Deux journées "à marquer d'une pierre blanche", "un avant et un après"... Pour Manuel Domergue, porte-parole et membre fondateur de Jeudi noir, les déclarations de Cécile Duflot et Manuel Valls, lundi 9 et mardi 10 janvier, annoncent "une rupture avec la politique précédente." "Jusqu'à avant-hier, dit-il, on n'avait vu aucune différence entre la droite et la gauche sur la gestion des squats".
Pour expliquer ce soudain satisfecit, il y a d'abord eu la visite lundi de la ministre du logement au 2, rue de Valenciennes, dans le nord-est parisien, où un immeuble de 2 000 m2 a été "réquisitionné" par les associations Droit au logement (DAL) et Jeudi noir depuis le 29 décembre pour y installer une soixantaine de personnes, dont 14 familles et 25 enfants.
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Jugeant qu'il n'était "pas logique de garder" vides "des bâtiments de cette taille en plein cœur de Paris", Cécile Duflot s'est engagée à étudier la réquisition de ce bien appartenant, selon le DAL, à une société hollandaise domiciliée au Luxembourg. Pour Jeudi noir, "c'est la première fois depuis quinze ans" qu'un ministre du logement vient "soutenir les habitants d'un immeuble réquisitionné par leurs soins".
"Sous Sarkozy, ils auraient peut-être porté plainte ou poussé le propriétaire à le faire", reconnaît Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du DAL. "Quand Christine Boutin puis Benoist Apparu étaient au ministère, ils refusaient de dialoguer avec nous par principe", ajoute Manuel Domergue.
"NON MADAME, VOUS N'ÊTES PAS HORS-LA-LOI"
Autre motif de satisfaction : les déclarations du ministre de l'intérieur, mardi soir, sur le plateau du Grand Journal de Canal +. "Non madame, vous n'êtes pas hors-la-loi puisque le logement, c'est un droit inscrit dans la loi", a répondu Manuel Valls à une mère de famille mal-logée installée dans l'immeuble de bureaux de la rue de Valenciennes. "Cet immeuble ne sera pas évacué mais il faut en revanche trouver des solutions concrètes, parce que ce type de solutions (...) peut satisfaire pendant un moment, mais la vraie solution c'est que chacun puisse avoir un toit", a précisé Manuel Valls.
Jeudi noir a publié mercredi un communiqué intitulé : "Nous ne sommes pas des hors-la-loi". "Le droit au logement est ainsi reconnu au plus haut niveau du gouvernement comme une justification suffisante pour légitimer l'occupation d'un immeuble vide", est-il notamment écrit.
Pour expliquer ce "changement d'époque et de politique", "qui demande à être confirmé", Manuel Domergue met en avant le caractère exemplaire de l'immeuble réquisitionné rue de Valenciennes. "C'est un dossier excellent, il n'y a pas de préjudice", souligne le porte-parole, en rappelant que cet immeuble de bureaux est inoccupé depuis deux ans.
Du côté du DAL, on affiche un optimisme plus modéré. "A l'exception de la rue de Valenciennes, où il n'y a pas eu de blocus policier, les pratiques policières menées depuis l'installation du gouvernement Ayrault sont dans la lignée de celles mises en place depuis six ans, estime Jean-Baptiste Eyraud. Est-ce qu'il y a un basculement qui s'est opéré au cours de ces dernières semaines ? C'est possible, dit-il. Mais ce qu'on attend, c'est de passer de la parole aux actes."