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Il paraît que depuis Bruxelles, Berlin, Paris, ou depuis les salles des marchés, on se montre compréhensif vis-à-vis de nous, depuis que nous sommes devenus presque raisonnables. Pas de nouvelles mesures immédiates en vue, car on laisse passer l'été, plus un allongement de la durée pour ce qui est de nos «obligations vis à vis des créanciers».
Les Grecs privés d'électricité
La Grèce sans courant. La foule des grands reporters a quitté la Place Syntagma, après un dernier papier obtenu à la hâte sous la canicule. L'événement grec se referme sur lui-même jusqu'au prochain paroxysme. Dans la rue, il y a de la résignation, du fatalisme et de la fatigue, comme en témoigne ce dialogue entre deux hommes dans un marché athénien, vendredi dernier : «Tu as voté Samaras et memorandum, eh bien, je ne t'adresserai plus jamais la parole, je composerai la prochaine Grèce avec mes amis, Syriza et les autres.». - «Soyons calmes, Dimitri, nous avons choisi de mourir par petit feu car nous avons eu peur de la mort subite, nous ne sommes pas si différents je crois.»
Mais Dimitri ne voulait plus rien entendre. Il s'en est pris pratiquement à tout le monde, y compris à une vendeuse d'icônes, et cette dernière, répliqua gentiment à sa manière, en argumentant sur «l'Antéchrist qui se trouverait déjà parmi nous». Je me souviens également d'une discussion animée entre deux adeptes de l'Aube dorée sur ce même sujet, il y a dix jours. Ils n'arrivaient pas à accorder leurs violons sur la partition très primaire de leur cosmogonie eschatologie : «Non et non, je viens de te l'expliquer, ouvrons les yeux, l'Antéchrist n'est pas Tsipras, lui c'est un minable, mais Barack Obama, car toutes les écritures convergent, en 2012 on attaquera l'hellénisme dans un assaut final.»
Suicides, homicides et violences
On vit désormais les cicatrices de la crise sur le corps social, devenues plaies et amputations. Elles ont contribué à leur manière au «dénouement» du 17 juin. Nos regards sont fatigués, le sens commun serait même à bout de souffle. Les suicides, les homicides et les violences commises ou «désirées» occuperont durablement nos chroniques. Un homme s'est jeté avant-hier sur une rame de métro à Athènes. Des immigrés se font poignarder tous les jours par des individus se réclamant de l'Aube dorée, en Crète par exemple. On trouve des chiens pendus à des arbres en Attique, et on blesse ses voisins par balle, après avoir tiré sur un chat errant «par plaisir» (c'était en Grèce centrale dans la région d'Agrinio, toujours la semaine dernière, et ce n'est pas à cause de la canicule).
Tourisme de masse
Les employés de la branche hôtelière sont très inquiets. Soit ils seront remplacés par des travailleurs immigrés, soit ils devront accepter le travail au noir, lequel devient désormais la règle : dans certaines régions touristiques, 60% du personnel n'est plus déclaré. Pis encore, durant la saison 2010, et selon des données issus de l'organisme public d'assurance-maladie, dans certaines régions très touristiques du pays, il n'y aurait pas un seul employé de la branche dont les cotisations seraient versées, et la liste n'est pas exhaustive : Ithaque, Milos, Andros, Sérifos, Céphalonie, Mytilène, Leros, Patmos, Rhodes, Crète. En ce moment à Rhodes, et selon le syndicat de la branche, 2500 employés sur 15000 n'ont pas été réembauchés pour la saison 2012. Au même moment, les données officielles comptabilisent le nombre des travailleurs immigrés employés dans le secteur à 300 personnes, tandis que les syndicalistes évoquent le chiffre de 3000 personnes, auxquels s'y ajoutent encore 2000 attendus courant juillet. A Rhodes, un hôtel ouvert pour la saison 2012 en février vient d'enregistrer ses premières embauches en mai, selon le reportage du 23 juin de Panagiotis Yfantis, dans Elefterotypia.
Les syndicalistes de la branche appellent à la grève générale pour la journée du 27 juin. Les tinalistes tout secteur ont pourtant imposé leur calendrier et surtout leurs réalités. Destructuration du travail, usages «ingénieux» des flux migratoires, effondrement des dernières illusions ou presque, paupérisation accélérée, et voilà que notre stratification sociale peut ne plus se muer en cette historicité conflictuelle entre les dominants et les dominés, chère à la gauche. Et pour tout dire, le temps lui fait déjà défaut, chez Syriza on ne l'ignore pas. Gauche ou pas, la seule sortie de la crise imposera un autre paradigme. Pour ce qui est du tourisme aussi. D'où ma réaction parfois mal comprise, face à certains commentaires de bonne foi, mais erronés, laissés sur ce blog à propos du tourisme «qu'il ne faudrait pas trop effrayer car le pays vit de ses visiteurs». Au risque de mécontenter certains, j'insiste : le tourisme de masse qui relève déjà du non sens écologique, culturel et économique pour les régions réceptrices des flux, n'apporte plus grand chose aux populations locales, surtout en termes de perspectives, d'harmonie et de dignité. On sait aussi par exemple que les denrées alimentaires ou leur base, arrivées dans les grands complexes hôteliers de Crète ou de Rhodes, sont massivement importées. Et à force de se mordre la queue à Samos ou à Paros, on finira par l'avaler entière, comme le memorandum d'ailleurs.
Il serait également temps d'aller au-delà de l'anti-mémorandisme. Refuser le memorandum est un but tactique, mais réinventer la société, ses symboles, son imaginaire, et ses équilibres tout en répondant à l'épineuse question de la répartition des richesses et de l'économie-fiction du «funderisme intégral», relèvent de la stratégie. Mais avant de relever cette stratégie, on remplira les plages et les glacières cet été 2012, comme on peut. Un temps occupés par le match Grèce - Allemagne, l'opinion publique ne se remet plus vraiment, d'une fatigue immense. C'est plus que de la fatigue, c'est l'usure.
Match Grèce - Allemagne
Pas de chance, et pas seulement pour notre équipe nationale. L'autre Samaras, Antonis, a été opéré d'urgence de l'œil samedi, suite à un décollement de la rétine. Il n'assistera pas au Conseil européen de Bruxelles, jeudi et vendredi prochain. Il sera remplacé par son ministre des Affaires étrangères, a annoncé dimanche «notre» gouvernement. De même, notre nouveau ministre des Finances, le banquier socialiste Vassilis Rapanos, a été hospitalisé vendredi après-midi, il s'est évanoui avant d'être transféré à l'hôpital.De ce fait, la Troïka a du reporter son déplacement à Athènes à une date ultérieure.
Entre-temps, les cinémas en plein air proposent déjà des promotions pour la saison qui s'ouvre. Jadis, c'était un spectacle et habitus très populaire chez les ouvriers et autres prolétaires de l'ancien temps. Il y a très longtemps, bien avant le temps de Star Wars et de son ancienne République. Samaras et les autres joueurs... nos étoiles filantes.