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Il y a les propos de campagne et les dures réalités des lendemains de victoire. Le candidat François Hollande avait promis aux Français de bloquer les prix des carburants à la pompe, qui ont retrouvé leur niveau élevé du printemps ; le président de la République et son gouvernement ont vite compris que cette piste était impraticable. Ils se sont rabattus sur une baisse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TIPCE) – forcément modeste et temporaire en période de disette budgétaire – et une ponction sur les marges des distributeurs.
Le ministre de l'économie a annoncé, mardi 28 août, que la réduction ira "jusqu'à 6 centimes". Elle entrera en vigueur "dès maintenant" et "pour trois mois". Pierre Moscovici a ajouté que l'effort serait également réparti entre l'Etat (3 centimes de baisse de taxe), qui perd environ 300 millions de recettes fiscales, et les distributeurs. "Ce sera à chaque opérateur d'annoncer jusqu'où il pourra aller", a déclaré Jean-Louis Schilansky, le président de l'Union française des industries pétrolières (UFIP).
PAS DE CRISE EXCEPTIONNELLE
Il y avait urgence, selon les associations de consommateurs qui sont sorties déçues et sceptiques, lundi, de leur entretien avec Pierre Moscovici et Benoît Hamon, le secrétaire d'Etat à la consommation. Le dernier relevé hebdomadaire du ministère de l'énergie indique, en effet, que le prix moyen du gazole (80 % des carburants vendus) a atteint 1,46 euro le 24 août et celui de l'essence SP95 près de 1,65 euro. Des niveaux historiquement hauts qui rendront la baisse de 6 centimes "cosmétique".
Lundi soir sur France 2, le premier ministre avait aussi insisté sur la nécessaire transparence du secteur. Un observatoire des prix et des marges avait été créé par le gouvernement Fillon. Jean-Marc Ayrault souhaite que les services de Bercy se penchent également sur le lien entre coûts d'approvisionnement et prix à la pompe, même si la Direction générale de la concurrence (DGCCRF) indique qu'elle n'a découvert aucune spéculation autour des stocks de carburants.
Pourquoi la nouvelle majorité n'a-t-elle pas décrété un blocage dès qu'elle a vu les prix à la pompe remonter au début des grandes migrations estivales ? Quand il avait proposé un gel de trois mois durant sa campagne, M. Hollande avait en mémoire un précédent. En août 1990, Pierre Bérégovoy, alors ministre de l'économie, avait pris un décret en Conseil d'Etat pour geler les prix des carburants jusqu'au 15 septembre. Une mesure d'exception pour une crise majeure : une semaine plus tôt, l'Irak avait envahi le Koweït, provoquant une flambée des cours.
MOBILISATION
Le gouvernement s'était appuyé sur l'article L. 410-2 du code du commerce autorisant un blocage pour une durée maximale de six mois. Mais l'arme ne peut être utilisée que dans des conditions précises comme "une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé". Rien de tel aujourd'hui, où le marché pétrolier n'est pas perturbé par une crise géopolitique majeure, un désastre climatique ou un fonctionnement anormal. Pénalisant pour les distributeurs, ce blocage avait été levé au bout de cinq semaines.
Vingt-deux ans après, la profession s'est de nouveau mobilisée contre un tel blocage. L'Union des importateurs indépendants pétroliers (Carrefour, Auchan, Casino et Cora) a prévenu, le 9 août, dans le Bulletin de l'industrie pétrolière, qu'il poserait "des problèmes économiques insurmontables". Et dès la proposition Hollande de gel des prix connue, le Conseil national des professions de l'automobile avait préparé une campagne pour rappeler, à coups d'affichettes placardées dans les stations-service, la lourde fiscalité pesant sur les carburants. Le gouvernement les a visiblement entendus.