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24 janvier 2012 2 24 /01 /janvier /2012 13:17
Marianne - Panagiotis Grigoriou - Blogueur associé | Mardi 24 Janvier 2012 à 12:01

 

En pleine crise économique, politique et identitaire, le collectif refait surface. Malgré des schémas qui se répètent. Culture négligée, magouilles financières, intérêts politiques... Panagiotis Grigoriou, blogueur associé de Marianne2, nous raconte un quotidien bouleversé par la finance mais rendu meilleur grâce à un retour aux essentiels.



Les temps nous changent. Hier déjà nous étions si loin. Le corps social blessé se retourne comme il peut. Recroquevillés et vulnérables, nous nous détournons du passé. Nous lui tournons le dos, mais sans bouger. D'ailleurs, nous n'avons plus le choix. Ou plus exactement nous en avons deux : le choix des bancocrates grecs et autres, c'est à dire mourir, ou celui d’inventer au jour le jour, d'abord pour se maintenir en vie, puis pour féconder le long terme.
 
Nous nous découvrons petit à petit sortants de l'ombre. Finalement, nous sommes assez nombreux à ne plus nous sentir à l'aise dans l'ancien sens. Depuis un moment déjà, quand on réfléchit bien. Et pas seulement dans le milieu des lettres et des médias, fort heureusement. Toute notre commune mesure se déplace, et avec elle, la frontière du possible. Comme au Far West. Pour le meilleur ou pour le pire.

Un retour au collectif

Embarquée sur notre « RER grec » jeudi soir, une dame emmenait chez elle les herbes sauvages qu'elle avait ramassé sur le flanc nord-est du mont Hymète : « de quoi compléter nos repas jusqu'à lundi prochain. C'est pour ma famille vous savez, puis mon frère viendra, sa femme aussi. Je les fais à la casserole d'abord… Avant, j'achetais au marché local, mais de nos jours c'est un met offert à ne pas manquer. »
 
En effet, le met nouveau, c'est aussi le retour à la famille ou aux amis. Se retrouver, se sentir protégé, manger. Une récente enquête, publiée par le magazine Epikaira (www.epikaira.gr – 19/01/2012, version imprimée, p. 18), confirme ce revirement. Ainsi l'ostentatoire et la démesure n'ont plus la cote. Il était grand temps. Il vaut mieux mourir sobre et pensif que vivre vorace et potentiellement idiot, selon les derniers dires du simplisme ambiant. Les publicitaires le comprennent bien, car lorsqu'il faut faire vendre on ne badine pas avec les représentations collectives.

La richesse relationnelle

Ainsi, dans une publicité dont tout le monde parle, le héros, vendeur de sandwichs, interroge son client sur les ingrédients à ajouter, à part la saucisse « tout en marquant des buts contre la faim ». C'est un vendeur ambulant, servant sa clientèle depuis un stand posé devant un stade, son enseigne commerciale portant le nom de « thérapeute de la faim ». Il représente aussi l'engouement pour ces formes de restauration bon marché, qu’on ne retrouve pas que devant les stades. Avant la déferlante des Troïkans, les publicitaires utilisaient des plans tournés dans les restaurants, mais ce n'est plus une pratique courante compte tenu du contexte actuel.
 
La vidéo se poursuit par un dialogue assez croustillant. On laisse entendre que le sympathique client n'a plus de relation amoureuse, mais c'est sans doute parce qu'il n'a pas de chance, et ainsi, il reçoit les encouragements du vendeur car « t'en fais pas mon vieux, toi, t'es beau mec ». 

Et peu importe, si on suggère à la fin, d'opter pour l'opérateur de téléphonie qui a produit ce spot, bien que le produit lui même n'apparaisse pas une seule fois dans la pub. Voilà donc pour le renversement des valeurs. Le collectif est à la page, même si les actes ne suivent pas encore fidèlement les paroles.
 
Dans les médias, on s'interroge sur le succès de ce spot publicitaire. Stavros Theodorakis, éditorialiste et journaliste pour les secteurs de la presse écrite et de l’audiovisuel, parle d’une improvisation partielle lors du tournage. D’où le « t'en fais pas mon vieux, toi, t'es beau mec ». Une réplique du vendeur, incarné par Manolis Mavromatakis, un excellent acteur qui se produit au Théâtre national, mais qui par le biais de la publicité, rechercherait à financier son prochain film. « Il suffirait qu'un homme, venu de nulle part, prononce ainsi la phrase-clef qui nous emportera aussi en politique, raflant toute la mise, en dépit des scenarii des formations politiques supposées existantes », écrit Stavros Theodorakis.

Improvisation partielle ou pas, je préfère m'attarder la dernière phrase du vendeur: « je vis dans un rêve, ne me réveillez pas. » Auto-dérision et ironie sont de mise, tandis que le code vestimentaire renvoie à la classe « dominante », dans les faits, la classe populaire. On y suggère alors sobriété, pauvreté (relative, pas miséreuse), malchance et ambiguïté, dans la notion de rêve et dans celle qui sous-entend l'action/inaction (« ne me réveillez pas »). Mais avant tout, ces personnages incarnent l'humour et donc, la richesse. Non pas matérielle, mais relationnelle, valeur sûre finalement, tout comme l'échange, et l'encouragement. Ce qui reste en somme positif, dans un pays ravagé par la bancocratie et par ses propres errements.
 
