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Actes, immatriculations, radiations et comptes annuels des entreprises, etc. : plus aucun document n'était accessible sur le site Infogreffe, mercredi 10 décembre. Un geste de protestation des greffiers des tribunaux de commerce contre le volet de la loi Macron consacré aux professions juridiques, qui prévoit d'en ouvrir l'accès plus largement. C'est la troisième fois ce mois-ci que les greffiers empêchent l'accès au site.
Ces professions libérales délégataires de la puissance publique de l'Etat ont le rang d'officiers ministériels. Outre leur présence au tribunal pour assister les juges dans le travail de conservation des actes, ils ont pour mission de tenir le registre du commerce et des sociétés, y compris dans sa version numérique.
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De l'open data payant
Les pouvoirs publics pourraient remettre en cause le principe d'un commerce privé fait de données publiques (pourtant pratiqué aussi par d'autres administrations comme l'Insee avec les fichiers Sirene) et envisageraient d'en rendre la gestion à l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI), établissement public placé sous la tutelle du ministère de l'économie, qui s'en occupait jusqu'en 2009.
La profession des greffiers justifie le monopole de ce commerce par un investissement de plusieurs millions d'euros par an, ainsi qu'un effort de service public de qualité identique en tous points du territoire et fiable car vérifié par des professionnels – ce que ne permettrait pas l'open data (ouverture des données au public), si l'on en croit le représentant d'Infogreffe cité par Le Figaro.
Un utilisateur du site Infogreffe déboursera donc 3,11 euros pour obtenir des informations sur l'état d'endettement d'une entreprise, 9,33 euros pour la copie intégrale de ses comptes annuels, 7,77 euros pour l'historique des modifications et de toute façon 2,33 euros pour le « coût de la transmission électronique ».
François Bancilhon, président directeur général de Data Publica, start-up spécialisée dans les données d'entreprises, auditionné par le Sénat en janvier dans le cadre de la mission commune d'information sur l'accès aux documents administratifs et aux données publiques, regrettait qu'« Infogreffe inflige aux entreprises une double peine : elles payent pour y inscrire des informations que les autres devront payer pour obtenir ! »
Un monopole controversé...
Cette profession a le monopole de l'enregistrement et la diffusion des données du registre du commerce et des sociétés. En dépit de certaines concessions (baisse de la rémunération sur l'immatriculation d'une société commerciale et gratuité s'agissant des auto-entrepreneurs, réduction des tarifs pratiqués sur la transmission de certains documents), ce privilège reste très rentable... et controversé.
La Cour des comptes a ainsi estimé l'an dernier, dans une lettre à la garde des sceaux, que « l'Etat serait fondé à exiger une diminution du tarif facturé aux utilisateurs ». En clair, une demande d'ouverture du secteur à la concurrence, relayée également par Christiane Taubira dans sa réponse à la Cour :
« La gestion et la délivrance des données publiques des entreprises génère de très importants profits, outre la réduction des coûts pour les usagers, les négociations en cours, visent à s'assurer que les gains de productivité produits soient réinvestis dans des activités d'intérêt général. »
La même année, l'Autorité de la concurrence a accusé Infogreffe d'abuser de sa position dominante, de fausser la concurrence et de renchérir les coûts d'information pour les entreprises. L'Autorité rapporte que le chiffre d'affaires d'Infogreffe dépassait 63 millions d'euros en 2011.
Mais rentable
Les greffiers sont donc cette fois clairement dans le collimateur de Bercy, après plusieurs décisions en leur faveur (revalorisations et recrutements, notamment) dans les dernières années. En tête du classement des rémunérations des professions réglementées, les greffiers ont un revenu mensuel net médian de 29 177 euros, c'est-à-dire que la moitié des greffiers perçoivent moins que cette somme, et l'autre, touchent plus.