Le Monde.fr | 20.06.2012 à 14h45 • Mis à jour le 20.06.2012 à 14h45
Par Alain Salles
Les universités grecques ont beaucoup souffert des plans d'austérité qui se sont succédé pour réduire le déficit du pays. "Depuis deux ans, les budgets de fonctionnement ont diminué de 35 à 50 % selon les universités, explique Théodore Papathéodorou, recteur de l'université du Péloponnèse et ancien président de la conférence des recteurs. Tous les établissements ont fait des efforts considérables pour qu'il n'y ait pas de répercussions négatives sur l'enseignement. D'ailleurs, pendant cette période, plusieurs universités ont été distinguées dans les listes européennes d'évaluation. Mais les problèmes qui se posent concernent l'investissement, et notamment la recherche. Le ralentissement des deux dernières années aura un impact à long terme."
"Nous n'avons pas été affectés dans notre département, explique Panos Niarchos, de l'université de physique d'Athènes. Nous avons essayé de conserver le budget éducation et recherche au même niveau. Et nous avons réduit certains services inefficaces. Mais la situation n'est pas la même partout. Pour les universités qui ont besoin de nouveaux instruments pour leurs laboratoires, c'est plus compliqué."
L'université est gratuite en Grèce, mais certains établissements ont mis en place des droits d'inscription pour des masters. Les livres sont fournis gratuitement. Malgré les coupes budgétaires, les étudiants ont reçu leurs ouvrages. Ce sont parfois les éditeurs qui doivent attendre de longs mois pour que l'Etat leur règle la facture. Les aides pour le logement ou le restaurant universitaire ont été réduits, ce qui rend la vie étudiante plus difficile. D'autant que les budgets des parents ont rétréci et que le nombre de jobs étudiants diminue, alors que le chômage atteint 22,6 % de la population active.
"UNE RÉCESSION SCIENTIFIQUE ET INTELLECTUELLE"
Du côté des enseignants, leurs salaires ont été amputés. "Comme la plupart de mes collègues, j'ai perdu au moins 35 % de mon salaire, explique Calliope Rigopoulou, professeur au département communication de l'université d'Athènes. Si on tient compte des diverses contributions et de la perte des revenus provenant de la vente de mes livres, car plusieurs maisons d'édition affrontent la catastrophe, on arrive à 50 % de pertes. Et ça va sans doute continuer." De très nombreux postes de vacataires qui permettaient à des diplômés d'assurer des enseignements ont été supprimés. Ces coupes ont eu lieu en même temps que la mise en place d'une réforme des universités, qui a été très mal acceptée par les enseignants.
Dans ce contexte morose, les universitaires ont eu une autre mauvaise surprise au printemps. L'argent des universités est déposé à la Banque de Grèce, comme c'est le cas pour la plupart des établissements publics. Mais ces fonds ont été placés en obligations du gouvernement grec et ont dû subir la restructuration de la dette privée, en mars, qui a permis l'effacement de 100 milliards d'euros de dette, au détriment de banques et de "hedge funds", mais aussi des caisses de retraites grecques, de petits porteurs, et donc des universités.
Des réunions ont eu lieu sur ce sujet, mais pour cause d'élections à répétitions, la Grèce est sans gouvernement solide depuis trois mois. "Il s'agit d'une véritable rapine, s'indigne Calliope Rigopoulou. La Grèce est poussée vers ce qu'on peut appeler une récession scientifique, intellectuelle et finalement économique toujours plus dramatique."
Alain Salles