Source : rue89.nouvelobs.com
Lucie, étudiante
La semaine dernière, le maire de Barcelone a décidé d’entamer la destruction d’un squat dans le quartier de Sants, au centre de la capitale catalane.
Ce squat, Can Vies, est implanté dans un bâtiment du XIXe siècle
qui appartient aux TMB, l’entreprise de transports publics de la ville.
C’est un lieu qui porte une forte histoire sociale, puisqu’il a été
pendant plusieurs dizaines d’années le refuge syndical des travailleurs de la TMB. Au début des années 90, après un incendie, le bâtiment a été laissé à l’abandon.
C’est en 1997 qu’un collectif décide de s’y installer et de le réhabiliter. Dix-sept ans plus tard, le centre social Can Vies est parfaitement intégré à la vie de son quartier et n’a jamais souffert de plaintes des riverains.
Il propose entre autres des ateliers de formation, de musique, de théâtre, des cours de langues, et organise des concerts et des projections de films. Lieu de débats, il héberge aussi les locaux d’associations et d’un journal indépendant.
Voilà plusieurs années que la mairie souhaitait la démolition de ce lieu
pour réaménager l’espace urbain. Après des négociations avec les
occupants qui n’ont pas abouties, le maire de Barcelone a décidé
d’agir par la force le lundi 26 mai, en expulsant les personnes qui
vivaient et travaillaient dans le centre. La destruction du bâtiment a
commencé directement après.
Gare à la matraque des Mossos
Cette destruction a tout de suite provoqué la colère des occupants et des habitants du quartier. Ils sont venus soutenir le centre, rejoints par des centaines, puis des milliers d’autres habitants de Barcelone. Et, le soir venu, ont organisé des « caceroladas » (rassemblements pacifiques au cours desquels les participants cognent des casseroles pour faire du bruit) sur la Plaza de Sants.
En retour, la mairie a ordonné un déploiement policier exceptionnel. Gare à celui qui n’aura pas couru assez vite pour fuir le rassemblement quand les « Mossos » (forces de l’ordre) arrivent.
Une femme d’une cinquantaine d’années raconte s’être fait matraquer alors qu’elle quittait la manifestation en marchant. Deux jeunes qui s’éloignaient aussi disent être entrés dans une cage d’immeuble, poursuivis par des Mossos qui les ont passés à tabac. Un homme d’une soixantaine d’années affirme lui s’être fait ruer de coups alors qu’il discutait tranquillement avec un ami, dans une rue calme. Résultat ? Bras et doigts cassés.
Un autre jeune homme, qui traversait la rue à vélo pour aller chercher son amie à une station de métro, a été arrêté et matraqué à la tête : il a failli perdre son oreille.
La pelleteuse incendiée
Et la liste de ces violences policières est encore longue, comme le dénonce l’Observatoire du système pénal et des droits de l’homme
(l’Observatori del Sistema Penal i els Drets Humans).
Les interventions agressives des forces de l’ordre ont déclenché la riposte de certains manifestants. Lundi soir, la pelleteuse qui avait entamé la destruction du bâtiment a été incendiée, des poubelles brûlées...
Les incidents se sont multipliés pendant plusieurs jours. Les rues de Sants ont été militarisées, donnant l’impression d’un climat de guerre.
Des manifestations de soutient à Can Vies ont par ailleurs été organisées dans d’autres quartiers de Barcelone, et dans d’autres villes d’Espagne.
Il a fallu attendre vendredi pour que cessent les incidents, probablement après la déclaration du maire de rouvrir le dialogue et de stopper la destruction du centre.
Réunis pour la reconstruction
Samedi matin, des centaines de personnes s’y sont réunies. Objectif : reconstruire par eux-mêmes le bâtiment et reprendre tranquillement leurs activités.
Bien sûr, ce n’est pas le centre social Can Vies en tant que tel qui a
provoqué tant de mobilisations, mais bien plus le symbole qu’il portait :
la preuve qu’une vie alternative durable est possible.
Quelle urgence y avait-il à détruire le centre ? Aucune apparemment, si ce n’est la volonté de la mairie de Barcelone d’en finir avec les initiatives autogérées qui échappent au contrôle des institutions.
Pour les Barcelonais, cette expulsion a été celle de trop, dans une ville où ils ont l’impression que tout est de plus en plus pensé pour les touristes plus que pour eux-mêmes.
Cette semaine, Sants a retrouvé un peu de sérénité. Les habitants du quartier récoltent des signatures pour soutenir un manifeste [PDF] dans lequel sont dénoncées la militarisation de leur quartier et les violences policières de la semaine dernière.
Les occupants du squat, aidés par les habitants, des pompiers et des architectes, travaillent quant à eux à la reconstruction du centre.
Source : rue89.nouvelobs.com