Le Monde - Mercredi 04 janvier 2012
Nom de code : Nicole Montecalvo. Attributs : portée de 300 km, autonomie de plusieurs centaines d’heures, résistance à des vents de 50 nœuds. Dans la bataille sans merci qu’ils livrent aux chasseurs de baleines japonais, les militants écologistes peuvent maintenant compter sur une nouvelle arme bien plus sophistiquée que leur arsenal traditionnel : des drones.
Chaque matin au cours des deux dernières semaines, deux avions téléguidés ont ainsi décollé des bateaux des "eco-warriors" de l’ONG Sea Shepherd afin d’espionner et poursuivre la flottille japonaise lors de la chasse annuelle à la baleine dans les eaux antarctiques. Les engins, équipés de GPS et de caméras, ont pu fournir coordonnées, vidéos et images fixes des baleiniers qui tentaient d’échapper aux poursuites dans l’immensité des océans, et ce malgré des conditions météorologiques extrêmes.
Grâce à ces précieuses informations, le Steve Irwin, l’un des trois bateaux de la Sea Shepherd, a réussi à repérer le navire usine Nisshin Maru à 800 km au large de la côte occidentale de l’Australie. "Cela va être maintenant être une longue poursuite jusqu’à l'Antarctique [afin d'empêcher la flotte nippone de pénétrer dans la zone de pêche], déclarait, à la veille de Noël, Paul Watson, le fondateur de l’organisation de protection des mammifères marins, basée aux Etats-Unis. Mais grâce à ces drones, nous avons maintenant un avantage que nous n'avons jamais eu auparavant : des yeux dans le ciel."
D’où viennent ces drones ? Déjà utilisés pour lutter contre le braconnage du thon rouge au large de la Libye, ils ont été offerts à la Sea Shepherd par Bayshore recycling, une entreprise américaine de recyclage des déchets, et le Moran office of maritime and port security, une société privée chargée d’assurer la sécurité des ports aux Etats-Unis. En plus de débourser 12 000 euros pour chaque drone, les deux entreprises, basées dans le New Jersey, ont également mis la main à la poche pour former les pilotes à manœuvrer les engins à distance.
"L'avènement de nouvelles technologies telles que les drones pourra enfin mettre un terme à la chasse à la baleine japonaise en la coulant économiquement", assure Paul Watson, qui se félicite qu’aucune bête n’ait encore été harponnée depuis l’ouverture de la chasse au début du mois de décembre. "L’an dernier déjà, les bateaux japonais, qui avaient un quota de plus de 1 000 baleines, en ont seulement pris 16 %. Nous avons sauvé au moins 800 baleines", ajoute le capitaine, connu pour lancer ses bateaux à l’assaut des embarcations nippones par tous les moyens — et parfois au risque d'entraîner des victimes.
Déjà, en janvier 2010, le Ady Gil, un navire de l'ONG spécialiste des attaques à base de fumigènes ou canons à eau, lançait des boules puantes à bord du baleinier Shonan Maru 2 et tentait de bloquer ses hélices avec une corde. Le navire nippon avait répliqué en éperonnant et coulant le bateau de la Sea Shepherd. En février 2011, l'ONG avait pris sa revanche : des navires japonais, pris à l’abordage, avaient dû écourter leur campagne.
Si l’ONG, que le gouvernement japonais a voulu classer hors-la-loi, se démène tant pour combattre les embarcations nippones, c’est que la pêche à la baleine fait l'objet d'un moratoire international depuis 1986. Mais Tokyo se livre à des "prélèvements", sous couvert de recherches scientifiques. Au cours des quinze dernières années, environ 15 000 baleines ont ainsi été pêchées sans que la Commission baleinière internationale ne bronche.
Photo : DMITRY KOSTYUKOV / AFP