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24 février 2014 1 24 /02 /février /2014 18:14

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

En Syrie, la montée en puissance des milices chiites maintient en vie le régime d'Assad

|  Par Pierre Puchot

 

 

C’est l’autre « djihadisme » international, celui dont on parle peu, quand il est pourtant plus imposant que celui des combattants étrangers sunnites. Arrivés d’Irak ou d’Iran, plusieurs milliers de miliciens chiites affluent depuis le début de la guerre, en appui de l’armée syrienne et du Hezbollah. Une tendance qui s'accentue et interroge toute la stratégie déployée par les pays occidentaux.

Dans le dossier syrien, le rapport de force sur le terrain prime sur toute autre considération politique et géostratégique. Là réside la principale leçon à tirer du dernier cycle de négociation, après le nouveau fiasco des pourparlers de Genève 2, qui a poussé le médiateur international de l'ONU, Lakhdar Brahimi, à présenter ses excuses aux Syriens.

Vendredi, faute d’avoir obtenu un accord à Genève entre le régime et l'opposition syrienne, les pays occidentaux ont soumis au vote du Conseil de sécurité de l'ONU un projet de résolution sur la situation humanitaire en Syrie. Le texte appelle toutes les parties à lever immédiatement les sièges des zones peuplées et demande l'arrêt de toutes les attaques contre les civils. Le conflit syrien a déjà fait plus de 140 000 morts depuis mars 2011, et l’enjeu humanitaire est aujourd’hui devenu la première préoccupation de l’ONU. Le texte présenté a été adopté sans veto de la Russie. Il faut dire qu'il n'est pas contraignant…

Si les pourparlers en Suisse entre l'opposition et le régime syrien ont été suspendus, samedi 15 février, après deux rounds parfaitement stériles et si le régime syrien est arrivé en Suisse peu enclin au moindre compromis, c’est en partie parce que le rapport de force sur le terrain a basculé depuis le début de l’année 2013 grâce à l’intervention des miliciens chiites de la région. 

L’afflux de ces milices venues du Liban ou d’Irak, et dont la plupart sont soutenues par l’Iran, est un facteur déterminant dans le maintien au pouvoir de Bachar al-Assad, et donc dans la poursuite du conflit, quand l’opposition semblait proche de la victoire à l’été 2012, avant de décliner peu à peu. « Il est probable que sans le réseau régional iranien de combattants chiites, le régime d’Assad n’aurait pas été capable de conduire la plupart de ses récentes contre-offensives », estime le chercheur Phillip Smyth, chercheur à l’université de Maryland, aux États-Unis, et spécialiste des mouvements chiites.

Qui sont-ils ? Combien sont-ils ? La plupart des chercheurs les estiment plus nombreux que les djihadistes sunnites venus de l’étranger pour garnir les rangs de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL, lire notre article) et surtout Jabhat En-Nusra, plus proche de la population mais qui a saisi l’étiquette Al-Qaïda pour attirer les combattants étrangers.

Aux côtés du régime syrien, il y a d’abord les Gardiens de la révolution iraniens, l’armée idéologique de Téhéran, qui forment les militaires syriens et leur assurent un soutien logistique. Selon les différentes estimations, leur présence se chiffre en milliers d’hommes. Les forces du Hezbollah libanais, bien entraînées et directement liées au guide suprême iranien Ali Khamenei, sont estimées entre 3 000 et 5 000 hommes. De ces deux entités est issu le groupe Asa’ib Ahl al-Haq, très actif et qui menaça de frapper les États-Unis à l’été 2012, lorsque Washington avait encore en tête de bombarder le régime syrien. Les miliciens du groupe Badr constituent, eux, la principale force venue d’Irak. Parmi les autres milices, subsiste notamment la première formation chiite apparue en Syrie, désignée sous le nom de Liwa’ Abu Fadl al-Abbas, et principalement composée de combattants chiites syriens.

