C’est triste à constater, surtout au moment où la bande de Gaza résonne de nouveau des bruits de guerre (lire les dernières informations ici), mais le commentaire le plus réaliste sur l’implication des États-Unis dans la recherche d’un compromis entre Israéliens et Palestiniens est venu de l’adversaire défait à la présidentielle américaine, Mitt Romney. Dans la fameuse vidéo cachée où il estimait que 47 % des Américains ne voteraient pas pour lui car ils étaient des « profiteurs », il déclarait également : « Nous espérons un certain niveau de stabilité, mais il faut reconnaître que cela restera un problème non résolu. Nous connaissons cela avec la Chine et Taïwan. Bien sûr la situation reste tendue, mais nous vivons avec… Et nous remettons la résolution du problème à demain en espérant qu’au final, d’une manière ou d’une autre, quelque chose se produira qui le résoudra. »
Pour l’homme qui se présentait comme le leader qu’Obama n’était soi-disant pas, cet aveu d’impuissance, voire cette revendication de désintérêt, représente le signe que l’ère des grands discours sur la paix prochaine dans le conflit israélo-palestinien est aujourd’hui enterrée. Car ce point de vue n’est pas seulement la parole privée d’un candidat conservateur : il est celui de l’administration Obama et de la plupart des dirigeants et analystes du Proche-Orient. En dépit des exhortations publiques et des professions de foi, l’heure est à la résignation.
Lorsqu’il est arrivé au pouvoir début 2009, Barack Obama semblait avoir appris des erreurs de ses deux prédécesseurs : ne pas tenter de faire la paix au dernier moment de son mandat, quand on n’a plus de capital politique (façon Clinton), ne pas appuyer trop fortement Israël, qui n’a alors plus d’incitation à faire des concessions (façon Bush), ne pas s’engager plus que ce que l’on est prêt à tenir (les deux). C’était en tout cas ce qu’il disait avoir compris. Ainsi, dès le deuxième jour de son mandat, il nommait l’ancien sénateur George Mitchell pour lui servir d’émissaire dans la région et, très vite, Hillary Clinton au Département d’État comme Joe Biden à la vice-présidence faisaient savoir au premier ministre israélien qu’il fallait appliquer le gel des colonies.
Cependant, tout aussi vite, l’engagement Obama est retombé dans les mêmes impasses qu’auparavant : « navette » improductive de son émissaire, baladé d’un camp à l’autre, intransigeance israélienne accrue (avec l’arrive de Benyamin Netanyahou au pouvoir en mars 2009), poids du lobby israélien à Washington, divisions palestiniennes entre Hamas et Fatah. De plus la situation internationale s’est vite focalisée sur d’autres tensions qui ont fait passer le conflit israélo-palestinien au second plan : le nucléaire iranien, puis les révolutions arabes.
Ces deux derniers « fronts » géopolitiques ont également montré qu’il existe d’autres enjeux au Moyen-Orient, sur lesquels les États-Unis peuvent peser sans que le conflit premier ne s’aggrave. « C’est un peu comme le parent d’un enfant très turbulent, qui découvre qu’en son absence, sa progéniture ne s’est pas assagie, mais n’a pas mis le feu à la maison non plus », ose un diplomate américain en poste en Europe. Les Américains ont également pris note du fait que la question palestinienne n’avait pas du tout été au cœur des révoltes arabes, et que la mort de Ben Laden avait éliminé un outil de propagande, certes hypocrite, mais influent. Quant aux populations israéliennes et palestiniennes en Cisjordanie, elles ont en partie baissé les bras ou se désintéressent des initiatives et impasses diplomatiques.