Un certain individualisme devient alors condamnable, encore que ... En tous cas, nous sommes ailleurs. Dans une optique bien différente de celle d’un passé encore très récent. Agir collectivement, s'entraider et ne plus avoir le droit de rêver sur l'avenir. Voilà que nous nous découvrons enfin membres du club. Non pas celui des « puissants » de la zone euro, comme nos hommes politiques nous le rabâchaient depuis dix ans, mais de l'autre, si grand et ouvert, des 80 % de l'humanité, vivant dans la cité du rêve interdit. Les chiffres utilisés par la presse cette semaine font état de 1700 suicides attribués à la crise depuis 2010. On constate aussi près d’un décès par jour chez les sans domicile fixe ces derniers jours d’hiver. Et ces politiques toujours là.

Montages financiers

Justement, ce personnel politique n'en finit pas d'exister. Et à chaque fois qu'il occupe la scène médiatique c'est pour ajouter de l'exécrable sur l'abime. Ainsi, cette semaine était aussi celle d'un premier déballage à travers les chamailleries entre grands patrons de la presse (Psycharis – quotidien Ta Nea) sur les dessous des montages financiers autour de la dette grecque et autres affaires, présumées profitables à la famille Papandréou. Cette même semaine, la police vient d'arrêter à Salonique 53 personnes, mêlées dans une affaire d'entreprise mafieuse et de blanchiment d'argent. Les prêts non officiels et usuriers à destination d'entrepreneurs, figurent parmi les spécialisations de la structure. Certains de ces entrepreneurs se sont suicidés ou « suicidés » depuis quelques mois déjà.
 
Les arrestations concernent un échantillon représentatif de la déchèterie nationale au service de la bancocratie : responsables régionaux dans la branche bancaire de la baronnie, policiers gradés, hauts responsables aux services anti-fraude du fisc, dirigeants d'équipes de foot et hommes politiques locaux, appartenant au parti de la droite, à celui de l'extrême droite et bien entendu au P.S. (on évoque même un proche de Venizélos – ministre de l'Économie, figurant parmi les inculpés), et enfin, un journaliste-rédacteur à la chaine régionale (et d'État) ET3.
 
Parmi les « victimes » de cette mafia, on découvre l'ancien footballeur de la sélection nationale du Club Atlético de Madrid, Demis Nikolaidis. On apprend par des sources policières relayées dans la presse que le joueur a emprunté en 2010 auprès d'un « entrepreneur » du clan 350.000 euros. Il devait lui rembourser 51.800 euros par mois, le taux initial mensuel étant de 10% puis ramené à 6,5% car le « client » était bon payeur. Finalement, Nikolaidis, a remboursé en quelques mois 620.000 euros, sur les 350.000 empruntés initialement.
 
Nous n'irons pas pleurer sur le sort du footballeur, mais la question que la presse ne pose jamais est par quel mécanisme de « valeur ajoutée » ces montants sont-ils si élevés ? Et s’ils sont si importants, pourquoi donc valoriser ainsi une telle « activité » ? Pourtant, il y a en a toujours qui suivent les « matchs » de foot dans ce pays comme avant.

Répétitions

Finalement, les taux usuriers de nos mafieux n'ont rien d'anormal. Le système banquier tout entier, si sérieux qu'il puisse nous paraître selon les stéréotypes savamment cultivés, « les marchés » autrement dit, pratique exactement les mêmes méthodes, seulement l'échelle est toute autre. Usure alors systémique. Les négociations entre le premier ministre, « guichet automatique », et le siège de son établissement semblent avancer. Les dernières touches sont apportées au tableau d'amortissement des « titres », donc on peut laisser courir une sorte de défaut, supposé maîtrisable vu qu’il a été programmé jusque là. Comme en 1931, lorsque Moody's, conduisait déjà la Grèce au chaos (Régis Soubrouillard – Marianne ).
 
Pendant quatre ans, plusieurs écoles et universités n'ont pas fonctionné, les agents ont été mis à la porte et les soupes populaires se sont généralisées. Mais cela n’a pas suffi. Les services et les infrastructures du pays (réseau de distribution de l'eau, électricité) ont été « acquis » par des « investisseurs » étrangers. Le syndicalisme fût interdit, ainsi que les grèves. Les agents de l'État restants furent privés de la moitié de leur solde. En 1932, le peuple grec savait bien que les gouvernants du pays n'étaient, ni plus ni moins, qu'un corps de politiciens professionnels, dont les intérêts personnels étaient en réalité ceux de leurs patrons, entrepreneurs locaux ou non.
 
