Stathis, artisan — petit commerçant en faillite, s'est montré pourtant plus perplexe : « Eh les gars, moi j'ai payé la taxe de l'électricité car je ne veux pas avoir des embrouilles avec le fisc. Mon atelier où j'employais six personnes est en faillite depuis octobre comme vous savez, donc je dois de l'argent à la sécurité sociale, aux impôts et aux banques, je recherche plutôt … où me planquer... ».
Ce Stathis n'a pas été un grand tricheur, ce qui est également bien reconnu de tous ici. Il n'a ni compte en Suisse, ni deuxième maison, ni deuxième voiture, ni de deuxième chance finalement. Certes, la gestion de son entreprise n'était pas toujours très brillante, mais travaillant également lui-même du matin au soir, il n'a jamais voulu laisser ses ouvriers sans salaire.
Tous originaires du même village, c'était aussi une question d'honneur, d'orgueil même. Je ne dis pas de solidarité, car elle n'est pas si naturelle, sauf entre membres d'une parentelle, d'un clan et encore. La méta-culture pré-bancaire, (et « prêt bancaire » pour certains), a eu aussi comme conséquence dans les campagnes, la désarticulation de certaines solidarités, disons organiques, accentuée par le modèle unique et imposant, du consommateur orgueilleux.
Donc Stathis avec son ex-entreprise d'ameublement ne sauvera peut-être pas les meubles. Il attend seulement la suite, résigné mais souriant. « Nos parents ont vécu l'enfer jadis, qu'ils aillent se faire f*** ces gouvernants, et l'euro avec». Et au café, on a trinqué. «Amen» !
Car le père de Stathis fut résistant durant la précédente occupation. Partisan aux rangs du Front National de Libération (EAM), la plus importante structure politique armée en Grèce entre 1942 et 1946, animée par le Parti Communiste, conserve bien ses souvenirs. Le vieux Pavlos, c'est le nom du père de Stathis, raconte encore ces années, sans la moindre émotion dans la voix :
« On crevait ou on tuait, puis en 1947, durant la Guerre Civile, j'ai dû faire mon service au sein de l'Armée Nationale, l'armée de l'État quoi, contre les communistes, pendant ce temps, mon oncle, communiste, était déjà en exil sur une île de l'Égée. Nous avions souffert tous, et cela nous rattrape, car le temps dur s'en va, mais il peut revenir, comme le vent de la montagne, là, en face ». Pavlos, né en 1917, était même sorti hier matin avant la neige, pour se préparer un peu de petit bois, a-t-il dit, son fils.