Charlie Hebdo a eu la gentillesse d'autoriser OkeaNews à publier cet article d'Angélique Kourounis sur la situation actuelle en Grèce. Baisses des revenus, réquisitions, grèves déclarées illégales, suspensions de salaires des fonctionnaires impliqués dans un procès ou gouvernance par décret : quand un Etat Européen devient autoritaire ...
Pendant que le FMI persiste dans ses erreurs, la Grèce oublie de moins en moins lentement et de plus en plus sûrement qu’elle a inventé la démocratie.
Tout le monde parle désormais d’une sortie de la crise proche pour la Grèce. Le FMI, de son côté, fait son mea culpa. Il reconnaît s’être trompé dans le calcul de la récession grecque, « une erreur technique », selon Olivier Blanchard, économiste maison. Certes, il a prévu un chômage de 15 %, il dépasse les 26 %, une récession en recul, elle a augmenté et plafonne à 6 %. L’essentiel du programme néolibéral appliqué au pays mise sur la reprise via des investissements qui créeront des emplois et des privatisations qui rempliront les caisses de l’État. Or, jusqu’à présent, les seules privatisations qui se sont faites l’ont toutes été au détriment du pays et très en deçà des sommes attendues. Dernière en date : celle de la région de Cassiopée, sur l’île de Corfou, raflée par la société immobilière américaine NCH, qui la loue pour 99 ans pour 23 millions d’euros, alors que le prix de départ était de plus de 50 ! Idem pour la loterie nationale, vendue en décembre dernier.
RÉQUISITIONS TOUS AZIMUTS
Le FMI peut-il alors tout imposer au nom de son dogme ? Les privatisations sont très en retard sur les prévisions exigées par l’institution. Si ce retard persiste, il faudra, selon Christine Lagarde, « procéder à de nouvelles mesures d’austérité »... Mais les Grecs n’en peuvent plus. Irini, professeure de lettres, gagnait 1 460 euros en décembre 2009, 800 en janvier 2012, et 770 en janvier 2013. « J’ai lu deux fois ma fiche de salaire, dit-elle, je n’y croyais pas, 30 euros de moins, c’est les courses d’une semaine ! » Irini a d’autres raisons d’être inquiète.
Les nouvelles lois liées aux mémorandums d’austérité permettent de suspendre sans salaire tout fonctionnaire impliqué dans un procès le temps de la procédure, qui, en Grèce, peut prendre jusqu’à cinq ans. S’il perd ce procès, ce fonctionnaire perd aussi son emploi. Idem pour tout salarié qui conteste son licenciement. Le temps de la contestation, il ne peut toucher aucune indemnité... « Ils veulent faire baisser les têtes, casser toute contestation », s’indigne Petros Petropoulos, syndicaliste.
Pour qui en doute, la réquisition du métro par les forces antiémeute, qui ont donné l’assaut à l’aube au dépôt principal, en apporte la preuve amère. La feuille de réquisition des 2 500 grévistes a été portée à domicile par la police dans une opération de porte-à-porte jamais vue. But de l’opération : mettre fin à neuf jours de grève. D’ailleurs, depuis quelques mois, toutes les grèves qui durent un peu sont systématiquement déclarées « illégales » par la justice grecque, complice d’un autoritarisme qui s’installe. La semaine dernière, des syndicalistes proches du Parti communiste ont voulu rencontrer le ministre du Travail pour protester contre la réquisition des employés du métro. Les forces antiémeute ont enfoncé la porte du bureau du ministre et 35 militants ont été déférés devant la justice.
Quant aux agriculteurs qui veulent bloquer les routes afin de protester contre la nouvelle réforme fiscale, pour les en empêcher, les autorités ont interdit les manifestations aux « véhicules qui roulent à moins de 50 km/h sur l’autoroute ». Résultat, depuis plus d’une semaine, les agriculteurs sont massés sur le bas-côté des routes, encadrés par les forces anti-émeute, dans un face-à-face qui peut à tout moment dégénérer.
Pire, depuis le vote du troisième mémorandum d’austérité, le gouvernement fait passer toutes les mesures sensibles par décret. On en compte 24 pour la seule année 2012, soit autant que de 2000 à 2011. L’un des derniers en date vaut son pesant d’or : le Parlement grec a ratifié un décret permettant la réinsertion des policiers qui avaient démissionné le temps d’être couchés sur une liste électorale et qui n’ont pas été élus. C’est qu’il en faut, des policiers, pour évacuer les squats d’anarchistes du centre d’Athènes. Des squats qui existaient depuis des décennies et qui étaient au centre de la contestation contre les néonazis d’Aube Dorée. Mais ce n’est pas si grave, après tout : depuis janvier 2013, la Grèce est représentée au Conseil de l’Europe par Eleni Zaroulia, députée d’Aube Dorée, justement...
Angélique Kourounis

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source : OkeaNews
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