Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
6 février 2014 4 06 /02 /février /2014 17:55

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

Basta 06/02/2014 à 10h55
En Espagne, insulter le Parlement ou la paella coûtera bientôt 30 000 euros

 

Javier Marías

 

 

J’ai toujours été surpris que des gens intelligents, sans parler d’une infinité d’imbéciles, puissent prononcer des phrases telles que « J’aime mon pays » – comme récemment dans ces pages, l’écrivain Stephen King –. Je crains qu’il n’y ait pas en ce monde un seul pays qui échappe au fait d’être « aimé », par ses propres citoyens ou par des étrangers de passage, généreux en flatterie.

Ici, évidemment, on répète cette phrase à satiété, et ces derniers temps avec la Catalogne comme complément d’objet fréquent. Il s’agit chaque fois de variantes du fameux texte de Tejero (souvenez-vous, ce garde civil qui fit une tentative de coup d’Etat en prenant d’assaut le congrès des députés) dans lequel il exprimait son amour pour la paella et je ne sais quels autres éléments folkloriques.

Dès qu’on tente d’expliquer cette phrase, on tombe dans le ridicule, l’affectation et le lyrisme de bas étage. Un immanquable résultat donc, l’énoncé étant non seulement creux mais également impossible.

Un pays – taisons son nom – est une abstraction, au-delà de sa géographie, ses frontières précises et son organisation administrative, une fois qu’il est constitué comme Etat, nationalité, région, ou quelle que soit la forme qu’il souhaite se donner. Dans le meilleur des cas, c’est une convention, comme le sont « la littérature » ou « la science » et presque tout ce qui est susceptible d’être écrit avec une majuscule.

Lorsque quelqu’un assure « aimer la littérature », il veut dire aimer, au mieux, certaines œuvres littéraires, ceci impliquant que beaucoup d’autres lui déplaisent, bien que toutes soient « de la littérature ». Si quelqu’un affirme « aimer l’Espagne », sa déclaration est vide de sens car en Espagne comme partout ailleurs, il y a des gens, des villes, des quartiers, et même des complexes urbains côtiers qu’on jugera bien évidemment abominables.

Voir un Français et avoir les nerfs en pelote

La phrase est ainsi indéfectiblement grandiloquente, opportuniste et fallacieuse. Et souvent même démagogique, proférée pour flatter les cocardiers. Le sergent de Juan Benet était plus honnête et plus vrai en sermonnant ainsi ses jeunes recrues :

« Je vais vous dire, moi, ce qu’est le patriotisme. Voir un Français vous met les nerfs en pelote ? Eh bien c’est cela le patriotisme. »

Il est pareillement impossible d’« offenser » un pays, même par l’intermédiaire de ses symboles, précisément parce que ce ne sont que des symboles, des idées, de l’hymne au drapeau en passant par la paella de Tejero et aussi, j’en ai bien peur, par le ministre de l’Intérieur Jorge Fernández Díaz et son chef, Mariano Rajoy, qui lui donne les ordres.

 


Un manifestant opposé au projet de loi « Sécurité citoyenne » le 23 novembre 2013 à Madrid (Luca Piergiovanni/NurPhot/SIPA)

 

Eh bien soit, ces deux individus ont élevé cette impossibilité à la catégorie de « grave infraction », passible de 30 000 euros d’amende. Le rabiot de la loi de Sécurité Citoyenne dont j’ai parlé il y a deux semaines.

Même les vigiles de discothèque veillent

Seront punis d’amende, a proclamé l’opus-déiste Fernández, « les offenses et les outrages faits à l’Espagne », ainsi qu’aux « communautés autonomes et aux collectivités locales – ou à leurs institutions, symboles, hymnes ou emblèmes – exprimés par n’importe quel biais ».

Il faudra se pencher sur leur définition d’« offense » et d’« outrage », mais connaissant l’incapacité de cet individu à comprendre la liberté d’expression, et la démocratie, il faut s’attendre au pire.

