur inattendue de ce nouveau soulèvement, les responsables européens ont appelé le régime à abandonner ces lois répressives et à organiser au plus vite « un dialogue politique » (lire ici un communiqué des 28 ministres des affaires étrangères de l'UE). Aimables banalités européennes, alors que depuis des semaines, les leaders de l'opposition avertissent qu'ils ont un mal grandissant à contenir les foules qui manifestent…

 

Les forces anti-émeutes ont été attaquées au coktail Molotov par des manifestants, lundi soir à Kiev. 
Les forces anti-émeutes ont été attaquées au coktail Molotov par des manifestants, lundi soir à Kiev. © (dr)

Les violences de dimanche, qui ont repris lundi et se poursuivaient de manière plus sporadique ce mardi, n'avaient pourtant rien d'imprévisible. La désorganisation profonde des trois principaux partis d'opposition, et leurs rivalités, laissent les manifestants dans un face-à-face direct avec le régime qui a choisi depuis un mois de durcir ses positions. Ainsi, toutes les amorces de dialogue politique débutées en novembre ont systématiquement échoué, les responsables du pouvoir se partageant les rôles et tentant d'aviver les désaccords dans l'opposition. Il y eut aussi, le 25 décembre, un tabassage qui a failli laisser pour morte la journaliste Tetiana Chornovil, célèbre pour ses enquêtes contre la corruption. L'idée du « clan » Ianoukovitch est de verrouiller le paysage politique pour ensuite arroser ses clientèles électorales de l'argent venu de Moscou et préparer ainsi l'élection présidentielle de 2015.

Face au régime, la radicalisation du mouvement de protestation était particulièrement visible lundi, quand l'un des leaders les plus populaires de l'opposition, l'ancien champion du monde de boxe Vitali Klitschko, a tenté de s'interposer entre manifestants pressés d'en découdre et forces anti-émeutes. Arrosé à l'extincteur par des manifestants, il n'a pu que constater que des milliers de personnes observaient sans déplaisir – quand elles ne prêtaient pas la main – un groupe de radicaux attaquer au cocktail Molotov les forces de l'ordre, obligeant ces dernières à un retrait précipité. Voir ci-dessous la vidéo :

 


 

Cette violence est aussi la conséquence des innombrables provocations organisées par le régime depuis le mois de novembre. Lundi soir, le service d'ordre des manifestants EuroMaïdan a arrêté une douzaine de jeunes casseurs suspectés d'être payés par les proches du gouvernement. Les manifestants ont alors organisé un interrogatoire public, dans le bâtiment des syndicats occupé depuis plusieurs jours, interrogatoire relayé par de nombreuses télévisions sur Internet. Âgés de 16 à 18 ans, certains d'entre eux ont reconnu qu'ils devaient être payés quelques dizaines d'euros pour casser voitures, autobus et vitrines de magasins. Au même moment, dans la nuit de lundi à mardi, une rumeur se propageait place de l'Indépendance faisant état d'une décision du ministre de l'intérieur d'autoriser le tir à balles réelles…

C'est dans un tel climat propice à des violences décuplées – « Nous allons vers une guerre civile », disait Arsenii Iatseniouk, un autre leader de l'opposition, proche de l'ancienne première ministre Ioulia Timochenko, toujours emprisonnée – qu'un semblant de discussion a semblé s'amorcer mardi. Le président Ianoukovitch a désigné une commission chargée de discuter avec les leaders d'opposition, Vitali Klitschko rencontrait le responsable du conseil national de sécurité. Arsenii Iatseniouk adressait une lettre à ce dernier demandant la démission du gouvernement et le retrait des lois liberticides.

Dans ce contexte explosif, le ministre suédois des affaires étrangères, Carl Bildt, a été le premier, lundi, à brandir la menace de sanctions contre le régime. « L'Europe doit commencer à réfléchir à des mesures efficaces contre les acteurs corrompus qui sont à la manœuvre dans les recoins obscurs de la politique ukrainienne », estime-t-il (lire ici). Les groupes mafieux et oligarques troubles qui gravitent autour du président sont directement visés. Mais le Suédois s'est retrouvé bien seul, tant les dirigeants européens sont divisés. La France, en particulier, ne veut pas entendre parler de sanctions et a fait profil bas depuis novembre dernier, estimant que sa relation avec la Russie doit l'emporter sur le reste.

En fin de compte, l'Union européenne a décidé d'un service minimum. Un commissaire européen, Stefan Fuele, se rendra vendredi à Kiev « pour discuter de la situation ». L'Europe admet ainsi être sans prise et sans volonté face au mouvement démocratique qui s'exprime en Ukraine sur la base de deux revendications : un État de droit pour lutter contre une corruption généralisée ; des élections pluralistes et sincères.

Loin de la place de l'Indépendance à Kiev, qui focalise les attentions, d'innombrables mouvements et initiatives se sont développés ces dernières semaines dans le pays : débats, rassemblements, piquets devant les domiciles des responsables, blocus routiers… « Beaucoup l’appellent déjà “la révolution de la dignité” ou “la révolution de la conscience”. Il s’agit de changer son mode de fonctionnement intérieur, de faire appel à son inventivité quand tous les recours traditionnels sont épuisés », note Annie Daubenton, spécialiste de l'Ukraine (lire son blog ici). C'est à cette révolution de la dignité que l'Europe a renoncé à s'intéresser.

Source : www.mediapart.fr

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