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Marianne - Tefy Andriamanana - Marianne | Vendredi 3 Février 2012 à 15:01
Le directeur de Sciences Po Paris a admis gagner 27 000 euros mensuels. La Tribune avait déjà révélé qu’il gagnait 17 408 euros par mois en 2005. Soit une augmentation de 54% en 6 ans. Un nouvel élément à charge pour le meilleur promoteur du modèle éducatif à l'américaine.
Pour gagner un gros salaire, vaut-il mieux être directeur de Sciences po ou diplômé de Sciences po ? Vu la crise actuelle, la première option semble la bonne. Dans une interview à
Libération, Richard Descoings, directeur de l’établissement, avoue gagner
27 000 euros bruts par mois, hors primes. Alors qu’un président d’Université ne touche « que » 6000 euros par mois au maximum. Ses collaborateurs sont aussi bien dotés. Selon Mediapart, 11 membres du « comité exécutif » de l’IEP se sont partagés
295 000 euros de primes de résultat en 2011. Descoings parle lui d’un chiffre de 292 000 euros.
Et quel est le montant de la prime du directeur ? Descoings a refusé de communiquer sur ce point. Pour autant, quelques petits calculs simples et un peu de lecture permettent de savoir quelques petites choses sur le salaire du patron de l’IEP. Mais on peut se douter que ce dernier rechigne face à ces fondamentaux de l’enseignement républicain.
En janvier, Mediapart avait révélé
un courrier interne de Descoings au sujet des rémunérations des dirigeants de l’établissement. Lui-même, sans dévoiler de chiffres précis, dit alors gagner «
l’équivalent, pour ne donner que deux exemples, du président de l’université de Birmingham en Angleterre et deux fois moins que le salaire le plus élevé d’un président d’université publique américaine ».
54% d'augmentation
A l’aide de ces comparaisons et des chiffres sur les salaires des universitaires cités, Mediapart en a conclut que Descoings devait gagner « autour de 500 000 euros par an, soit environ 38 500 euros bruts par mois » mais « en comptant son salaire et sa prime de résultat » et sachant que les salariés de l’IEP de Paris ont un 13e mois.
Conclusion : en faisant une petite soustraction et sachant que Descoings dit gagner 27 000 euros bruts par mois hors primes (soit 351 000 euros par an), sa prime serait donc de 149 000 euros par an.
Doté d’une jolie prime, Descoings a aussi bénéficié d’une belle augmentation. En avril 2009,
La Tribune révélait que le salaire 2005 du directeur était de
17 500 euros bruts par mois. En supposant qu’il s’agissait du salaire hors primes, son salaire a donc augmenté de 54,3% en 6 ans.
Pour le directeur, ces hauts salaires sont justifiés : « Je laisse à chacun le soin de juger si, en quinze ans, j’ai fait deux-trois choses qui ont changé l’institution. (…) Quelle entité publique ou privée a créé, comme moi, 170 emplois nets depuis 2007, à un moment où, dans l’administration, on ne remplace pas un départ à la retraite sur deux ? ».
Business school
Il est vrai que Descoings a profondément changé Sciences po Paris. Arrivé en 1996 à la tête de l’Institut, il a obtenu en avril dernier un nouveau mandat de cinq ans. De 5600 en 2006, l’effectif de son établissement est aujourd’hui de 9600 étudiants. De nouvelles filières ont été créées. D'un établissement chargé de former les élites de la fonction publique, il en a fait (ou a voulu en faire) une « business school » à l'américaine formant plus au pouvoir qu'au savoir.
En cela, on ne peut pas lui reprocher un minimum de cohérence quand il se fixe un salaire largement au dessus d'un président d'université qui enseigne encore la philosophie et l'histoire, matière sans aucune utilité dans paradis libéral. Cela colle avec cette vision du monde qui préfère l'individualisme et la performance au savoir et à la culture universelle. L'argent devient alors un motif de distinction bien plus valorisant que la culture. Rien d'étonnant de le voir courir les financements privés, L'Oréal ou Lagardère sont des parrains plus sympathiques
que Machiavel ou Hobbes. C'est la même cohérence lorsque Descoings supprime
l'épreuve de culture générale du concours d'entrée, qui serait discriminante socialement. Dans le monde selon Descoings, la culture ne vaut que si c'est celle du résultat (avec versement de primes) et pas lorsqu'elle est historique, littéraire ou philosophique. Une vision purement utilitariste de l'enseignement.
Discrimination
Pour pousser plus loin sa logique, Descoings a même écarté la sélection par le savoir pour mettre en place une politique de
discrimination positive avec sa filière spéciale pour les lycéens de ZEP, dispensés de concours. Il s'était même dit pour un
quota de 30% boursiers dans les grandes écoles, idées refusées par ces dernières.
Mais d’autres établissements prestigieux voient d’un très mauvais œil
l’ambition de Descoings. Laurent Batsch, président de l’université de Paris-Dauphine, qui ambitionne aussi d’être un Harvard français, dénonce le fait que l’IEP de Paris bénéficie de plus de subventions publiques de lui. En 2010, Dauphine a reçu 55,6 millions d’euros de l’Etat contre 80,5 millions d’euros pour l’IEP pour moins de 9600 étudiants. Une différence qui peut apparaître comme une discrimination aux yeux de certains. On croyait pourtant que
Descoings détestait ça.
Published by democratie-reelle-nimes
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dans
Economie et social