Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes
| 12.09.11 | 11h33 • Mis à jour le 12.09.11 | 16h06
Six mois après la catastrophe, des manifestants ont formé une chaine humaine devant le ministère de l'économie à Tokyo, pour protester contre la gestion gouvernementale de la crise nucléaire.REUTERS/ISSEI KATO
Tokyo (Japon), Correspondance - Kasumigaseki, le dimanche, n'attire guère les promeneurs. Mais, depuis la catastrophe du 11 mars et la crise nucléaire qui a suivi, l'austère quartier des ministères du cœur de Tokyo s'anime presque chaque semaine avec des manifestations appelant à l'abandon de cette énergie.
Pour les six mois du début de la crise, le 11 septembre, 1 500 personnes ont bravé, avec des banderoles affirmant notamment qu'un "autre Fukushima peut arriver", un fort dispositif policier pour littéralement encercler le ministère de l'économie, chargé de la promotion du nucléaire. Puis quatre jeunes ont débuté une grève de la faim devant cette administration, dont le dirigeant, Yoshio Hachiro, a dû démissionner samedi, huit jours seulement après sa nomination.
En cause, ses propos qualifiant de "villes fantômes" certaines zones de la préfecture de Fukushima, à l'issue de son déplacement dans la région, et ses blagues avec des journalistes sur l'irradiation dont il était désormais victime. Il a été remplacé, lundi, par Yukio Edano, porte-parole du gouvernement précédent de Naoto Kan.
LE SITE DE FUKUSHIMA, PAS À L'ABRI DE NOUVEAUX SÉISMES
Ce rassemblement – à l'instar de celui de Shinjuku, toujours à Tokyo, où des heurts ont eu lieu avec des militants d'extrême droite venus défendre le nucléaire, ou encore celui de Kobé (ouest) où 3 000 personnes ont pu écouter l'un des rares parlementaires critiques du nucléaire, Taro Kono – reflète le malaise d'une population qui hésite entre colère, face au manque d'informations sur l'accident de Fukushima, et résignation.
Officiellement, à la centrale, la situation s'améliore. Les réacteurs 1 à 3 sont maintenus autour de 100 °C grâce à un refroidissement assuré en circuit fermé au moyen d'un dispositif de traitement de l'eau contaminée. La piscine du réacteur 4 bénéficie aussi de ce dispositif. Cela faisait partie des objectifs de la première étape du plan de reprise de contrôle, finalisé le 17 avril, et atteinte en juillet. La seconde devrait l'être en janvier 2012. Il s'agit maintenant de réduire la contamination de l'eau de mer et celle des sous-sols.
Or, la réalité semble plus complexe. Le gouvernement et Tepco (Tokyo Electric Power Company) ont reconnu que le combustible des réacteurs 1 à 3 avait fondu, que les cuves étaient percées et que l'écoulement du corium menaçait de polluer les sous-sols.
La décontamination de l'eau soulève le problème de l'accumulation des résidus hautement radioactifs qui s'ajoutent aux débris des explosions de mars et s'accumulent à la centrale, où des points contaminés à plusieurs sieverts ont été découverts.
De plus, les bricolages réalisés ne mettent pas le site à l'abri de nouveaux séismes. Depuis le 11 mars, le Japon a subi 559 répliques de magnitude 5 ou plus, dont 6 de magnitude supérieure à 7.
La santé des quelque 1 500 travailleurs du site inquiète aussi, l'un d'eux étant décédé fin août d'une leucémie aiguë. L'information, donnée par Tepco, était accompagnée d'une précision : sa mort n'aurait rien à voir avec son travail à la centrale. Beaucoup en doutent.
YOSHIHIKO NODA, AMBIGU SUR L'AVENIR DU NUCLÉAIRE
L'attitude de la compagnie continue donc de soulever des interrogations, comme l'information donnée par le gouvernement, jugée tardive et parcellaire. Une carte de la contamination radioactive dans un rayon de 100 km autour de la centrale n'a été rendue publique que début septembre, alors que les mesures avaient été effectuées en juin et en juillet.
Et puis, selon la presse japonaise qui reprenait, le 9 septembre, des conclusions de chercheurs, le chiffre du cumul des substances radioactives déversées dans le Pacifique serait trois fois plus important que celui avancé par Tepco : 15 000 terabecquerels (TBq), contre 4 700 TBq. A cela s'ajoutent les polémiques sur la contamination des aliments, contrôlés de manière erratique et opaque.
Enfin, contrairement à son prédécesseur Naoto Kan, le nouveau premier ministre, Yoshihiko Noda, en place depuis le 2 septembre et soutenu par le patronat japonais (Keidanren), est ambigu sur l'avenir du nucléaire et souhaite relancer rapidement les réacteurs à l'arrêt.
Six mois après le drame, la polémique sur le nucléaire ne saurait faire oublier la reconstruction des zones dévastées par le séisme et le tsunami, dont le bilan officiel atteint 19 868 morts et disparus.
Le coût de ces catastrophes est estimé à 16 900 milliards de yens (160 milliards d'euros). Les infrastructures de transport ont vite été remises en état. Mais de nombreux sites ne sont toujours pas nettoyés. Fin août, 49 000 logements temporaires (94 % du total) étaient achevés. Le dernier centre d'hébergement de la préfecture d'Iwate a été fermé. Ceux des préfectures de Fukushima et de Miyagi devraient l'être début octobre, au plus tôt.
Mais seules cinq des quarante municipalités touchées ont dressé des plans pour la reconstruction, dont le financement reste à définir. Il devrait l'être dans le troisième budget supplémentaire, dont le montant pourrait atteindre 10 000 milliards de yens.
Découvrez aussi les témoignages de Japonais dans l'édition Abonnés du site et dans Le Monde daté du 13 septembre, disponible dans les kiosques ce lundi 12 septembre à partir de 14 heures.
Philippe Mesmer