Les médias grecs ont annoncé le 7 mai 2013 - pendant Pâques - que le ministère de la justice serait en train de préparer une nouvelle loi pour lutter contre le racisme. Le but annoncé ? Punir plus sévèrement les propos et les actes racistes - dont ceux des députés encore protégés par leur immunité. Des peines plus lourdes seraient mises en place : de 3 à 6 ans de prison et des amendes allant jusqu'à 20 000€. Sommes nous en train d'assister à une vraie volonté d'agir contre le racisme - et contre Aube Dorée- en Grèce ou s'agit-il d'un écran de fumée face aux critiques de plus en plus sévères, notamment celles venant du Conseil de l'Europe ?
En apprenant que le ministère de la justice souhaite proposer une loi pour renforcer la lutte contre le racisme en Grèce, on se dit qu'enfin, les choses vont changer, surtout si les personnalités politiques à l'origine de propos racistes risquent leur carrière. Mais en y regardant de plus près, on se demande si on ne serait pas le dindon de la farce pascale.
Une nouvelle loi pour la lutte contre le racisme...
Les rapports de presse ont indiqué que le projet de loi cible:
- Toute personne qui, intentionnellement, publiquement, oralement ou à travers les médias ou sur internet ou de toute autre manière, incite ou participe à des actes de violence contre des personnes ou des groupes définis par la race, la couleur de peau, la religion, l'origine ethnique ou l'orientation sexuelle.
- Quiconque nie ou minimise la gravité de génocides, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et le fascisme et le nazisme en général.
- Les dirigeants politiques des partis qui se livrent à de tels actes - dans ce cas, le projet de loi stipule que le financement de l'Etat au parti politique sera suspendu.
- Les membres du parlement qui, parlant à l'intérieur du parlement, incitent à des actes ou menacent par la violence sur la base de la race, de la couleur de la peau ou de l'origine ethnique, ou qui rendent hommage à des criminels de guerre fascistes ou nazis, utilisent leurs symboles ou saluent comme ils l'ont fait - dans ce cas, le projet de loi aurait stipule que l'immunité parlementaire de ces députés sera automatiquement levée et qu'ils seront responsables devant la justice. Dans le cas où député est reconnu coupable, il perd son siège et est interdit de se présenter aux élections jusqu'à la fin de leur peine.
... qui renforcerait un loi existante ...
Car une loi existe déjà pour la lutte contre le racisme : c'est la loi 927/1979. Elle stipule qu'une peine de prison pouvant aller jusqu'à un an ou une amende, ou les deux seront imposées à toute personne qui:
- cherche, par ses paroles ou par ses actes, à provoquer la discrimination, la haine ou la violence contre des personnes ou des groupes sur la base de la race ou de l'origine ethnique, ou
- participe à des organisations qui cherchent à provoquer toute forme de discrimination raciale, ou
- insultes des individus ou des groupes sur la base de la race ou de l'origine ethnique ou
- procède à une discrimination dans la fourniture de biens et de services sur la base de la race ou de l'origine ethnique.
Cette loi 927/1979 a été modifiée pour inclure la discrimination fondée sur la religion (1419/1984) et pour permettre la poursuite d'office au lieu de la restreindre aux cas où la victime dépose une plainte (2910/2001), alors que la loi 3304/2005 intègre l'égalité de traitement dans l'espace de travail sans distinction de race, d'ethnie, de religion ou d'autres croyances.
En outre, la Constitution grecque stipule (article 5, § 2) que «Toutes les personnes présentes dans l'État de la Grèce bénéficient d'une protection absolue de la vie, de l'honneur et de la liberté, sans aucune discrimination basée sur l'ethnicité, la race, la langue et les croyances religieuses ou politiques ".
... qui n'est pas appliquée
Le pays semble dont être -déjà- bien armé pour lutter contre le racisme. Comment un parti xénophobe, raciste, néonazi et violent peut dont agir en toute impunité dans le pays ? Parce que la loi n'est tout simplement pas appliquée. Aucune peine de prison n'a été prononcée en utilisant cette loi. Un exemple typique est le procès de Konstantinos Plevris pour son livre antisémite "Les juifs : toute la vérité", dont la condamnation en 2007 a été annulée par la cour d'appel en 2009. Plus révélateur encore, les auteurs d'attaques racistes en Grèce l'année dernière, même s'ils sont clairement identifiés, ont joui d'une impunité évidente.