Ces derniers étaient les contributeurs directs des politiciens, souvent par le biais de la bourse, comme on pouvait déjà le lire dans la presse de l'époque. Le chômage officiel, de 75.000 personnes en 1928, passe à 237.000 en 1932 (pour 6,5 millions d'habitants). Les prix doublent, et les morts causées par la famine se comptent par milliers. Les jacqueries et autres révoltes spontanées sont violemment réprimées par la police, la gendarmerie et l'armée. De fait, la stratocratie s'impose comme étant le régime le mieux adapté à la situation selon les bancocrates de l'époque. La presse communiste ces années-là qualifie Elefterios Venizélos, premier ministre, de « dictateur ».
 
Le bipartisme ayant échoué, la mise à sac du pays, liée à la faillite de 1932, a entrainé la mécanique finale aboutissant en 1936 à la dictature de Metaxas. Je rappelle qu'a l'époque, le président au conseil des créanciers (aujourd'hui on dit également les « marchés ») était Sir Austen Chamberlain, (« Accords de Locarno » - 1925), demi-frère de Arthur Neville Chamberlain, (« Accords de Munich » – 1938). À terme, ces accords ont contribué à la logique du déclenchement de la seconde guerre mondiale.

« Jardiniers de Salonique »

Car encore chez nous le « dénouement » global 2012 se précise déjà bien, trop bien même. Le « gouvernement » vient de proposer par une loi cadre le transfert de la propriété de tous les biens de l'État, bandes côtières, ressources et monuments compris, vers une supra-structure gérante, liée aux « restructurants » de la dette.
 
En somme, nos « jardiniers de Salonique » cultivant le « tout en un » en politique et « la Troïka pour tous les autres », voilà ce qu'en Grèce on commence designer sous son onomatopée originelle : « bling bling ». A savoir, l'occupation de l'intérieur et celle de l'extérieur, main dans la main. Ce type de jardin n'étant pas qu'une spécialité de Salonique, ni même de la Grèce. On se demande pourtant pourquoi ces affaires sortent en ce moment car en Grèce cette supra-corruption ne tombe pas que du ciel. On se dit alors que le système prend de l'eau et la nuit des longs couteaux. Certains tentent de se repositionner dans le paysage « politique » sous le régime des Troïkan. Apparemment, il n'y en aura pas pour longtemps, ni pour tout le monde. Les petites salades cachent bien les vraies patates chaudes.

Citrons mécaniques

Entre temps, au centre ville d'Athènes, une certaine vie culturelle se poursuit comme elle peut. Un éditeur présente son calendrier 2012, un artiste peintre connu y ayant contribué. On y joue La Berceuse de Gabriel Fauré au piano, s’attardant ainsi un moment sur la vraie vie, pour aussitôt revenir au pays réel de la bancocratie et reprendre nos débats sur la crise. La Berceuse achevée, un ancien président d'université, assurant le réveil général, explicite autour de lui sa version de la sortie de crise, « dans la durée et dans la douleur, depuis cette double occupation que nous subissons », puis les gens s'apprêtent à partir.
 
Mais notre année 2012 de la culture, ne sera pas pour autant sauvée par quelconque calendrier. Je viens d'apprendre que le Centre européen de traduction – Littérature et Sciences Humaines est sur le point d'être fermé par le ministre de la Culture. Cet organisme cogérait notamment les résidences des écrivains en Crète et sur Paros. Liquidation. Il paraît que le mobilier et les ouvrages de la bibliothèque seront mis en vente.
 
Braderie alors. Ce n'est malheureusement pas une surprise par les temps qui courent. Disons pour se consoler que les clémentines Mycéniennes sont à 0,80 euros le kilo et que pour certaines BMW, les plaques ont été déjà déposées. Leurs propriétaires n'arrivent plus à payer taxes et essence. Tête-à-queue. Tandis que les rumeurs sur la blogosphère font état d'un métropolite (non désigné), supposé sous mandat d'arrestation par la police, car « il transportait des armes et 35 millions d'euros dans sa voiture ». « Infos » sans queue ni tète, jusqu'à preuve du contraire.
 
Un autre métropolite, Serafim depuis son Pirée (en vrai cette fois-ci), vient d'adresser une lettre ouverte, d'abord destinée à la secrétaire générale du P.C. grec Aleka Papariga, suivie par deux autres lettres, destinées aux chefs de deux autres partis de gauche, Alexis Tsipras (formation SYRIZA), et Fotis Kouvelis (DIMAR). « Sauvez le pays, empêchez cette ultime phase de trahison des autres partis, l'incinération finale de la Constitution et la perte définitive de notre souveraineté … mais revenez si possible aussi vers Dieu ». Du jamais vu depuis la création du P.C., au Pirée justement, en 1918.
 
En attendant la réponse de la camarade, ce samedi nous irons ramasser les citrons, car les citronniers des jardins communs en bas des immeubles sont bien pleins. Partagés entre locataires, nous en ferons ainsi notre jus d'agrumes pour toute la semaine prochaine. Pendant que « Le Parlement européen veut réduire le gaspillage alimentaire », nous, grands précurseurs, nous sommes déjà à nos … citrons mécaniques. Costa Europa.

Retrouvez Panagiotis Grigoriou sur son blog.

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