Identifier les groupes présents en Syrie est une chose. Mais estimer le nombre de leurs miliciens relève du casse-tête. « Ce sont des données très secrètes, explique Phillip Smyth. Je regarde d’abord les annonces de funérailles de combattants chiites en Irak, sur les réseaux sociaux, sur les sites internet. J’ai aussi des contacts en Syrie, que j’interroge. Si un groupe de combattants perd une dizaine d’hommes par semaine, et arrive à se maintenir en Syrie, on comprend alors que c’est un groupe important. Je dirais que leur nombre n’a cessé d’augmenter, pour atteindre entre 5 000 et 8 000 combattants. Ces organisations sont maintenant déployées autour d’Alep, jusqu’à des villages chiites isolés au nord du pays ou à Damas. » « Leur nombre fluctue, poursuit le chercheur, car à la différence des djihadistes sunnites, les combattants chiites rentrent chez eux, au Liban, en Irak, avant de se redéployer à nouveau. C’est tout particulièrement vrai pour les combattants expérimentés, qui rentrent également en Irak pour agir au niveau politique et recruter de nouveaux miliciens. »

La preuve de l’efficacité des miliciens chiites n’est plus à faire. Au printemps 2013, l’apport de ces combattants fut décisif pour reprendre l’aéroport d’Alep à l’opposition. Par la suite, la bataille et la victoire du Hezbollah à al-Qousseir – une ville à fort enjeu stratégique, puisque située entre Homs et la frontière libanaise, et devenue depuis une victoire symbolique pour le camp chiite (lire sur ce thème l’article de recherche « L’engagement du Hezbollah dans la guerre civile syrienne :
 Nouvelle mutation ou indice de décadence du mouvement ? ») – a démontré tout le savoir-faire des combattants d’Hassan Nasrallah et des milices.

« Les Libanais et Irakiens œuvrent en étroite collaboration avec l’Iran, explique Phillip Smyth. Le Hezbollah dispose notamment d’un commandant iranien des Gardiens de la révolution, qui assure la liaison avec Téhéran. Ils sont bien plus unis que les sunnites. La plupart arrivent en Syrie par avion, par l’aéroport de Damas qui est principalement sécurisé par les milices. Ce qui nécessite également une coordination avec l’armée syrienne. »

La guerre syrienne au-delà des frontières

Reste la question principale : pourquoi combattre aux côtés d’Assad ? La plupart des analystes mettent en avant le facteur « chiites contre sunnites », ce schisme au sein de l'Islam censé justifier une mobilisation automatique de part et d’autre. Le mouvement Al-Qaïda ne considère-t-il pas le régime iranien comme apostat et les chiites comme des hérétiques ? La réalité des rapports de force, des relations de hiérarchie et de solidarité militaires est pourtant bien plus complexe. « L’implication des acteurs chiites – Iran, Hezbollah libanais, groupes irakiens – est souvent présentée en des termes religieux, écrit le think tank américain Carnegie endowment for peace, dans une note publiée en janvier 2014. Mais les motivations des combattants chiites en Syrie (ou du moins des États et groupes qui les ont envoyés là-bas) sont plus nuancées, et dues à un nombre de facteurs géopolitiques, de défense ou impliquant le sens de l’autopréservation, plutôt qu’à un simple sectarisme comme il est souvent fait mention. » 

Souvent présenté comme automatique, le soutien des chiites à la communauté alaouite, dont sont issus la plupart des dignitaires du régime syrien, est un leurre, quand les Alaouites ne sont pas considérés comme des chiites par bien des groupes et clercs d’Irak et d’Iran. En lui-même, le régime d’Assad importe d’ailleurs peu aux miliciens. « Leurs motivations n’ont pas grand-chose à voir avec le fait de défendre le régime, estime Phillip Smyth. Il s’agit avant tout de défendre les lieux sacrés, autour de Damas en particulier, avec la mosquée Sayyida Zineb. À partir de 2013, un nouveau paradigme est apparu, quand des katibas (groupes de combattants) chiites ont affirmé s’engager en Syrie pour éviter que les djihadistes sunnites ne viennent les menacer… en Irak. »

