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14 octobre 2013 1 14 /10 /octobre /2013 21:32

 

 

lemonde.fr

 

En Russie, "un discours raciste débridé"

Le Monde.fr | 14.10.2013 à 15h59 • Mis à jour le 14.10.2013 à 19h37

 
 

 

Une opération de police visant des travailleurs migrants, le 14 octobre à Moscou.

 

Le meurtre d'un jeune Russe par un homme présumé "d'origine non slave" a déclenché une vague de colère ultranationaliste à Biriouliovo, une banlieue du sud de Moscou, où des émeutes ont éclaté, samedi 12 et dimanche 13 octobre. Ces événements n'ont suscité qu'une faible réprobation en Russie, et les autorités de Moscou ont annoncé lundi de vastes opérations policières de contrôle des immigrés. Marie Jégo, correspondante du Monde à Moscou, décrit le climat xénophobe qui règne dans le pays.

Lire aussi Emeute xénophobe dans une banlieue de Moscou après un meurtre

Visiteur : Que s'est-il passé hier ? Une éruption de colère spontanée ou une "simple" manifestation des ultranationalistes ?

Marie Jégo : A partir d'une simple manifestation d'habitants d'un quartier dortoir de Moscou, les ultranationalistes ont exploité ce qui se passait pour lancer le hallali contre des commerces détenus soi-disant par des ressortissants d'Asie centrale ou du Caucase. En fait, le mécontentement de la population de Biriouliovo a été ignoré par les autorités qui ont été prises de court par l'arrivée d'ultranationalistes et de supporters de football.

Phil : La réaction des autorités montre-t-elle une forme de complaisance ?

La mollesse de la police peut être aussi mise sur le compte de la peur, parce que la foule, entre 2 000 et 3 000 personnes hier, était très violente, jetant des bouteilles et renversant des voitures. Certains ont sorti des couteaux lorsque des gens avec un "faciès non slave" ont été forcés de descendre d'un bus.

On voyait bien que les policiers n'étaient pas très enclins à agir fermement. Moins que lorsqu'il s'agit de manifestations de l'opposition. Le caractère spontané de la manifestation explique leur relative mollesse.

Tigre : Les émeutiers, et plus largement les nationalistes, dénoncent la criminalité des ressortissants du Caucase et d'Asie centrale. Y a-t-il une réalité dans ce discours ?

Ici, le thème de la "criminalité ethnique" est vraiment l'expression la plus utilisée du moment. Les candidats à l'élection à la mairie de Moscou y ont eu abondamment recours, y compris le maire Sergueï Sobianine, qui a déclaré que les migrants étaient statistiquement les principaux auteurs de crimes. C'est faux. Ils sont en effet les premiers au palmarès des crimes, mais lorsque l'on regarde la nature de ces crimes, il s'agit d'infractions aux règles de séjour dans la Fédération de Russie.

Alphonse : Quelle forme prend le racisme en Russie ? On parlait beaucoup à une époque des étudiants africains tués ou agressés, cela a-t-il cessé ?

Olive : Pouvez-vous donner des exemples concrets du climat de xénophobie que vous décrivez ? Le sent-on dans les mots ou dans les actes ?

Le racisme est caractérisé en Russie par une grande expression de violence. On tue des migrants, ou des étrangers au "faciès non slave". L'organisation SOVA, qui recense ces crimes dans une vingtaine de régions seulement, sur les 83 que compte la Fédération, évoque entre 30 et 50 assassinats racistes par an. En moyenne, un assassinat tous les dix jours. Il y a eu une amélioration, car les autorités se sont enfin décidées à opérer des arrestations chez les extrémistes responsables de crimes. Toutefois, comme ce recensement n'est pas assuré sur l'ensemble du pays, la statistique est incomplète.

Pour les Africains, c'est une habitude de rester enfermés dans les foyers universitaires le 4 novembre (le jour de la "Marche russe" avec saluts nazis) et le jour anniversaire de la naissance d'Hitler, le 20 avril.

GroBill : La parole raciste "banale" semble aussi plus libre et plus répandue qu'ailleurs en Europe. Diriez-vous que les Russes sont plus racistes ou qu'ils sont simplement moins gênés d'exprimer leurs idées ?

Je ne peux pas dire que les Russes soient plus racistes. Je pense que cette banalité de la haine intervient dans un contexte socio-économique donné. En effet, le discours raciste est débridé. On peut rappeler l'article écrit au mois de mai par la journaliste Ouliana Skoibeda, du journal Komsomolskaïa Pravda. Elle a écrit en sous-titre de son article qu'elle était désolée que les nazis n'aient pas transformé les ancêtres des libéraux russes d'aujourd'hui en "abat-jour". Elle faisait allusion à l'homme politique libéral Leonid Gozman. Ce sous-titre incroyable n'a pas vraiment été remis en cause. Et la journaliste a continué à travailler comme si de rien n'était.

C'est dans les stades que la violence raciste, verbale et gestuelle, atteint son paroxysme, surtout entre le Zenit, le club de Saint-Petersbourg financé par Gazprom, et le club daghestanais Anji. Les joueurs "basanés" reçoivent des bananes et des banderoles racistes injurieurses sont déployées. Récemment, les supporteurs du Zenit ont redigé un manifeste dans lequel ils demandent au club de ne plus recruter de joueurs à la peau noire. Les slogans sont les mêmes qu'au XIXe siècle. Récemment, la députée Irina Rodnina a publié sur son blog une photo de Barack Obama et de sa femme Michelle, représentés avec des mimiques de singes devant une banane. Elle n'a pas été condamnée pour cette photo.

Visiteur : Et les plus anciens, qui ont connu la guerre contre le nazisme, comment réagissent-ils à de tels mots ou à une telle éruption de violence ?

