La mer ne change pas, mais ceux qui la pratiquent si. J'ai observé, par exemple, que certains bateaux de plaisance parmi les plus rapides, et qui ont toujours dépassé les voiliers à fond les manettes, perdent une partie de leur allure, «Tiens, il y des riches qui économisent le carburant maintenant, c'est nouveau», avons-nous constaté hier, en naviguant entre le Cap Sounion et l'île des prisonniers politiques de la Guerre civile, Makronissos, hissant enfin la grande voile. Sauf qu'on peut perdre son allure mais pas son arrogance, ni son lifestyle, encore inébranlable, comme chez ces... embarqués aisés du pays en démolition sociale, qui ont encore fait la fête hier soir dans les bars des deux ports sur l'île de Kea, à la manière du temps d'antan. Ou presque, parce que les établissements étaient moins bondés qu'avant, surtout des restaurants. Le constat est unanime chez tous les professionnels du tourisme, c'est déjà moins bien. Mais les prix ne baisseront pas. J'ai payé pour une salade de tomates (sans feta) et dix sardines grillées, onze euros. Deux clients de Vardis qui ont consommé pratiquement le même repas, l'ouzo en plus, en ont eu pour cinquante euros, ils ont trouvé que c'était cher.
Mais à chacun son échelle de l'inconcevable. Une femme se plaignait à ses amis, autour d'une table voisine, dans «l'indignation» : «On m'a demandé 22 euros par jour pour laisser mon toutou en pension, eh bien, comme vous le constatez, j'ai préféré l'emmener avec moi sur l'île, décidément, où va-t-on ? » Les classes bien aisées de la population auront droit aux... toilettages et autres garderies ; et les prolétaires, qui pour une fois avaient caressé le rêve des trente millions d'amis, devraient enfin comprendre : game over.