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4 septembre 2013 3 04 /09 /septembre /2013 14:21

 

Médiapart

SNCM : Ayrault se met dans les pas de Villepin

|  Par Philippe Riès

 

 

 

L'assemblée de Corse va voler une fois encore au secours de la souffreteuse compagnie SNCM en lui concédant le 6 septembre la nouvelle délégation de service public pour la desserte maritime de l'île. De l'étrange privatisation en 2005-2006 par Dominique de Villepin au énième sauvetage par Jean-Marc Ayrault, la continuité est parfaite sur fond de gabegie financière. Analyse.

Le changement, c’est pas maintenant ! Le gouvernement socialiste de Jean-Marc Ayrault se prépare activement à capituler, comme celui de Dominique Villepin lors de l’étrange privatisation-renflouement de 2005-2006, face au chantage social qui est depuis des années au cœur du « projet industriel » de la SNCM. L’Assemblée de Corse doit, le 6 septembre, décider d’accorder de nouveau à l’ancien armement public une « délégation de service public » (DSP), dont l’enveloppe financière à peine réduite (104 millions d’euros par an) payée par le contribuable français, préservera la rente du transporteur «historique» installé en position dominante sur le port de Marseille.

Dans cette affaire, les élus corses, dont les rodomontades sur une « remise à plat » ont fait long feu, ne sont que des figurants. « Qui paie commande » et l’argent vient de l’État, c'est à dire du contribuable. « Nous avons mobilisé toute notre énergie pour rendre le contexte favorable à une attribution », a d’ailleurs lancé le ministre chargé des transports devant la presse régionale. Pour Frédéric Cuvillier, « il faut sauver la SNCM ». « C’est un joyau du pavillon français », a-t-il insisté, ce qui, compte tenu du passé troublé, des pertes financières récurrentes et des performances commerciales calamiteuses de la SNCM, relève au mieux de l’humour noir.

« J’ai dû assurer la volonté de l’État de s’impliquer fortement, car nous avons frôlé le drame humain, social et économique», a affirmé le ministre. Drame économique ? Avant tout pour les principaux actionnaires de la SNCM, le groupe privé Véolia Environnement et la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), pour lesquels l’attribution de la DSP (pour dix ans, 2014-2023) au transporteur est une condition du dénouement de leurs relations conflictuelles dans ce dossier empoisonné. Comme elle était, en 2007, un élément clef de l’étrange « privatisation ».

 

Le Napoléon Bonaparte, fleuron du "joyau" 
Le Napoléon Bonaparte, fleuron du "joyau"© DR

Donc, suivant l’avis forcément motivé de Paul Giacobbi, président du Conseil exécutif de l’île et patron de l’Office des transports de la Corse (OTC), les élus corses vont confirmer pour dix ans le monopole de la SNCM (et de son partenaire contraint et forcé, la Méridionale) sur les désertes entre Marseille et cinq ports corses. Le montant avancé est de 96 millions par an en moyenne (soit près d’un milliard d’euros au total), jugé « beaucoup trop cher» avant l’été, avec un plafond annuel de 104 millions à peine inférieur à la sommé réclamée (107 millions) par le groupement SNCM-CMN, que M. Giacobbi avait rejetée en juin dernier. Dans l’actuelle DSP (2007-2013), la compensation financière versée au groupement SNCM-CMN dépasse les 110 millions.

C’est le prix du refus de la concurrence. Certes, pour se conformer en apparence aux droits européens et même français de la concurrence, avec lesquels la SNCM et ses sponsors politiques ont eu dans le passé des relations mouvementées, l’appel d’offres pour cette nouvelle DSP a bien été rédigé ligne par ligne, fait observer Pierre Mattei, le PDG de Corsica Ferries, principal concurrent de la SNCM. « Nous pouvions mobiliser quatre navires sur les sept nécessaires pour assurer les dessertes à partir de Marseille. Il y avait plusieurs combinaisons possibles. Mais nous avons calculé que si Corsica avait obtenu les trois lignes du sud, la SNCM conservant les deux lignes du nord, le coût total de la compensation pour l’OTC aurait été de 61 millions d’euros par an, contre les 96 millions qui vont être accordés au groupement SNCM-CMN. » « Cette différence de 35 millions pour les finances publiques représentent sur dix ans le budget estimé de la reconstruction du port de Bastia, soit 350 millions », souligne-t-il.

