L'histoire se fera alors et ne jugera finalement personne. Ce midi, dans un café athénien et sous une température de saison, les clients et clientes (la soixantaine passée) lisaient la presse du régime, mais c'est surtout le scepticisme qui régnait. Un mendiant Pakistanais, accompagné d'un enfant, est venu troublé l'ordre des sceptiques, provoquant une altercation. D'abord la serveuse, une jeune femme d'origine étrangère est venue insulter le mendiant le jetant hors de l'établissement. Puis deux clients se sont mis à échanger des propos très politiques et néanmoins polis pour une fois, sur les responsabilités individuelles, collectives, et mondialisantes dans cette situation. Et comme dans tout café de commerce qui se respecte, tout le monde a finalement eu droit à la litanie sur les voleurs politiciens. «Certes, mais moi j'ai cotisé durant quarante ans et j'ai déjà perdu la moitié de ma retraite, le Paki lui, devrait par contre rester chez lui, ici ce n'est pas la terre promise», a déclaré un homme excédé, se sentant fortifié par le vécu de son âge et de ses acquis, désormais sur un radeau de sauvetage. Et comme ce n'était pas la mer à boire non plus, son contradicteur, électeur Syriza selon ses dires, s'est levé brusquement, et a ainsi quitté le café. Ces derniers jours on sent un certain énervement latent dans les relations avec autrui. Dans le métro, sur les trottoirs et à travers les rocades, lorsqu'elles sont encore fréquentées et fréquentables. Les Aubedoriens quant à eux, exercent une violence quotidienne, souvent diurne d'ailleurs, sur les immigrés. Menaces, intimidations et sang qui coule en silence. La Police observe bien entendu !
Ces derniers jours aussi, on se lasse et on se laisse gouverner pour se tourner vers l'insignifiant dans ses frontières de l'été, enfin franchies malgré tout. Déjà, le camping libre se généralise sur certaines plages de l'Attique entre vendredi et dimanche, les âmes ont toujours eu aussi besoin d'un certain néant, qui dirait le contraire ? La Troïka permanente s'installera paraît-il prenant possession d'un immeuble avenue du Pirée, et certains amis Albanais, installés depuis 22 ans à Salamine ne veulent pas quitter la Grèce comme l'ont déjà fait d'autres : «Nous avons notre maison bien à nous enfin depuis deux ans. Nous nous en sortons difficilement comme tout le monde. Mais en Albanie ce n'est plus chez nous vraiment. Même notre accent, l'usage des mots qui est le nôtre de la langue albanaise se trouve modifié. Nos enfants ne connaissent pas d'autre univers que celui de Salamine. Sauf que désormais nous avons peur, et pas que de la crise».
Récemment, notre presse, a également évoqué cette annonce de la découverte par les chercheurs du CERN, de cette nouvelle particule qui a toutes les apparences du célèbre boson de Higgs. Les gens restent indifférents car il y a d'autres nouvelles, plus préoccupantes (au sens positif du terme) et pour tout dire utiles : Plus de 7 tonnes de légumes sont gracieusement offerts aux citoyens de Thessalonique aujourd'hui par les services d'urgence humanitaire de la municipalité. Il s'agit d'une action conjointe, menée de concert avec les coopératives agricoles de la région d'Ierapetra, en Crète. On apprend que les stratégies de survie en ville, à Thessalonique plus exactement, se précisent au fil des mois et dans la douleur.
Le Théâtre National de la Grèce du Nord, basé à Thessalonique, représente à travers tout le pays cet été, «Notre grand cirque», une pièce historique et musicale célèbre depuis sa première présentation au public, durant les derniers mois de la dictature des Colonels (les séances ont été d'ailleurs interrompues par la police). C'est une vision ironique et satirique des événements grecs depuis le 19ème siècle. L'accent est mis sur la vassalisation du pays et sur les luttes et autres révoltes populaires. J'avais assisté enfant à cette pièce, en 1974, et le message partagé et diffusé par le monde des adultes d'alors c'était : résistance. Cette nouvelle programmation tient-elle du hasard artistique surtout en ce moment ? Les époques se parlent-elles alors ? Et si oui, pour dire quoi au juste ? Que l'histoire n'est qu'un théâtre ?
Ce qui n'empêche pas finalement la quête de l'insignifiant et de ses particules. Juillet, cœur de l'été grec, un pied dans l'histoire et un pied sous l'eau, au sens strict et figuré en même temps pour une fois. Nécrologies du jour : on vient de l'apprendre d'après les médias en ligne : à 15h, on enregistre déjà trois suicides ce lundi. Deux sur l'île d'Eubée (deux hommes, respectivement âgés de 40 et de 80 ans) et un autre homme, âgé de 42 ans, chômeur et père de deux enfants dans le Péloponnèse.