Droit du sol : fantasmes et réalité
Le droit du sol est à l’UMP ce que le droit de vote des étrangers pour les élections locales est au parti socialiste depuis François Mitterrand. Une idée qu’on brandit avant les élections, pour occuper l’espace médiatique en pensant à l’extrême-droite. La voilà donc re-dégainée par Jean-François Copé, avec son goût de déjà vu, de déjà entendu, de déjà débattu, et de déjà repris.
Il s’agit comme d’habitude de revenir sur le principe du droit du sol, affirmation du début d’après-midi, mais de ne pas y revenir, précision de la soirée. Annoncer qu’on va réformer le droit du sol laisse penser qu’on ira vers le droit du sang, qui limiterait la nationalité à la seule la filiation.
Le problème c’est que cette notion de droit du sang, cette espèce de frontière génétique absolue, et abolie depuis la révolution française, mais soutenue par le Front National, a été progressivement abandonnée par la majorité des pays européens, et notamment l’Allemagne en 1999.
Et pour cause. Elle est tellement fermée qu’elle est techniquement inapplicable. Si le Droit du sang avait été appliquée depuis deux siècles, il n’y aurait presque plus de français. Pas français, le Huertas qui parle en ce moment dans le poste, pas français le Copé, pas français le Sarkozy, pas français le Mimoun, le Zidane, le Valls, pas français le Devedjian.
Le droit du sang tient du fantasme plutôt que de la réalité. On le brandit implicitement, et périodiquement, comme Giscard en 91 en invoquant l’immigration-invasion, pour le ranger immédiatement en expliquant que le droit du sol continuera de primer, mais qu’il faut « mettre fin à l’acquisition automatique de la nationalité française ».
Or cette acquisition n’est pas automatique. Elle est soumise à des conditions précises, prévues par l’article 21-7 du code civil, parmi lesquelles, entre autre, la nécessité d’avoir résidé en France au moins cinq ans depuis l’âge de 11 ans.
Alors, comme il faut bien inventer quelque chose, on ressort du placard le principe mis en avant par Charles Pasqua, en 1993, et qui fait passer l’acquisition de la nationalité par une demande solennelle et obligatoire, principe aboli en 1998 par Lionel Jospin.
Pourquoi pas. Sauf que là encore le principe est plus proche de la posture que de l’effet concret. La conséquence des lois Pasqua n’a pas été le ralentissement de l’acquisition de la nationalité, mais une croissance de la paperasserie. Quatre vingt quinze pour cent des jeunes gens concernés l’ont demandé, et obtenu.
Tout cela a été dit et redit, dix fois, vingt fois, cent fois, mais on présente ce bégaiement comme une innovation. Comme il faut bien conclure et parler de ce dont on parle réellement, laissons le dernier mot au centriste Yves Jégo, délégué général de l’UDI. Il a le mérite de la clarté, et je le cite : « On n’endigue pas le Front National en devenant le Front National ».
France Culture 7h15 ; France Musique 8h07 ; Twitter @huberthuertas