Par Jean-Marcel Bouguereau
Jean-Marcel Bouguereau (PP)
C'est un des scandales de la République, dénoncé comme tel, à plusieurs reprises, par la Cour des Comptes : celui de la tarification des autoroutes, que chacun, au moment des départs en vacances, expérimente à son détriment. Une sorte de racket légal qui se fait avec l'assentiment de l'État.
C'est que l'État est responsable de la vente en 2005 de ces bijoux de famille. Toutes les familles politiques sont concernées : c'est Dominique de Villepin qui parachève la privatisation engagée, en 2002, par la gauche sous Lionel Jospin. Et c'est Jean-Louis Borloo, ministre de l'Écologie et des Transports, qui prolonge la concession des sociétés d'autoroutes, avec un pauvre alibi écologique, un programme de "verdissement des autoroutes" ! Ce qui explique l'extrême passivité des représentants de l'État - toutes tendances confondues -- dans les négociations avec les sociétés autoroutières que les Sages de la rue Cambon estiment se faire toujours au profit de ces dernières.
En fait la Cour des comptes reproche à l'État de ne pas assez s'imposer dans la fixation des tarifs négociés avec les sociétés autoroutières depuis leur privatisation. Jugez-en ! Ces tarifs, c'est un peu la roue de la fortune. Vinci Autoroutes, APRR et Sanef ont touché 7,6 milliards d'euros de péages en 2011. C'est qu'en cinq ans, les tarifs autoroutiers jugés "opaques et injustes" par la Cour des comptes, auraient augmenté de 11 %, alors qu'aucune amélioration du service ne le justifie. Comme chaque année le tarif des péages a été augmenté au 1er février, soit une hausse moyenne de 2,01 %, plus que l'inflation.
Car c'est une énorme machine à cash qui est cédée pour le prix ridicule de 15 milliards d'euros. Quarante milliards de bénéfices seront engrangés d'ici 2032, date de fin de la concession. Les bénéfices d'Autoroutes du Sud de la France ont bondi de près de 78 % en six ans, ceux d'Autoroute Paris-Rhin-Rhône de 103 %. Mais ce n'est pas tout : la Cour cible aussi le manque d'exigence de l'État "en cas de non-respect de leurs obligations par les concessionnaires, qu'il s'agisse de préserver le patrimoine, de respecter les engagements pris dans les contrats de plan ou de transmettre les données demandées".
Les Sages recommandent donc de "mettre en oeuvre des dispositions contraignantes" et de "réaliser systématiquement une contre-expertise (…) de tous les coûts prévisionnels des investissements". Sans parler de cet autre scandale, le système de l'intégration fiscale qui permet à ces sociétés de déduire le coût de leur endettement et leur a permis d'économiser 1,5 milliard d'euros en cinq ans sur ses impôts. Peut-être pourrait-on suggérer une renationalisation des autoroutes ?