L’huile de palme vous en avez entendu parler, c’est certain. Il y a plus de deux ans, mes amis ne savaient pas ce que c’était et en consommaient sans le savoir. Que l’on puisse par notre consommation cautionner sans le savoir des faits qui nous posent des problèmes éthiques, c’est fâcheux. C’est ce qui m’a poussé à passer un an sans huile de palme.
Un sacerdoce coûteux ? Non une riche année jubilatoire ! Si vous pensez que vous ne consommez pas d’huile de palme, vous vous trompez très certainement, si vous pensez que s’en passer est compliqué, vous vous trompez aussi.
Un produit qui peut se cacher partout
Commençons par le début. L’huile de palme est une graisse semi-solide très appréciée des industriels pour de nombreuses raisons techniques et financières. Remplaçant les graisses solides, elle est présente dans les biscuits salés et sucrés, les apéritifs, les pâtes à tartes, les margarines. Résistante à la cuisson elle se retrouve dans des produits frits mais donne aussi du fondant dans les chocolats fourrés par exemple.
Oui, l’huile de palme vous ne l’utilisez que rarement vous-même, mais elle se retrouve largement dans des produits transformés. Elle se cache même parfois dans des produits surprenants comme dans des faux fromages sur des pizzas, dans des raisins secs, ou même comme agent troublant pour une boisson gazeuse à 0%. Eh oui. Mais alors, plus de chips, plus de bretzels ni de pizzas ? Non, c’est le premier point important. L’huile de palme se trouve dans beaucoup de produits, mais beaucoup d’autres n’en contiennent pas.
Souvent cachée dans les produits alimentaires sous la mention ‘huile végétale’, il suffit de demander gentiment aux industriels s’il s’agit d’huile de palme ou non. Courriel ou téléphone, ça se passe en général très bien.
Deuxième point important, ne partons pas avec un a priori : une même marque peut proposer des produits avec huile de palme et d’autres sans. Quel que soit le prix ou la gamme (bio ou non), il n’y a que la liste d’ingrédients et les précisions éventuelles qui comptent.
En parlant des prix, j’ai fait le test : mes repas me reviennent à moins de 3 €. Les préparer me prend en moyenne moins de dix minutes, et j’ai testé avec succès les courses pour une semaine avec des produits hard-discount sans huile de palme. Mais c’est encore mieux d’aller plus loin : j’allie le pas trop cher au local en passant par une AMAP, je cuisine maison, mais en grande quantité pour ne pas passer tous les jours des heures à cuisiner.
Gare à l’émulsifiant E 471
L’huile de palme sous forme d’huile représente environ la moitié de notre consommation de ce produit en Europe. Ca devient très fun de dénicher sous quelles formes se cache l’autre moitié. Du fruit du palmier on retire l’huile de palme (issue de la chair) et l’huile palmiste (issue du noyau). De la transformation de ces deux huiles, exactement comme le pétrole, on peut créer d’autres produits. Mon exemple favori : l’E471 ou mono- et di-glycérides d’acides gras, utilisé pour donner plus de moelleux et des croûtes sans cloques aux pains, ou encore pour obtenir des glaces légères.
Cet E471 est un émulsifiant (un additif alimentaire) fabriqué grâce à la transformation d’huiles par réactions chimiques, ce n’est donc plus une huile ! Sous son petit nom, comme sous la mention huile végétale, ne transparait aucun indice de la présence d’huile de palme. Certains industriels utilisent de l’E471 fait uniquement à partir de colza, d’autres à partir de palme, d’autres encore à partir de mélanges. Une glace sans huile de palme peut donc contenir de l’E471 « palmé », et ainsi être classée sans huile de palme avec dérivé : troisième chose importante.
Mais les huiles de palme et palmiste peuvent également être utilisées, après transformation, dans des produits non alimentaires tels les déodorants (distearamonium hectorite, etc.), les savons (sodium palmitate, laurylsulfate sodium, etc.), les lessives et produits pour machine à laver (agents tensioactifs, etc.), les crèmes (cetyl alcoolh, etc.).
