Médiapart
L’Association des amis de Nicolas Sarkozy ne porte décidément pas chance au maire et député UMP de Nice, Christian Estrosi. Trois mois après l’ouverture d’une enquête préliminaire pour « détournement de biens publics » faisant suite aux révélations de Mediapart, le procureur de Nice vient à nouveau d’être saisi pour des « faits susceptibles d’être qualifiés de prise illégale d’intérêts et de concussion ».
Adressé par courrier recommandé le vendredi 19 avril, ce signalement, déposé au titre de l’article 40 du code pénal, est cosigné par la conseillère municipale PS de Nice, Frédérique Grégoire-Concas, et le responsable de l’association anti-corruption Anticor 06, Jean-Christophe Picard. Tous deux mettent en cause les conditions de financement du grand rassemblement organisé par les Amis de Nicolas Sarkozy, les 24 et 25 août 2012, à Nice.
À la demande de l’association organisatrice, la mairie de Nice avait en effet mis à disposition, pendant deux jours, le jardin public des Arènes de Cimiez, un quartier chic de la ville. La police municipale avait également été déployée afin de sécuriser la manifestation. « Coïncidence : il se trouve que Christian Estrosi est justement… le secrétaire général de l’association des Amis de Nicolas Sarkozy », souligne Jean-Christophe Picard.
Une « coïncidence » qui n’avait pas non plus échappé à Frédérique Grégoire-Concas, qui avait profité de sa qualité d’élue pour demander quelques éclaircissements à l’édile niçois. « J’en ai marre que les élus se comportent avec les biens de leur collectivité comme si c’étaient les leurs, explique-t-elle à Mediapart. En gros, c’est : on a besoin d’organiser quelque chose pour l’UMP, on vient à Nice parce que c’est chez nous. Et on oublie les règles qu’on avait soi-même établies pour les autres. »
Dans un courrier daté du 12 octobre 2012, le directeur de cabinet de Christian Estrosi, Anthony Borré, avait répondu à l’élue socialiste que « la mise à disposition de cet espace public (avait) été réalisée dans les même conditions que celles dévolues traditionnellement aux associations à but politique à savoir la gratuité de la mise à disposition du site et la facturation d’une redevance pour l’établissement d’une zone de chalandise ». Quant à la police municipale, elle était effectivement intervenue « conformément à l’article L2212-2 du Code général des collectivités territoriales ».
Mais pour Frédérique Grégoire-Concas et Jean-Christophe Picard, cette réponse est loin d’être satisfaisante. D’autant qu’une délibération du conseil municipal de Nice, datée du 19 décembre 2008, stipule que la gratuité d’occupation ou d’utilisation pour les associations est conditionnée au fait que « cette occupation ne génère aucune recette ». « Or lors du rassemblement des Amis de Nicolas Sarkozy, “chaque parlementaire a (…) dû contribuer à hauteur de 35 euros au financement du dîner”, indiquent les requérants, citant un article de Rue 89. En outre, de nombreux produits dérivés étaient en vente : casquettes, T-shirts, canotiers… Il y a donc incontestablement eu des rentrées d’argent ! »
« Ainsi, en sa qualité de maire de Nice, M. Christian Estrosi a décidé – en dehors de toute délibération l’y autorisant – de mettre gratuitement à disposition de l’Association des Amis de Nicolas Sarkozy, d’une part, une partie du domaine public (le Jardin des Arènes de Cimiez) et, d’autre part, des agents publics (des policiers municipaux) », poursuivent-ils.
Contacté par Mediapart, le directeur de cabinet du maire de Nice, Anthony Borré, assure que dans « ce dossier, sur lequel Madame Grégoire-Concas tente de faire de l’agitation politicienne et malvenue, les choses ont été faites dans les règles administratives et juridiques de la ville ». « La mairie a pris un arrêté, comme elle le fait pour toutes les manifestations, ajoute-t-il. Les lieux n'ont pas été privatisés et sont restés ouverts au public. Cette mise à disposition s'est faite à titre gracieux, comme nous le faisons chaque année pour le parti communiste (pour la version niçoise de la fête de l'Huma – ndlr). La seule partie payante pour les associations, c'est le stand où sont vendus les produits dérivés. Il faisait 12m2 pour l'association des Amis de Nicolas Sarkozy et il a fait l'objet d'une facture. »
Mi-octobre, Frédérique Grégoire-Concas et Jean-Christophe Picard s’étaient déjà adressés au préfet des Alpes-Maritimes, Christophe Mirmand, lui demandant de bien vouloir intervenir pour que l’association « s’acquitte de la redevance d’occupation du domaine public ». Leur courrier étant resté sans réponse, ils se tournent aujourd’hui vers la justice. « Il n’est pas normal que l’argent public serve à payer ce genre de raout, concluent-ils. Les contribuables niçois ne sont pas tous les amis de Nicolas Sarkozy ! »