Le Réseau d'enregistrement de la violence raciste a noté dans son rapport annuel 2012 :
Dans la pratique, l'impunité des auteurs est une conséquence du fait que la disposition pertinente de l'article 79 par. 3 du Code Pénal (qui a été ajouté par un amendement législatif en 2008 et stipule que la perpétration d'un acte de haine, racial ou religieux, ou de haine en raison de l'orientation sexuelle constitue une circonstance aggravante) n'est appliquée ni par la police ni par le Procureur durant l'étape des poursuites pénales mais est appliqué seulement au stade de la décision concernant la peine, après donc que la culpabilité ou l'innocence de l'auteur n'ait été prouvée. Il est à noter que cet article n'a jamais été utilisé par les autorités judiciaires à ce jour.
L'année 2012 aura montré que les crimes et les attaques violentes des membres de l'Aube Dorée sont restés impunis. Des vidéos ont même montré des policiers devenir très violents envers des migrants. En 2011, déjà, bien avant que l'Aube Dorée ne rentre au parlement, Le HCR grec avait indiqué :
"Dans la pratique, les incidents de violence raciste font rarement l'objet d'une enquête juste et efficace. Les victimes ne se plaignent généralement pas parce qu'ils sont peur d'être arrêtés (dans le cas où ils n'ont pas de papiers) ou ne voient aucune raison de le faire compte tenu du climat général d'impunité qui semble prévaloir. Les coupables de violentes attaques contre les étrangers ne sont pas détectés dans leur grande majorité (bien que de nombreux actes criminels sont poursuivis de manière automatique) et même si ces cas sont portés devant la justice, la pratique habituelle est que les auteurs sont très vite libérés. Jusqu'à présent, personne n'a jamais été condamné pour des crimes à motivation raciste. L'impunité s'intensifie et perpétue la violence, alors que ce phénomène prend des proportions alarmantes. En parallèle, il y a des rapports qui indiquent que la police tolère ou même dissimule des comportements criminels, en dépit d'être les témoins d'acte délictueux."
Malgré le cadre légal, l'impunité reste la norme. Et la nouvelle loi, aussi "ambitieuse" qu'elle soit, ne changera rien si elle n'est pas appliquée.
La classe politique inattaquable par cette loi sans un amendement constitutionnel
L'autre aspect de cette nouvelle loi concerne la classe politique, qui n'est pas avare de propos racistes, pas seulement dans le parti néonazi Aube Dorée, mais aussi chez la Nouvelle Démocratie du premier ministre A. Samaras ou au PASOK.
La loi propose de lever l'immunité parlementaire de tout personnage politique qui aurait des propos racistes (voir en début d'article) . Seul problème, la constitution grecque protège assez efficacement les députés :
Article 61. Le député n’est ni poursuivi, ni interrogé de quelque manière que ce soit, à l’occasion d’une opinion ou d’un vote émis par lui dans l’exercice de ses fonctions parlementaires.
Article 62: Durant la législature, aucun député n’est poursuivi, arrêté, emprisonné ou soumis à d’autres contraintes sans l’autorisation de la Chambre des députés. De même, aucun membre de la Chambre dissoute n’est poursuivi pour délits politiques entre la dissolution de la Chambre et la proclamation des députés de la nouvelle Chambre. L’autorisation est considérée comme refusée si la Chambre des députés ne se prononce pas dans les trois mois à compter de la transmission de la demande de poursuite par le procureur au président de la Chambre. Le délai de trois mois est suspendu durant les vacances parlementaires. Aucune autorisation n’est requise en cas de crime flagrant.
Lors de l'annonce de cette loi, l'avocat @xasodikis s'est exprimé sans ambiguïté sur twitter :
"Sans un amendement de la constitution, aucune charge ne peut être retenue contre un député sans que son immunité ne soit levée. Et l'immunité ne peut être levée automatiquement ".
"En clair : ils se foutent de nous"
Cela ressemble fort à un écran de fumée...
A suivre...
sources : twitter et radiobubble

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source : OkeaNews
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