En fait il existe près de 150 noms de dérivés issus de l’huile de palme. Pas besoin de les apprendre par-cœur, des mots clefs existent pour la plupart d’entre eux. Ceux contentant les mots ‘palm’, ‘stear’, ‘lauryl’ par exemple. Comme les mentions ‘huile végétale’ ou ‘E471’, ces noms sont des indices de présence possible d’huile de palme car ces composés peuvent avoir des origines différentes. Il faut donc demander aux industriels l’origine exacte du produit, quand ils le savent !
Je vous épargnerai la présence d’huile de palme ou dérivés sous forme de résidus de pressage pour l’alimentation animale ou dans les carburants de nos diesels (deux cuillerées à soupe par plein environ).
Un bilan carbone pire que le diesel
Le palmier à huile est actuellement produit à 90% en Malaisie et en Indonésie où il est un acteur majeur de la déforestation. Le palmier est responsable de la moitié des déforestations pour les cultures en Indonésie et de près de 80 % de la déforestation totale en Malaise. Je me servirai de cet exemple pour pointer un quatrième point important : l’impact social et écologique.
En théorie, la quantité de CO2 émise par la combustion d’huile de palme en tant que biocarburant est compensée par la quantité de CO2 captée par le palmier à huile lors de sa croissance. Au final le bilan est neutre, c’est écologique.
En réalité, environ la moitié des nouvelles palmeraies implantées ces vingt dernières années l’ont été sur des forêts, dont des forêts tourbeuses. Ces forêts qui ont accumulé du carbone dans leur sol en rejettent des quantités monstrueuses une fois coupées. Au final, l’huile de palme a un bilan carbone pire que le diesel issu du pétrole, même si toutes les palmeraies ne sont pas à l’origine de déforestation.
Pour paraphraser Otis, il n’existe de pas de bonne ou de mauvaise situation mais chaque cas peut être différent. Pour juger de l’impact d’un produit il faut tout prendre en compte, et de manière honnête : le rendement en huile (en n’oubliant pas que le tournesol ou le colza sont des sources plus importantes de protéines pour l’alimentation des animaux que la palme), le social (en ne confondant pas les petits planteurs indépendants et ceux rattachés aux plantations géantes), les besoins en huile des habitants futurs de la planète (en n’oubliant pas qu’il y a assez de terres déjà dégradées pour accueillir de nouvelles palmeraies, plutôt que de grignoter les forêts de Bornéo), etc.
Fort heureusement toutes les palmeraies ne sont pas implantées sur d’anciennes forêts et il existe de belles histoires avec l’huile de palme. Difficile alors, pour le consommateur qui ne voit pas d’inconvénient à consommer un produit contenant de l’huile de palme dont la production n’a pas engendré de conflits sociaux ou écologiques, de s’en sortir lorsqu’aucune traçabilité correcte n’existe. Je ne prône pas le remplacement frénétique de l’huile de palme par d’autres huiles, mais d’arriver à obtenir un produit final ayant un impact global le plus positif possible.
C’était mon dernier point important. Ainsi, j’ai pris cette traque à l’huile de palme comme un excellent fil rouge pour aller au-delà de cette seule problématique. Par exemple, dans les produits issus de déforestation que l’Europe importe, l’huile de palme occupe la deuxième position (environ 12%), derrière le soja qui représente environ 60% de notre déforestation importée.
Ces questionnements valent aussi bien pour l’aspect marketing des produits que pour l’impact d’autres denrées et produits. C’est un processus long mais intéressant, complexe mais pas compliqué. C’est quand même mieux de savoir comment les choses sont faites ! Chacun a des objectifs, des exigences et des contraintes différentes. Le but n’est pas de faire les choses parfaitement, de manière intransigeante, mais d’au moins chercher à savoir et de faire ensuite ses choix en conscience.
Complément d’info :
Vrai Faux sur l’huile de palme
L’huile de palme se cache sous ces noms
Un petit tour en supermarché, lien, lien.