LE MONDE | 05.05.2012 à 14h23 • Mis à jour le 05.05.2012 à 14h23
Par Anne Michel
C'est une question pour le prochain ministre des finances : faut-il laisser les banques organiser la disparition du chèque, gratuit et populaire, mais qui leur coûte 2,5 milliards d'euros par an, en contrepartie de leur engagement à offrir de nouveaux modes de paiement pratiques, sécurisés, et, promettent-elles, peu onéreux (sur Internet, sans contact) ?
La question de la mort du chèque est posée dans un rapport sur "l'avenir des moyens de paiement en France", qui vient d'être remis à l'actuel locataire de Bercy, François Baroin, par Emmanuel Constans, président du Comité consultatif du secteur financier (le CCSF, une instance qui réunit banques, consommateurs et entreprises), et Georges Pauget, ex-patron du Crédit agricole.
Cette interrogation est loin d'être anodine puisque, particularité au sein de l'Union européenne, le chèque résiste en France face à la carte bancaire. Il représente encore 10 % du total des paiements dans l'Hexagone, et même 18 % si l'on exclut les espèces. Il en circule 3 milliards par an. Faute de pouvoir se positionner, dans l'incertitude de la présidentielle, M. Baroin a préféré publier le rapport, mercredi 25 avril.
DES ASSOCIATIONS MÉFIANTES
Ses auteurs souhaitent aller vite. Ils l'ont inscrit à l'ordre du jour du CCSF prévu le 10 mai. L'objectif de MM. Constans et Pauget est de réunir, dès l'automne, des "Assises du paiement", sous l'égide des pouvoirs publics, afin d'élaborer un plan d'action pour un nouveau modèle économique des paiements. Ils préconisent de réduire de moitié le nombre de chèques émis en France, dans les cinq ans à venir. Les gains réalisés seraient réinvestis dans l'innovation.
"Tout le monde y a intérêt, estime M. Constans. La pression à la baisse des commissions exercée par les autorités de la concurrence et les nouveaux acteurs (banques directes et commerces) doit conduire les banques à concevoir de nouveaux moyens de paiement de masse et de qualité, interbancaires (utilisables partout)".
Selon le président du CCSF, les moyens de paiement sont de moins en moins rentables pour les banques. Les espèces leur coûteraient chaque année 2,6 milliards d'euros. Les marges sur les cartes, virements et prélèvements (3,3 milliards d'euros par an) se réduiraient. Selon lui, les commissions interbancaires sur les cartes bancaires seraient inférieures d'un tiers en France par rapport aux Etats-Unis. "Le développement de technologies sûres, pour payer sur Internet à l'étranger, régler de petites sommes par carte dans le commerce ou payer des factures par portable, va coûter cher", ajoute M. Constans.
Les associations de consommateurs sont circonspectes. Elles savent gré aux banques d'avoir maintenu le chèque gratuit, en dépit de la liberté, depuis 2005, d'en facturer le coût de traitement. Mais elles les soupçonnent de vouloir tuer le chèque pour lui substituer des moyens de paiement payants. Si ce rapport est appliqué, avertit l'UFC-Que Choisir, il faudra "une alternative gratuite au chèque, pour le quotidien".
Anne Michel