| 29.02.12 | 11h35
Mario Monti et la chancelière allemande, Angela Merkel, à Berlin le 11 janvier.AP/Gero Breloer
Bruxelles, Bureau européen - Nicolas Sarkozy l'a porté à bout de bras, en soutien d'Angela Merkel. François Hollande promet de le renégocier s'il est élu président de la République. Le pacte budgétaire est soumis à la signature de 25 chefs d'Etat et de gouvernement européens, vendredi 2 mars, à Bruxelles – seuls le Royaume-Uni et la République tchèque devraient s'abstenir –, mais le débat à son sujet n'est pas clos pour autant.
Cette signature ouvre la voie à une procédure de ratification qui s'annonce délicate, à l'heure où la crise des dettes souveraines connaît un répit relatif en marge du sauvetage de la Grèce. Mardi 28 février, le premier ministre irlandais de centre gauche, Enda Kenny, a annoncé, contre toute attente, son intention d'organiser un référendum pour ratifier le pacte.
En France, M. Sarkozy s'est résolu à ne pas précipiter la ratification parlementaire avant les élections présidentielle et législatives, mais il entend y procéder au plus vite s'il est réélu. Au contraire, si M.Hollande l'emporte, de nombreux responsables de gauche ne veulent pas entendre parler d'une ratification du texte en l'état.
LA "RENÉGOCIATION" PRÔNÉE PAR HOLLANDE
Dès le sommet européen de juin, ils espèrent muscler le volet croissance et gouvernance économique d'un traité avant tout conçu pour inscrire dans le marbre la discipline budgétaire chère à Mme Merkel.
La "renégociation" que le candidat socialiste appelle de ses vœux reçoit un accueil glacial dans les milieux européens. " S'il veut ouvrir ce chantier, je lui souhaite bonne chance: ce sera impossible trois mois après la signature", lâche un dirigeant européen. Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, que les chefs d'Etat et de gouvernement doivent confirmer pour deux ans et demi dans ses fonctions, veut éviter la mise en cause de l'autre traité, sur le Mécanisme européen de stabilité (MES), en cours de ratification.
Sous pression pour augmenter la force de frappe de ce fonds de secours permanent, l'Allemagne a insisté pour lier politiquement les deux textes. D'où l'abstention des socialistes français lors de la ratification du MES à l'Assemblée nationale, le 21février, puis au Sénat, mardi.
Sur le fond, l'opposition entre M. Sarkozy et M. Hollande sur le nouveau traité reflète le débat du moment entre les Vingt-Sept. Après avoir donné la priorité à l'austérité, sous la pression des marchés, ils doivent discuter de la meilleure façon de soutenir leurs économies sans creuser davantage les déficits.
AGGRAVER LA RÉCESSION
Les plans d'austérité, en vigueur un peu partout sur le continent, sont de plus en plus contestés par les syndicats et par les opinions publiques, sur fond de montée du chômage dans les pays les plus fragiles.
Ils risquent de surcroît, de l'avis de nombreux dirigeants, d'aggraver la récession qui menace. "En ce moment, on insiste trop sur les pénalités financières et les paquets d'austérité", a jugé le socialiste Martin Schulz, président du Parlement européen, lors d'une visite à Athènes, mardi.
Les mises en garde en ce sens se sont multipliées. Douze pays, dont l'Italie, l'Espagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Pologne, demandent de réorienter la politique économique défendue par le tandem Merkel-Sarkozy. "La crise à laquelle nous faisons face est aussi une crise de croissance", ont-ils fait valoir dans un courrier rédigé à l'initiative de Mario Monti, président du conseil italien. Les socialistes français y voient la preuve que leurs demandes procèdent d'un souci qui s'impose à tous.
Mais, dans l'esprit des douze signataires de cette lettre, le remède passe par davantage de libéralisations, par la réforme du marché du travail dans chacun des Etats et par une plus grande ouverture commerciale du continent. Ce ne sont pas vraiment les solutions préconisées par la gauche française! La récession qui menace les Vingt-Sept inquiète de surcroît leurs partenaires internationaux.
"PLAN DE CROISSANCE COMMUN"
Pascal Lamy, directeur général de l'Organisation mondiale du commerce, devait appeler lui aussi, mercredi, à la mise en place d'un "plan de croissance commun" en Europe. "Le nouveau traité lui-même, avec ses règles strictes pour les politiques budgétaires nationales, va susciter une demande en faveur d'un budget européen étendu", devait-il expliquer à Bruxelles.
Pour M. Lamy, membre du PS français, ce plan devrait comporter trois axes: investir dans des infrastructures communes, promouvoir la recherche ou l'éducation, aider les Etats européens à adapter leurs outils productifs, leurs systèmes de sécurité sociale et leurs marchés du travail.
A plus court terme, l'enjeu est aussi – et peut-être surtout – de préciser les modalités d'application du pacte de stabilité et de croissance, tel que renforcé depuis l'automne. L'Espagne demande à revoir à la baisse les objectifs qui lui sont fixés, demande repoussée d'un revers de main par la Commission et la Banque centrale européennes.
Avec un souci qui risque de compliquer le début de mandat du prochain président français: protéger la crédibilité du dispositif de surveillance collective qui émerge peu à peu de la crise de la zone euro.
Philippe Ricard