Et comme il ne laissera bien entendu personne sur la touche (j’imagine que les communes inhabitées seront aussi considérées comme « collectivités locales »), il sera certainement bientôt condamnable de dire « Village de merde ! », « Quelle ville atroce ! » ou « Ce pays me dégoûte ! ».

Jusqu’à 30 000 euros d’un coup si un garde civil vous entend, ou même un vigile de discothèque, ceux-là aussi pourront bientôt nous arrêter.

« Madrid est un bordel »

Le pupille d’Escrivá de Balaguer – le fondateur de l’Opus Dei – s’est demandé : « Qu’est-ce qu’une offense faite à l’Espagne ? ». Ne sachant qu’ajouter, vu qu’une telle chose ne peut exister, Fernández n’a pu répondre que par une tautologie (comme s’il avait dit : « Eh bien, une offense à l’Espagne est une offense à l’Espagne »)

« Par exemple, une manifestation dans laquelle on trouverait des slogans ou des pancartes humiliant clairement l’Espagne – ou l’une de ses régions autonomes, ou encore ses symboles, ses institutions, le drapeau national… – sera considérée comme une infraction grave. »

Comme si, au lieu de définir chaque mot, le dictionnaire s’en sortait avec « Eau : eau » ou « Fierté : fierté ». Très utile.

Mais une chose est claire : si vous participez à une manifestation avec une pancarte affichant « Le Parlement est plein de crapules », on peut vous en réclamer 30 000 pour avoir humilié les institutions.

Même chose si vous reprenez en cœur « Madrid est un bordel » ou « La Maire est une incapable ». Et ne parlons pas d’appeler « franquistes » les membres de ce gouvernement, même si vous vous gardez bien de les injurier mais pensez faire une description simple et objective, fondée sur certaines similitudes.

Bientôt le tour des journaux ?

Mais comme d’habitude, le plus alarmant réside dans ce qui n’en a pas l’air : les offenses « exprimées par n’importe quel biais ». Ce qui concerne donc évidemment la radio, la télévision et la presse écrite.

Notre gouvernement développe rapidement sa marche « bolivarienne », pour ne pas reparler de néo-franquisme. Ne vous étonnez pas si l’illuminé Fernández et son chef Rajoy nous sortent une nouvelle loi sur la Presse à côté de laquelle celle en vigueur au Venezuela semblera bien libérale.

Le ministre des Finances, Cristóbal Montoro, a déjà ouvertement rappelé aux journaux critiques – pour autant que sa petite voix fluette le lui permette – la purge qu’il a lui-même déclenchée au sein de l’Agencia Tributaria [équivalent de la Direction générale des Finances publiques] contre des inspecteurs et des responsables qui, bien que nommés par son propre parti, étaient sûrement trop honnêtes à son goût.

Le jour où un article comme celui-ci sera considéré comme une « offense répréhensible », il faudra reparler de pratiques dictatoriales, après plus de trente ans de démocratie. Attention ! Nous n’en sommes plus si loin.

 

MERCI RIVERAINS ! Alexandre Le Bars
                                                                                                                                                                                                                           

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Démocratie Réelle Maintenant des Indignés de Nîmes
  • : Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes
  • Contact

Texte Libre

INFO IMPORTANTE

 

DEPUIS DEBUT AOÛT 2014

OVERBLOG NOUS IMPOSE ET PLACE DES PUBS

SUR NOTRE BLOG

CELA VA A L'ENCONTRE DE NOTRE ETHIQUE ET DE NOS CHOIX


NE CLIQUEZ PAS SUR CES PUBS !

Recherche

Texte Libre

ter 

Nouvelle-image.JPG

Badge

 

          Depuis le 26 Mai 2011,

        Nous nous réunissons

                 tous les soirs

      devant la maison carrée

 

       A partir du 16 Juillet 2014

            et pendant l'été

                     RV

       chaque mercredi à 18h

                et samedi à 13h

    sur le terrain de Caveirac

                Rejoignez-nous  

et venez partager ce lieu avec nous !



  Th-o indign-(1)

55

9b22