Source : mediapart.fr
Qu'en est-il du travail dominical dans une société en crise, tiraillée entre la production, la religion, les services, le cadre de vie et les acquis sociaux ?... Analyse en trois vidéos, avec les historiens Patrick Fridenson et Michel Pigenet, alors qu'un rapport est remis au premier ministre.
Certains enjeux qui devraient s'imposer à notre réflexion civique tournent à la polémique inféconde. À Mediapart, nous tâchons depuis 2010, en nous associant au CHS (Centre d'histoire sociale du XXe siècle), de contribuer à interpréter le monde grâce à des experts, universitaires pour la plupart, filmés dans la longueur : ils démontrent plutôt qu'ils n'assènent, à rebours de l'écume des positions éditoriales ou politiques sans lendemain.
Nous avions ainsi tenté de Penser la prostitution avant qu'une pétition fâcheuse n'instrumentalisât l'affaire, au service d'une beaufitude épuisée mais se voulant clinquante (le prétendu “manifeste des 343 salauds” du magazine Causeur).
Aujourd'hui, nous revenons, entre les cris d'orfraie, sur le sujet du travail dominical. Le 2 décembre est remis au premier ministre un rapport de Jean-Paul Bailly, ancien directeur de la poste. Ce rapport, qui réaffirme le principe du repos dominical, devrait exclure l’extension des dérogations à de nouveaux secteurs. Le nombre d’autorisations exceptionnelles devrait être portée de cinq aujourd’hui à une dizaine (pour plus de détails lire ici).
Deux historiens, Patrick Fridenson et Michel Pigenet font le tour de la question en trois vidéos. Dans la première, ils rappellent que le problème du septième jour se pose à nouveau depuis les années 1968, marquées par un élan de consommation et une réduction du temps de travail. Avec un bras de fer entre la religion et une société de services (résistance catholiques et employés tiraillés par des contradictions massives).
(À 6 mn) La question de la norme et de la dérégulation du salariat. Retour sur la première loi en 1814, qui solde la Révolution et l’Empire avec un symbole fort clérical sur le repos dominical, pourtant empli de dérogations selon les branches dans une société en cours d’industrialisation. (À 11 mn) Depuis le début des années 1990, la droite et le patronat mènent une offensive, obtenant des dérogations géographiques qui fractionnent la France. Le Royaume-Uni et l’Allemagne, pourtant conservateurs, ont longtemps préservé une pratique dominicale intransigeante, avant que le septième jour ne devienne un moment marchand sous l’effet de la mondialisation, qui transforme le rapport au temps.
La deuxième vidéo aborde les différences régionales dont la France est le siège. Les périphéries urbaines, nouveaux lieux de consommation, entraînent des batailles devenues judiciaires et législatives. L’intervention des syndicats contre certaines enseignes, rappelle les actions concernant le respect de la loi sur les huit heures, en 1928 (à 5mn). La question du travail dominical divise le pays, jusqu’à l’intérieur même de l’État (ministère du commerce contre celui du travail). Les commerçants sont divisés entre petits détaillants et grandes surfaces. (À 10 mn) Le rôle des associations de consommatrices en faveur des salariés. (À 13 mn) Le commerce s'avère lieu de temps partiel subi, où les grandes surfaces imposent peu de limite à la flexibilité, dans un pays où la durée du travail fut la plus longue en Europe jusqu’en 1981.
La troisième et dernière vidéo fait d'abord retour sur les Trente glorieuses et la durée effective du temps de travail, avec une pratique aux antipodes de la norme, qui oblige à s’interroger sur les acquis sociaux. La transformation de la CFTC en CFDT, en 1964, s’accompagne d’une critique de la société de consommation aux accents prophétiques et d’un souci du cadre de vie, particulièrement malmené par la mondialisation. (À 6’30 mn) Rappel de la montée progressive du chômage, qui induit une société rappelant la France des années 1930. Analyse de la stratégie attrape-tout du Front national à propos du repos dominical (à 8’30 mn). (À 10mn) En période de crise, sans conquête sociale possible ni augmentation envisageable du pouvoir d’achat, l’enjeu des heures supplémentaires et de leur fiscalisation...
Retrouvez, sous l'onglet “Prolonger”, les précédentes séances menées, depuis avril 2010, avec le Centre d'histoire sociale du XXe siècle.
Cet article a été retouché le lundi 2 décembre pour signaler la remise à Matignon d'un rapport sur le travail dominical fait par Jean-Claude Bailly.
Depuis avril 2010, Mediapart, en partenariat avec le CHS (Centre d'histoire sociale du XXe siècle : Paris I-CNRS), rebondit sur une question d'actualité en l'approfondissant grâce à des experts, généralement universitaires.
Françoise Blum est la cheville intellectuelle de ce projet. Une professionnelle de l'audiovisuel, Jeanne Menjoulet, nous a apporté son métier pour la captation, puis le montage et le mixage de cette rencontre, qui s'est tenue le 17 octobre 2013, dans la bibliothèque Jean-Maitron du CHS, rue Malher, à Paris (IVe).
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