L’autre facteur est la volonté directe du clergé iranien de s’impliquer dans le conflit syrien. Mi-2013, une fatwa, émise sur Facebook par l’ayatollah Al-Haeri, a déclaré la Syrie comme terre de djihad pour la défense de l’Islam, et mis fin aux atermoiements d’un clergé iranien, jusque-là divisé sur la question du djihad en Syrie. « Sans le soutien de l’Iran et la structure idéologique du régime syrien, il n’y aurait pas une telle présence de combattants chiites en Syrie, explique Phillip Smyth. Les Libanais du Hezbollah répondent par exemple à un commandement direct du clergé iranien, et pour eux, leur désobéir équivaudrait à désobéir à Dieu lui-même. La majorité des combattants chiites adhèrent à l’idéologie iranienne, en arabe Wilayat al-Faqih, la structure qu’utilise l’Iran sous la coupe du guide suprême, Ali Khamenei. Si Khamenei émet une fatwa, le groupe qui suit Wilayat al-Faqih obéira à cette fatwa. Or presque tous les groupes suivent cette idéologie. Ils ont foi en l’idéologie de l’Ayatollah Khomeiny, qui a pris l’Iran en 1979. » Téhéran tente en outre de séduire des clercs militants qui ne lui sont pas directement liés, et notamment Moqtada al-Sadr et ses milices irakiennes, pour les convaincre de se joindre à eux dans le djihad en Syrie.

L’extension du conflit sur le territoire libanais participe également de cette dynamique géostratégique, bien davantage que le seul facteur chiite qui n’était pas, du moins jusqu’à l’invasion de l’Irak par l’armée américaine en 2003, un élément clé de la politique étrangère iranienne. L’attentat survenu à Beyrouth le 19 février 2014 contre le centre culturel iranien est d'ailleurs, selon la plupart des observateurs, une émanation directe du conflit syrien.

Dimanche 16 février, le chef du Hezbollah avait une nouvelle fois annoncé vouloir éliminer les takfiri (terme utilisé par Nasrallah pour désigner les djihadistes sunnites) de Syrie. Une stratégie en apparence sectaire, mais en réalité toute pragmatique, quand son engagement aux côtés du régime d’Assad a beaucoup nui à la capacité de soft power du Hezbollah et de l’Iran auprès des populations arabes, y compris chiites. « Sa déclaration confirmait les dernières évolutions de son discours, estime Romain Caillet, chercheur à l’Institut français du Proche-Orient (IFPO) basé à Beyrouth. Nasrallah parle davantage de “l'ennemi takfiri” que de “l'ennemi sioniste”, et ce pour conserver le soutien des chiites libanais non islamistes, qui voient désormais dans le Hezbollah un protecteur contre les radicaux sunnites en Syrie et au Liban. »

« L’attentat et le conflit syrien sont clairement connectés, juge pour sa part Phillip Smyth. C’est une manière pour les groupes proches d’Al-Qaïda de dire à l’Iran et au Hezbollah : nous pouvons vous frapper quand nous voulons, où nous voulons, même là où vous vous croyez en sécurité. »

Si elle déborde aujourd'hui des frontières syriennes, l’influence des miliciens chiites demeure liée à la volonté de Téhéran de s’impliquer dans le conflit. L’Iran pourrait-il décider de les retirer de Syrie si des progrès par voie diplomatique se faisaient jour, comme l’espère Obama depuis la fin de l’année 2013 ? « La majorité de l’administration américaine est déconnectée de la réalité du terrain, juge au contraire Phillip Smyth. Les Iraniens ont implanté des milices en Syrie, gardent la haute main sur celles-ci et auraient certes la capacité de les faire se retirer. La question est : pourquoi le feraient-ils ? Ça n’arrivera pas à moyen terme. Une fois que vous avez déclaré le djihad, le but, c’est de remporter la victoire. Vous pouvez négocier ce que vous voulez avec l’Iran ; la réalité, c’est que pendant ce temps-là, les milices chiites continuent de se battre. Cette idéologie qu’ils ont bâtie est leur premier relais dans le monde arabe. Et Téhéran l’abandonnerait en échange d’une légère diminution de sanctions économiques ? Ce n’est pas réaliste. »

 

 

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Source : www.mediapart.fr

 

 

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