La capacité des médias dominants français à se comporter comme les porte-paroles des compagnies EDF et Areva est toujours aussi surprenant. La nouvelle a ainsi été diffusée le 18 octobre que EDF (Electricité de France) et le gouvernement du Royaume-Uni ont trouvé un accord sur le financement de deux réacteurs EPR en Angleterre, accord devant être signé lundi 21 octobre. Cela parait exact.
Et d’annoncer dans la foulée - en modulant diverses harmonies du "cocorico" - que donc, EDF va construire avec Areva (et un partenaire chinois, CGN, China General Nuclear) deux réacteurs EPR en Angleterre. Ceci est très douteux.
En effet, l’accord qui doit être formellement annoncé lundi prévoit que le gouvernement britannique garantira au consortium exploitant les éventuels réacteurs un prix garanti de l’électricité. Ce prix est établi au tarif de 109 euros le mégawattheure.
Notons, comme l’ont relevé les députés écologistes Michèle Rivasi et Denis Baupin, que ce tarif est bien plus élevé que le prix du marché et que celui de l’électricité nucléaire. Officiellement, le prix du mégawattheure en France est de 49,50 €, selon le rapport de la Cour des Comptes de janvier 2012.
Rapport de la Cour des Comptes sur les coûts de la filière électronucléaire (p. 280).
En acceptant un prix de plus de cent euros et en s’en réjouissant, EDF, Areva et le gouvernement français reconnaissent donc que le prix de l’électricité nucléaire des prochains réacteurs (s’il y en a) sera bien plus élevé que ce qui est facturé aujourd’hui. Et aussi que les énergies renouvelables ont déjà un prix inférieur à ce prix à venir.
L’Europe qui dit oui, l’Europe qui dit non
Mais le fait que le gouvernement anglais signe avec EDF un accord ne signifie aucunement que deux réacteurs EPR vont être construits en Angleterre. Car les conditions de financement en sont telles qu’elles ne répondent pas aux critières du marché européen. Or, l’Union européenne doit en principe assurer des conditions d’égale concurrence entre énergies. Et cet accord ne les respecte pas.
Les gouvernements français et anglais ont bien tenté de convaincre la Commission européenne d’accepter cette clause de prix garanti, sur le modèle de ce qui est appliqué aux énergies renouvelables. Mais comme l’a rapporté le Financial Times, cette proposition a été rejetée lors d’une réunion des commissaires européens le 8 octobre dernier : l’opposition de l’Allemagne, qui est en train de sortir du nucléaire, et de l’Autriche, a été farouche. Et même si la France a cédé récemment à l’Allemagne sur la question de la pollution automobile, il y a peu de chance que cette lâcheté conduise Berlin à céder sur une question qui est au coeur de sa politique énergétique. Ainsi, le nucléaire doit respecter les régles de la concurrence. Et un prix garanti par un gouvernement pendant trente-cinq ans a peu de chances de respecter les règles de la concurrence...
En tout cas, avant de couler la moindre goutte de béton, il faudra soumettre l’accord sur ces fameux EPR à la Commission européenne qui examinera si cette aide d’Etat est acceptable. Comptez douze mois d’attente pour la décision, précisent à The Independent des sources anglaises.
Et sur place, à Hinkley, où sont censés être construits ces EPR si coûteux, le chantier a encore pris du retard : il ne démarrerait pas avant la mi-2015, rapporte Building, un journal britannique spécialisé dans la construction. Le personnel dédié à la préparation du chantier est même passé durant l’été de 140 travailleurs à 35, selon le journal.
Alors, les EPR en Grande-Bretagne ? Wait and see….
Au fait, c’est censé être un détail : le gouvernement anglais veut redévelopper le nucléaire en Angleterre, mais n’a aucun endroit où mettre les déchets nucléaires. Et les déchets des EPR de Hinkley, on les mettrait où ? En Chine ?