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Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes

Israël-Palestine : le grand désintérêt américain

 

C’est triste à constater, surtout au moment où la bande de Gaza résonne de nouveau des bruits de guerre (lire les dernières informations ici), mais le commentaire le plus réaliste sur l’implication des États-Unis dans la recherche d’un compromis entre Israéliens et Palestiniens est venu de l’adversaire défait à la présidentielle américaine, Mitt Romney. Dans la fameuse vidéo cachée où il estimait que 47 % des Américains ne voteraient pas pour lui car ils étaient des « profiteurs », il déclarait également : « Nous espérons un certain niveau de stabilité, mais il faut reconnaître que cela restera un problème non résolu. Nous connaissons cela avec la Chine et Taïwan. Bien sûr la situation reste tendue, mais nous vivons avec… Et nous remettons la résolution du problème à demain en espérant qu’au final, d’une manière ou d’une autre, quelque chose se produira qui le résoudra. »

Pour l’homme qui se présentait comme le leader qu’Obama n’était soi-disant pas, cet aveu d’impuissance, voire cette revendication de désintérêt, représente le signe que l’ère des grands discours sur la paix prochaine dans le conflit israélo-palestinien est aujourd’hui enterrée. Car ce point de vue n’est pas seulement la parole privée d’un candidat conservateur : il est celui de l’administration Obama et de la plupart des dirigeants et analystes du Proche-Orient. En dépit des exhortations publiques et des professions de foi, l’heure est à la résignation. 


Obama reçoit Netanyahou, Moubarak et Abbas à la Maison-Blanche le 1er septembre 2010. 
Obama reçoit Netanyahou, Moubarak et Abbas à la Maison-Blanche le 1er septembre 2010.© Pete Souza/Maison-Blanche

 

Lorsqu’il est arrivé au pouvoir début 2009, Barack Obama semblait avoir appris des erreurs de ses deux prédécesseurs : ne pas tenter de faire la paix au dernier moment de son mandat, quand on n’a plus de capital politique (façon Clinton), ne pas appuyer trop fortement Israël, qui n’a alors plus d’incitation à faire des concessions (façon Bush), ne pas s’engager plus que ce que l’on est prêt à tenir (les deux). C’était en tout cas ce qu’il disait avoir compris. Ainsi, dès le deuxième jour de son mandat, il nommait l’ancien sénateur George Mitchell pour lui servir d’émissaire dans la région et, très vite, Hillary Clinton au Département d’État comme Joe Biden à la vice-présidence faisaient savoir au premier ministre israélien qu’il fallait appliquer le gel des colonies.

Cependant, tout aussi vite, l’engagement Obama est retombé dans les mêmes impasses qu’auparavant : « navette » improductive de son émissaire, baladé d’un camp à l’autre, intransigeance israélienne accrue (avec l’arrive de Benyamin Netanyahou au pouvoir en mars 2009), poids du lobby israélien à Washington, divisions palestiniennes entre Hamas et Fatah. De plus la situation internationale s’est vite focalisée sur d’autres tensions qui ont fait passer le conflit israélo-palestinien au second plan : le nucléaire iranien, puis les révolutions arabes.

Ces deux derniers « fronts » géopolitiques ont également montré qu’il existe d’autres enjeux au Moyen-Orient, sur lesquels les États-Unis peuvent peser sans que le conflit premier ne s’aggrave. « C’est un peu comme le parent d’un enfant très turbulent, qui découvre qu’en son absence, sa progéniture ne s’est pas assagie, mais n’a pas mis le feu à la maison non plus », ose un diplomate américain en poste en Europe. Les Américains ont également pris note du fait que la question palestinienne n’avait pas du tout été au cœur des révoltes arabes, et que la mort de Ben Laden avait éliminé un outil de propagande, certes hypocrite, mais influent. Quant aux populations israéliennes et palestiniennes en Cisjordanie, elles ont en partie baissé les bras ou se désintéressent des initiatives et impasses diplomatiques.

Un second mandat aux États-Unis est rarement l’occasion d’initiatives audacieuses

Ainsi, Obama a eu beau déclarer à une chaîne de télévision américaine que le plus gros échec personnel de son premier mandat avait été « de ne pas avoir été capable de faire avancer le processus de paix au Moyen-Orient comme je l’entendais », il y a peu de chance que cela soit une priorité de son second mandat. Au lendemain de la réélection du président américain, les analystes et éditorialistes, dressant leurs « liste de vœux » pour la politique étrangère dans le cadre d’un second mandat, ont relégué bien bas la solution du conflit israélo-palestinien.

« Il ne faut pas se le cacher : Obama a une très mauvaise relation avec Netanyahou et si celui-ci est réélu en janvier, les choses resteront en l’état », explique le professeur d’histoire nord-américaine Jacques Portes. « Obama a découvert qu’il y avait plus de coup à prendre en intervenant dans ce conflit que de médailles à récolter », poursuit en privé un diplomate français qui a passé ces dernières années aux États-Unis. « Y compris de coups à prendre venant de ceux que les États-Unis considèrent comme leur allié, Israël. Netanyahou a littéralement fait campagne contre Obama sur le sol américain ! » Avec un succès relatif, faut-il ajouter, puisque Romney a été défait et que les juifs américains ont voté, comme d’habitude, massivement pour les démocrates.

Contrairement ce que l’on dit souvent, un second mandat aux États-Unis est rarement l’occasion d’initiatives audacieuses. C’est davantage la tentative de bâtir un héritage, une réputation pour l’Histoire. Or c’est sur les affaires domestiques qu’Obama a jusqu’ici imprimé sa marque, et c’est sur ce terrain qu’il essaiera de construire sa statue. « En matière de politique étrangère, un geste à l’égard de l’Iran ou l’accompagnement des démocraties arabes émergentes offrent des perspectives plus alléchantes que de remettre le doigt dans le conflit israélo-palestinien », estime le diplomate américain, qui parle à titre personnel.

Ce qui se passe en ce moment à Gaza est-il susceptible de faire sortir les États-Unis de leur réserve ? À moins d’un embrasement général, ce n’est guère probable. Cette situation se joue évidemment au détriment des Palestiniens. Mais, à vouloir congeler ce conflit, ou à l’écarter de ses sens comme les trois petits singes, les États-Unis – et le reste de la communauté internationale – vont devoir faire face à des questions auxquelles il est difficile de répondre. C’est le spécialiste américain des relations internationales Stephen Walt qui les pose le mieux : « Si la solution “Deux États pour deux peuples” est abandonnée, que se passe-t-il ? Abandonnons-nous le principe “une personne, une voix” et entérinons-nous l’apartheid ? Abandonnons-nous notre engagement à l’égard d’un État juif en soutenant un État démocratique pour tous les habitants d’Israël et de Palestine ? Ou encourageons-nous discrètement le nettoyage ethnique ? »


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