| 28.10.11 | 14h10 • Mis à jour le 28.10.11 | 15h15
Le directeur général de la la police nationale (DGPN), Frédéric Péchenard, à Paris, le 21 janvier 2011.REUTERS/JACKY NAEGELEN
Pendant un an, il a refusé de s'exprimer sur cette affaire. Jusqu'à ce matin du vendredi 9 septembre où Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale (DGPN), est sorti de son mutisme sur les ondes de France Info. "Oui", a-t-il affirmé, c'est bien lui qui a ordonné en juillet 2010 au patron de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), Bernard Squarcini, d'identifier la source du journaliste du Monde, Gérard Davet, dans l'affaire Woerth-Bettencourt.
Frédéric Péchenard, qui est entendu vendredi 28 octobre comme témoin assisté par la juge Sylvia Zimmermann chargée d'instruire l'affaire de la consultation des "fadettes" (factures téléphoniques détaillées) de notre collaborateur par la DCRI, assume. Responsable, mais pas coupable, comme a dit quelqu'un d'autre dans une autre affaire. "Je n'ai commis aucun acte illégal", répète-t-il.
Depuis plusieurs semaines, le patron de la police attendait ce rendez-vous avec un mélange de crainte et d'impatience. Début septembre, après qu'une cérémonie au cours de laquelle le président de la République devait lui remettre une décoration fut ajournée à la dernière minute - elle a été reprogrammée au 28 novembre -, n'avait-on pas annoncé sa démission forcée dans le cas où il serait mis en examen ?
Le 17 octobre, le patron de la DCRI, Bernard Squarcini, a été mis en examen pour "violation du secret des correspondances". A peine sorti du cabinet des juges, il recevait le soutien du ministre de l'intérieur, Claude Guéant, qui louait le talent de ce spécialiste du renseignement à la tête d'un service "essentiel à la sécurité de ce pays et de ses habitants". Pas question de parler de démission, a prévenu Claude Guéant. Et ce qui vaut pour l'un vaut pour l'autre, a indiqué en substance le ministre.
Donc, Frédéric Péchenard peut être tranquille : son départ n'est pas (ou plus ?) à l'ordre du jour. Aussi, quelle que pouvait être ce vendredi l'issue de cette audition devant les juges d'instruction, le numéro un de la police nationale a été assuré que son ministre de tutelle, Claude Guéant, ne lui manquerait pas. "J'aurai la même réponse à l'égard de Frédéric Péchenard que celle que j'apportais à propos de Bernard Squarcini. Une mise en examen ne signifie pas une culpabilité", a souligné celui-ci au micro de RTL, le 26 octobre.
S'il en était besoin, voilà Frédéric Péchenard rasséréné. Sa carrière ne devrait pas s'arrêter sur cette affaire. "Il est présumé innocent. Il peut continuer l'exercice de ses fonctions", a insisté M. Guéant.
Retour de bâton
Frédéric Péchenard, 54 ans, fils d'avocat, est policier depuis 1981. Commissaire de police, il a effectué toute sa carrière au sein de la police judiciaire parisienne (PJPP), car, comme il le confie, il n'a jamais voulu quitter Paris. Il a grandi dans le 17e arrondissement, à deux pâtés de maisons du domicile de la famille Sarkozy, et ne s'en est jamais éloigné. Il a été nommé à son poste il y a quatre ans et cinq mois par son "ami d'enfance" Nicolas Sarkozy, auquel il doit d'être l'un des tout premiers policiers à accéder à une fonction qui, jusque-là, était réservée à des hauts fonctionnaires issus des rangs de la préfectorale.
Mais, retour de bâton en quelque sorte, cette proximité lui vaut aussi d'être catalogué comme "le superflic du président". Même s'il en a parfois assez qu'on lui accole cette étiquette, cela aussi il l'assume. "Les Sarkozy ont toujours fait partie de mon environnement familial, comme les Péchenard ont toujours fait partie du leur", écrit-il dans son livre Gardien de la paix (éd. Michel-Lafon, 2007).
Sa carrière de flic, ce n'est cependant pas au chef de l'Etat qu'il la doit, aime-t-il rappeler. Tout juste, admet-il que le lien qui les unit a accéléré sa promotion. Avant d'accéder au rang de préfet et aux fonctions qui sont les siennes, Frédéric Péchenard était un "flic" reconnu par ses pairs. Un bon policier, patron de la PJPP, après avoir dirigé la "Crime" et la sous-direction des affaires économiques et financières. Des postes de confiance où l'ancien responsable du Syndicat des commissaires dirige des enquêtes parfois sensibles.
Dans l'affaire des "fadettes", Frédéric Péchenard clame qu'il n'a rien à se reprocher. A l'entendre, il n'a fait que son boulot en débusquant "le traître" qui se cachait au coeur de l'appareil d'Etat. Et il l'a fait sans que personne - sous-entendu l'Elysée - n'ait eu besoin de le lui glisser dans l'oreille. Il n'a pas demandé qu'on espionne les journalistes, se défend-il et est convaincu que, dans cette affaire, la DCRI a agi dans un cadre légal.
"Je ne vais pas me désolidariser", a-t-il dit à plusieurs reprises ces denières semaines. Bon soldat et fidèle en amitié, Frédéric Péchenard endosse tout. C'est lui qui, en juillet 2010, s'est rendu à la chancellerie pour informer la ministre de la justice d'alors, Michèle Alliot-Marie, que ses services suspectaient David Sénat d'être la source du journaliste du Monde.
Yves Bordenave