« 35 millions, curieusement, c’est exactement la somme que la SNCM perd avec la suppression du service complémentaire, condamné par les autorités européennes », fait observer Pierre Mattei. Ce service complémentaire, comme Médiapart l’a déjà expliqué, était une aberration économique, consistant à permettre à la SNCM d’entretenir à grands frais à longueur d’année des surcapacités de transport et des sureffectifs pour faire face au trafic de pointe de l’été, au moment précis où la concurrence devrait jouer à plein au bénéfice des clients.

 

Aides d'État illégales : Véolia et la CDC devront payer

Il faut dire que dans leur obstination à défendre le monopole à Marseille du « joyau du pavillon français », les gouvernements français successifs se sont placés régulièrement en infraction avec le droit européen de la concurrence. En dépit de la complaisance de la commission Barroso (lire ici), une sanction est tout de même tombée en septembre 2012, quand la justice européenne a désavoué l’exécutif bruxellois et condamné les conditions de l’étrange privatisation. En dépit du chantage social répercuté à Bruxelles par le commissaire français Michel Barnier, la Commission a finalement exigé en mai 2013 que la SNCM rembourse à l’assemblée de Corse (c’est-à-dire au contribuable français) 220 millions d’euros d’aides d’État indûment versées au titre du service complémentaire. Jugement contre lequel le gouvernement de gauche, dans une continuité parfaite avec ses prédécesseurs de droite, a immédiatement fait appel.

Le problème est que l’appel n’est pas suspensif si on s’en tient à la jurisprudence européenne et le sursis à exécution improbable quand les actionnaires sont prospères (arrêt Alcoa Trasformazioni). C’est donc sans surprise que l’on a appris à la veille du weekend le rejet par la justice européenne du sursis à exécution déposé par Paris en même temps que l’appel sur le fond.

Véolia et la CDC, qui détiennent conjointement 66 % de la SNCM à travers leur filiale commune Transdev, vont devoir mettre la main à la poche. Ils en ont les moyens, notamment Véolia, qui n’a pas à se plaindre des conditions financières qui lui ont été faites lors de l’étrange privatisation et qui au demeurant n’a pas hésité à accorder une plus-value de 60 millions d’euros à Walter Butler (le spécialiste du « retournement » qui s’est également illustré au Sernam et chez Virgin Mégastore) quand elle a racheté sa participation en décembre 2008. Plus-value révélée par Médiapart (lire ici) et dont on cherche toujours aujourd’hui la rationalité économique (mais peut-être l’explication se trouve-t-elle ailleurs ?).

En dépit de ces désagréments, l’octroi de la DSP à la SNCM est une bonne nouvelle pour les actionnaires privés (l’État détenant toujours 25 % du capital et les salariés 9 %), car elle devrait leur permettre de débloquer le dossier Transdev dans lequel l’armement marseillais est apparu comme un énorme grain de sable. Afin de solder le pesant héritage financier de son prédécesseur Henri Proglio (toujours à la tête d’EDF en dépit du « changement »), le patron de Véolia Antoine Frérot veut désengager son groupe de l’activité transport. La CDC est prête à racheter son partenaire dans Transdev, mais l’institution publique dirigée par Jean-Pierre Jouyet, l’ami intime du Président François Hollande, fait une exception pour « le joyau de l’armement français » dont elle ne veut à aucun prix. On se demande bien pourquoi.

Avec l’attribution de la DSP, Véolia qui avait un moment envisagé de céder la SNCM à l’assemblée de Corse pour l’euro symbolique, devrait prendre son mal en patience, en attendant la grande réforme de la « gouvernance » de la compagnie promise par Frédéric Cuvillier. « Le problème sera réglé lorsque les questions stratégiques de la DSP, des contentieux de Bruxelles et du plan industriel seront réglées. Nous organiserons un tour de table pour stabiliser la gouvernance avec des acteurs du maritime », a indiqué le ministre le 28 août.

En 2003 déjà, quand le gouvernement français de l’époque a déposé à Bruxelles un premier plan de renflouement de la SNCM, il était promis de faire de la compagnie une entreprise «normale». C’était il y a dix ans et avant l’engloutissement de quelques centaines de millions d’euros d’argent public. Les pertes financières sont toujours là. Les conflits sociaux à répétition aussi. 

Corsica Ferries, à l’origine des recours contentieux administratifs et judiciaires qui ont animé ce feuilleton à Bruxelles et en France, envisage-t-elle de dénoncer à nouveau les conditions d’attribution de la nouvelle DSP ? « La décision n’est pas prise. Nous verrons bien », répond Pierre Mattei. Il accueillera le vote des élus corses avec philosophie : « Nous avions autant de chance de gagner que le FC Bastia de remporter la coupe des champions européenne », plaisante-t-il.

 

 

 

 

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