Il y a en Russie aujourd'hui une forme de consensus entre les jeunes et les anciens, entre l'extrême droite et les libéraux, sur la présence des migrants dans toute la Fédération. D'après Emil Pain [directeur de l'Institut d'études ethno-politiques, à Moscou], le socle commun des principaux courants politiques russes (communistes, nationalistes, libéraux, pro-poutine) est la xénophobie. Pour l'homme de la rue, le Caucasien ou le migrant d'Asie centrale sont à l'origine de tous les maux. Et en l'absence d'institutions d'Etat fiables – police, justice, administration – les gens ressentent une grande injustice. Et ils sont prêts à suivre le premier discours populiste venu sur le "péril" représenté par les immigrés.

Lulu : Vladimir Poutine ne tient pas lui-même de discours xénophobes, si ?

Vladimir Poutine n'a pas de discours xénophobe, mais parfois, pour s'inscrire dans le courant majoritaire, il caresse l'idée de la grande nation russe. Avec une ambiguïté, parce que la Fédération de Russie est un melting-pot ethnique où vivent, par exemple, 20 millions de musulmans. Il y a quatre ou cinq ans, les députés avaient souhaité introduire la notion de "peuple russe principal pilier de la Fédération", puis ils s'étaient ravisés face aux protestations des autres ethnies. Le problème aujourd'hui est celui de la corruption omniprésente et de la faiblesse de la police et de l'administration. Le taux d'élucidation des enquêtes pour meurtre est très faible. Pour ma part, j'ai rencontré à plusieurs reprises des gens dont un proche avait été tué et pour lesquels l'enquête avait été prestement refermée.

John : Même les héros de l'Occident que sont les libéraux ou Alexeï Navalny sont donc racistes...

Il ne faut pas oublier que Alexeï Navalny est un des fondateurs, en 2006, de la marche russe qui rassemble chaque année plusieurs centaines d'extrémistes faisant le salut nazi à Moscou. Il a pu évoluer depuis...

Toutefois, à chacun de ses meetings, pendant la campagne pour l'élection du maire de Moscou, il ne manquait pas lui aussi de parler de "criminalité ethnique". Le libéral Sergueï Mitrokhine, le candidat du parti Iabloko (libéral), s'était lui prononcé contre "la transformation de Moscou en une province d'Asie centrale".

Suffren : Quel est le poids électoral des ultra-nationalistes ?

Ils ne doivent pas peser plus de 10%. Le problème, c'est que leur discours est récupéré par tout le spectre politique.

Camille : Quelle est la position de l'Eglise orthodoxe face à cette xénophobie ambiante ?

Officiellement, l'Eglise orthodoxe défend l'œcuménisme. Il n'y a pas de condamnation particulière des assassinats de migrants. Mais on peut dire avec certitude que de nombreux mouvements extrémistes de droite sont parrainés par des représentants de l'Eglise. Certains de ses représentants, tel Vsevolod Tchapline, haut-dignitaire du patriarcat orthodoxe, ne craint pas d'appeler, dans certains de ses discours, à une forme de "djihad" pour la défense des fondements de la culture russe.

L'intolérance s'est développée non seulement envers les migrants mais aussi envers les homosexuels (des vidéos de tabassages et de tortures de jeunes homos circulent sur Internet) et envers les "déviants" de la morale, comme les Pussy Riot, qui purgent deux ans de prison pour avoir chanté une chanson critique de Poutine et du patriarche Kirill dans la Cathédrale du Christ-Sauveur (construite sous les tsars, dynamitée sous Staline, reconstruite sous Eltsine). Parlant des Pussy Riot (Nadejda Tolokonnikova et Maria Alekhina), Vsevolod Tchapline a dit à une journaliste du quotidien Moskovski Komsomolets (édition du 27 septembre) : "Nous devons pardonner à nos ennemis personnels comme le veut traditionnellement l'Eglise, mais cette même tradition, en réalité la voix de Dieu, nous dit de défendre la sainte foi les armes à la main s'il le faut. Ce n'est pas un hasard, l'Eglise bénit et continuera de bénir des armes. (...) Car la bénédiction divine renforce l'arme et celui qui s'en sert pour défendre la parole du Christ."

Serge : Ce climat constitue-t-il une nouveauté ou bien cette xénophobie existait déjà à l'époque de l'Union soviétique ?

Cette xénophobie n'était pas aussi violente au temps de l'URSS. Bien sûr, il y a eu toute la répression organisée par l'Etat contre les peuples du Caucase du Nord, déportés en 1944 vers l'Asie centrale, mais dans la vie quotidienne, il n'y avait pas autant de haine et de violence entre les ethnies. A l'heure actuelle, par exemple, les Russes confient souvent qu'ils ne considèrent pas les peuples du Caucase du Nord (Tchétchènes, Ingouches, Daghestanais) comme des Russes à part entière, alors qu'ils sont, au même titre que les Russes, ressortissants de la Fédération. Ce qui est extrêmement troublant aujourd'hui, c'est que les Russes parlent de ces Caucasiens comme s'ils étaient des illégaux. Et un des effets des émeutes de Biriouliovo, va être à coup sûr de conduire à des interpellations de masse d'individus au "faciès non slave".

L'intégration était possible à l'époque soviétique. Elle a même fonctionné, mais aujourd'hui une ligne de fracture apparaît. Avec les guerres de Tchétchénie (1994-1996 et 1999-2004), les Russes ont quitté le nord du Caucase. On a maintenant des régions ethniquement homogènes où l'extrêmisme islamiste attire des jeunes révoltés par la corruption et la violence des forces de l'ordre et de sécurité (les seuls Russes présents sur le terrain).

 

 

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